Lumières terrestres (4)

Question d'optique

Par | Journaliste |
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L'ile Nyamunini aussi appelée l'île Napoléon sur le lac Kivu au Rwanda. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Lecture 3 min.

Après la Bretagne, je vous propose une photo prise sur l'île Nyamunini appelée aussi l'île Napoléon en raison de sa forme faisant penser au bicorne de l'Empereur. Nous sommes sur le lac Kivu, côté Rwanda.  Cet îlot abrite une colonie de plusieurs milliers de roussettes paillées africaines, une espèce de chauve-souris frugivore menacée qui remplit un rôle crucial pour les écosystèmes grâce à la pollinisation et la dissémination de graines d’arbres endémiques.


Mais le lac Kivu, parsemé d'îles dont la pêche relativement importante représente plus de 10.000 tonnes de poissons par an et fait vivre les habitants avoisinant le lac, enferme une richesse potentielle considérable ! Du méthane qui peut être utilisé comme combustible pour, par exemple, produire de l’électricité équivalente à plus de 100 milliards de kilowatt-heure. Mais d'après l'étude d'une équipe de chercheurs pluridisciplinaire et internationale, emmenée par Jean-Pierre Descy de l’Université de Namur, Martin Schmid de l’Institut Fédéral Suisse de Science et Technologie Aquatique, et François Darchambeau de l’Université de Liège, ce gaz constitue également une véritable bombe à retardement et peut être dévastatrice en cas  de remontée à la surface de l’entièreté du méthane et du CO2 actuellement dissous dans ces eaux. Il créerait un nuage de gaz s’élevant jusqu’à plus de 100 mètres au-dessus du niveau actuel du lac. Ce nuage recouvrirait entièrement la région, et donc entre autres les importantes villes congolaises de Goma et de Bukavu. Le nuage toucherait ainsi au minimum deux millions de personnes. Elles décèderaient soit par l’éruption elle-même, soit à cause du nuage de gaz. Outre sa toxicité directe, le CO2 étant plus lourd que l’air, celui-ci stagnerait au niveau du sol et chasserait l’oxygène vers le haut, asphyxiant toutes formes de vie aérobie, incluant donc les êtres humains. Toujours d'après ces experts, son exploitation à grande échelle pourrait engendrer des désastres sur l'écosystème du lac lors de la réinjection des eaux usées. Mais le dilemme reste entier. Soit prendre le risque d'une catastrophe naturelle entraînant des pertes humaines impressionnantes, soit exploiter cette richesse à grande échelle avec les risques écologiques inhérents à une exploitation qui ne tiendrait pas compte des dégâts écologiques? Sur ce point, l'avenir proche nous le dira puisque le Rwanda a annoncé en février de cette année, avoir signé avec la société Gasmeth Energy (à capitaux américains, nigérians et rwandais) un contrat de 400 millions de dollars pour la production de gaz en bouteille vendu sur le marché local et à l’étranger à partir du méthane contenu dans le lac Kivu, qui sépare le pays de la République démocratique du Congo (RDC). Ce lac unique au monde conservera-t-il cette ambiance insolite et singulière dont j'ai pu en apprécier tout le charme?

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