Les cadeaux de Mère Noël au gouvernement

Question d'optique

Par | Journaliste |
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Distribution de vêtements et nourriture devant la Tour des finances rebaptisée « Misères d’hiver ». Photos Jean-Frédéric Hanssens

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Le ciel s’était fait clément ce temps de midi du jeudi 22 décembre. Pas une goutte de pluie et même un rayon de soleil. Peut-être parce que la mère Noël en personne participait à la troisième manifestation des avocats pour dénoncer encore une fois le non-hébergement des migrants qui ont le droit de l’être. Un rassemblement devant la Tour des finances baptisé « Misères d’hiver » alors que se tiennent à quelques dizaines de mètres les Plaisirs d’hiver de la ville de Bruxelles. Chorale, chants de Noël, vin chaud, soupe, décors en rouge, vert, or, rien ne manquait pour donner l’illusion d’une fête.

Car de fête, il n’y en a pas. Trois mille personnes dorment toujours en rue à Bruxelles alors qu’elles ont le droit d’être hébergées. Aux tribunaux, le compteur continue de tourner : plus de huit mille condamnations de l’État belge par un tribunal belge, plus de huit cents par la Cour européenne des droits de l’Homme. Sans déranger nos ministres.

Plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux avocats, se sont réunies une fois de plus pour dénoncer cette indécence, cette indignité. Les habitués mais aussi tous ceux et celles qui s’étaient faits plus rares ces derniers mois aux manifestations pour les droits humains. Ils et elles étaient revenus, indignés.

L’avocate Marie Doutrepont rappelle les mots de Nicole De Moor, Secrétaire d’état à l’asile et à la migration, aux avocats qu’elle a reçus le 10 novembre : « pas de volonté politique concernant la crise de l’accueil ». « Nous ne sommes plus dans une crise de l’accueil mais dans une crise de la volonté politique, dans une crise de la démocratie, dans une crise de l’État de droit, dans une crise humanitaire », martelle l’avocate.

L’avocat Alexis Deswaef, vice-président de la Plateforme Citoyenne BelRefugees, se souvient que lors de la crise précédente, en 2015, la Plateforme avait déjà fait le travail à la place du gouvernement. Sans ciller, il interroge le gouvernement : « Faites-vous le job ? » Il redit que l’accueil des Ukrainiens a déjà été confié aux citoyens, que les réfugiés triomphent en justice et que rien ne se passe. Selon lui, tétanisé par la NV-A, le gouvernement se réfugie derrière des mots, pas de lieu, pas de personnel. Et rien ne bouge. « Qu’ils fassent leur job ! » Il évoque aussi l’invitation faite au Premier ministre de visiter le « Palais des droits », tout près de son cabinet, totalement insalubre, occupé actuellement par mille personnes. « Il n’est pas venu mais se prépare à partir en vacances. Alors que les associations font toujours son travail sur le terrain. Les propositions concrètes existent ( https://www.lesoir.be/475588/article/2022-11-08/crise-de-laccueil-lincroyable-mepris-de-letat-belge) mais les ministres n’en ont cure. »

De prise de parole en prise de parole, on a entendu les représentants des trois cultes, catholique, juif, musulman, un parti politique, un ancien demandeur d’asile afghan, Tarik qui a rappelé la difficulté de vivre dans la rue, une activiste indignée qui lance une campagne de kits d’hygiène… Est alors arrivée la mère Noël et ses cadeaux au gouvernement et à ses ministres, joliment emballés : « Un peu de courage politique », « Cinq minutes de courage politique », « Des cours sur le respect de l’État de droit et des décisions de justice », « L’ouverture de mille places d’accueil 24 heures sur 24 », « L’octroi de la protection subsidiaire aux Afghans et autres personnes non expulsables ».

Cela fait des mois qu’associations et avocats le répètent. Il y aurait 7.000 Afghans en attente de décision dans les centres d’accueil. S’ils reçoivent la protection subsidiaire, ils sont dans les mêmes conditions que les Ukrainiens qui l’obtiennent automatiquement, cela libère 7.000 places dans les centres et la « crise de l’accueil » est réglée. Les solutions, soufflées depuis des mois et des mois par les associations, sont simples, à portée de main et peu coûteuses. Elles permettraient au Premier ministre de ne plus mentir quand il déclare que plus personne ne dort à la rue. Ce serait aussi la fin de la « crise de la démocratie », pas plus mal pour un Etat qui se dit de droit.

Lucie Cauwe


Première manifestation « Respectez la loi, Madame De Moor »

Deuxième manifestation Mort, l’état de droit belge va-t-il ressusciter ?

 


Alexis Deswaef Coprésident de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.



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De GàD, Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant, Yvan Verougstraete, Vice-Président "Les engagés", Alexis Deswaef Coprésident de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, Selma Benkhelifa, avocate, Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.

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