Murad Subay : Diaspora.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Le 6 février dernier, Murad Subay, m’a envoyé une photographie du collage qu’il venait de terminer rue Ordener dans le XVIIIème arrondissement de Paris.

Son collage représente une famille composée de trois personnes, une femme sur la droite de l’œuvre, un homme à gauche et au centre un jeune garçon. Les trois personnages figurent une scène : une mère accueille son jeune garçon qui court la rejoindre suivi par son père.

Le collage de l’artiste reprend l’ensemble des codes de celui qu’il avait peint pour le mur Oberkampf[1] : une scène composée de plusieurs personnages, un fond de couleur rouge orangé cerné de motifs noir et blanc évoquant les perforations d’une pellicule de film.

Les deux scènes gardent le même chromatisme : une palette réduite à trois couleurs : rouge, blanc et noir. De la même manière, le dessin des personnages est le même : des lignes et des volumes peints volontairement maladroitement.

Dans les deux fresques, les peintures originales ont été réalisées avec les doigts et non avec des pinceaux. Il est vrai que Murad Subay ne recherche pas la beauté formelle de la réalisation. C’est pour cette raison ( un choix délibéré de la simplicité des moyens) que les deux messages sont particulièrement forts. La fresque du mur Oberkampf dénonçait la vente d’armes de la France à l’Arabie saoudite, celle de la rue Ordener a été titrée par l’artiste : « Diaspora ». En fait, ce n’est pas précisément l’immigration ou l’exode auxquels il est fait référence, mais bien davantage la douleur provoquée par la migration.

Certes les deux œuvres sont au sens large politiques, mais Diaspora rend compte d’une souffrance, d’une douleur, d’un sentiment.

C’était tout le pari de l’artiste, comment grâce à une image et une seule rendre compte d’une terrible déchirure qui brise « les cœurs et les corps ».

Murad Subay prend cette expression au pied de la lettre et nous donne à voir une mère, un père, un enfant amputés. Le père et son jeune garçon ont un morceau de jambe manquant. A la mère, il manque la moitié d’un bras. Même si la scène est dynamique (c’est un tableau de retrouvailles), les corps sont infirmes.

Ces horribles amputations sont un écho des barreaux des geôles qui traversaient les corps des prisonniers de la fresque de la rue Oberkampf. La démarche artistique est semblable : montrer le martyre des corps pour faire comprendre la douleur des victimes.

Tout l’intérêt des œuvres de l’artiste est d’essayer de comprendre pourquoi ces œuvres ont une telle force émotionnelle. Le mouvement est double à mon sens : d’abord une réduction a minima des éléments descriptifs (pas de décor, des personnages archétypaux, reprise des codes de couleurs et de la « mise en page » etc.) et, dans un second temps, une centration sur la représentation des corps martyrisés.

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L’œuvre de Murad Subay ne se réduit pas à des fresques « politiques », il peint également (et avec les doigts !) des portraits qui traduisent sa sensibilité et son empathie. Reste que les deux fresques récemment peintes à Paris sont des exemples d’une peinture résolument engagée, d’une évidente sincérité et réel talent.

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