A la rencontre des Akha au Myanmar (6)

Question d'optique

Par | Journaliste |
le

Femme de l'ethnie Akha. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

commentaires 0 Partager
Lecture 4 min.

Rendez-vous, une fois de plus ce matin au marché de Kyaing Tong (Kengtung) pour la préparation de mon plat préféré de nouilles sautées. C’est vraiment le plus coloré que nous ayons vu en Asie du Sud-Est. Nous prenons la route, direction les villages Akha situés dans la montagne à une petite heure de voiture, puis 2h30 de marche par les sentiers escarpés pour rencontrer principalement les femmes en plein travail de couture, de tissage, de transport du bois, d’entretien des maisons, de la surveillance des enfants, de préparation des repas etc... , tandis que les hommes que nous ne rencontrons que rarement sont occupés dans les plantations, des chantiers de construction, à veiller sur les troupeaux, à chasser ou pratiquer la coupe dans les forêts de bambous.

Cette ethnie en provenance d’Asie Centrale est de la lignée des tibéto-birmans (Népal et Bhoutan) et compte aujourd’hui entre 2 millions et 2,5 millions personnes réparties dans les montagnes en Chine, au Myanmar, en Thaïlande et au Laos. Ils sont chrétiens, animistes ou bouddhistes et vivent en totale harmonie entre villages distants seulement de quelques centaines de mètres parfois. Les mariages entre maris et femmes de religions différentes sont monnaie courante à condition que la femme adopte la religion du mari ! Et oui, il y a encore un long chemin à faire dans ce domaine, comme ailleurs. Nous sommes invités à boire le thé chez l’habitant à chaque fois que nous traversons un village, des échanges sur nos modes de vie, la composition des familles, les métiers etc... sont souvent, dès que nous les quittons, ponctués de remerciements d’être venus de si loin pour les rencontrer. Nos stocks de savons, shampoings, parfums, médicaments, bics, biscuits fondent à vue d’œil à chaque visite d’une famille, c’est le but, bien entendu, bien qu’ils ne nous demandent rien. Les femmes plus riches d’un certain âge arborent des coiffes finement travaillées et décorées de pièces d’une roupie indienne datant du début des années 1900. L’ensemble de leur coiffe peut peser entre 400 et 900gr. La richesse de leurs habits traditionnels leur ont donné une visibilité toute particulière parmi les ethnies occupant les montagnes du Triangle d’or. Ces vêtements représentent un coût financier important pour les jeunes femmes, qui hésitent aujourd’hui à en faire les frais. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que cette tradition vestimentaire, ainsi que celles d’autres ethnies, risque de disparaître avec cette génération, d’ici une dizaine d’années et devenir des  villages à touristes , avec le développement rapide de celui-ci dans cette région, tout comme nous l’avons vécu du côté thaïlandais avec l’ethnie Karen, en 2016. Sur le plan des croyances, les Akha animistes parlent d'un grand être tout puissant qu'ils appellent "Apoe Miyeh". C'est lui qui aurait créé les premiers êtres dont tous les humains descendent. Selon un mythe, il aurait appelé les représentants des divers groupes tribaux pour leur donner les "livres" qui les instruiraient dans la "Manière Akha".

Les textes qu'il donna aux Akha étaient inscrits sur la peau d'un buffle. Sur le chemin du retour, les Akha virent plusieurs signes mystérieux qu'ils attribuèrent au fait qu'ils transportaient le livre d'Apoe Miyeh. Ils rôtirent donc la peau du buffle et la mangèrent. Les Akha disent qu'ils ont perdu le livre, mais qu'ils continuent à avoir la sagesse d'Apoe Miyeh dans leur estomac. Lire aussi la légende du riz Akha. Nous sommes fin d’après midi, le soleil commence à couvrir de sa lumière chaude les paysages saignés par les routes que la couleur de la latérite transforme en un réseau veineux. Nous retrouvons le chauffeur dans le dernier village. Dans une bonne heure nous serons à Kyaing Tong. Demain, nous nous déplacerons dans un village de l'ethnie Akhé.


Reportage photo © Jean-Frédéric Hanssens


Espace réservé pour les offrandes aux esprits


Une moto 125 cc de marque chinoise. Une bête de somme qui se répare facilement.

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

 

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte