Les «coquîs», késaco…corico?

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Concours de chant de coqs à Biesme. Reportage photo et vidéo © Jean-Frédéric Hanssens

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Lecture 4 min.

Texte de Benoît Gaspar

Au « Bev’nu ». Pas besoin d’être spécialiste des parlers locaux pour comprendre que la mention, sur la devanture de ce café, signifie « Au Bienvenu » et ce cabaret de Biesme, dans l’entité de Mettet, porte bien son nom.

Bienvenus sont notamment les « coquîs » c’est-à-dire « ceux qui font chanter les coqs ». C’est une pratique – un sport ? Il faudrait demander aux coqs- qui se perd : ce n’est pas rien d’amener ses protégés les samedis et dimanches avant 8 heures du matin et puis les coqs il faut s’en occuper tous les jours, toute l’année…

A Biesme, les « coquîs », ça se traduit aussi par « bande d’amis ». Le nouveau venu bénéficie des conseils, de petits trucs secrets « à ne pas dire aux autres », sauf que les autres en question vont recommander, sous le même sceau de la discrétion, exactement le contraire.

Il s’agit surtout de régime alimentaire : telles ou telles graines, salade ou crudités bannies? Voire des cocktails roboratifs, à base de café et même d’une « petite goutte » pour les champions.

Que leur demande-t-on à ces vedettes ? La qualité du chant, mélodieux ou enroué, ne compte pas mais bien leur nombre en l’espace d’une demi-heure. Ici la personnalité de chacun s’exerce : certains vont pousser leur cocorico vingt fois, d’autres près d’une centaine. Les meilleurs étant ceux qui sont réguliers et qui, de semaine en semaine, s’en tiennent à un score qui facilitera les pronostics du parieur.


Reportage photographique et vidéo © Jean-Frédéric Hanssens

Les parieurs, parlons-en justement : il serait plus exact de dire les « entraîneurs ». Car qui dit pari sous-entend argent. Or s’il y en a effectivement qui circule, c’est avec modération : ici, le plus important est l’ambiance, le suspense quant aux performances des coqs, les taquineries entre gens de bonne compagnie. Celui qui viendrait dans le seul but de gagner de l’argent serait déçu…et mal reçu.

Melvin, 21 ans, est le plus jeune parmi les assidus : jamais il ne raterait un samedi ou un dimanche. Il est vrai qu’avec ses trente pensionnaires il a de quoi faire. Chaque week-end il se présente avec sa sélection de 12 coqs parmi les meilleurs dont son fidèle champion.

Trente coqs, soit une heure de travail chaque jour pour les nourrir, nettoyer leurs cages et, éventuellement, leur prodiguer quelques soins.

Melvin peut se vanter d’avoir de bons voisins : nous sommes loin de la saga du coq Maurice traîné en justice par les voisins vacanciers de sa propriétaire sur l’Île d’Oléron. Devenu symbole de la ruralité, Maurice avait gagné son procès et conservé le droit de chanter.

C’est le grand-père de Melvin qui a transmis sa passion au gamin quand il avait 8 ans. Il lui avait offert un coq et tous ses conseils pour bien le soigner. Les leçons n’ont manifestement pas été vaines.

Les grands-pères semblent avoir une influence déterminante au sein de cette Société de chants de coqs car Lucien, 50 ans, président des « coquîs de Biesme » même avant qu’ils élisent domicile au « Bev’nu » il y a plus de 10 ans, a aussi été influencé, « happé » pourrait-on dire, par son grand-père dont il a hérité du prénom.

Lucien grand-père, explique Lucien petit-fils, était colombophile et, à la fin de la saison des concours de pigeons voyageurs, il devenait « coquî » en prenant sous son aile le fiston de 6 ans à qui, comme pour Melvin, il avait offert un coq.

Et puis il y a aussi le truculent Jean, bon-papa gâteau, toujours fidèlement accompagné de ses petits-fils. Futurs « coquîs » eux aussi ?

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Si l’on ose encore utiliser le terme « virus » avec légèreté, disons que celui-ci s’est gentiment propagé grâce à des aînés transmetteurs de traditions.

Benoît Gaspar

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