Héroïsme et vieux clivages

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

La photo du héros dans la cour du ministère de l'intérieur captée sur le site www.slate.fr.

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Pour autant qu'elle existe, l'immortalité semble promise à Arnaud Beltrame. Le lieutenant-colonel de gendarmerie qui a payé de sa vie l'échange qu'il fit de sa propre personne avec un otage que le terroriste, déjà par trois fois tueur, a déjà en France plusieurs rues à son nom et son acte héroïque, quasiment sacrificiel, a été salué par tous, à l'exception d'un ancien candidat de la France insoumise, condamné quarante-huit heures plus tard à un an de prison avec sursis. Mais cet hommage unanime n'était pas exempt d'arrière-pensées qui nous ramenaient au XXème siècle et semblait dispenser de la réflexion de fond sur l'héroïsme. Car où est la frontière entre l'altruisme et l’ego? C'est une forme de glorification de soi, tout de même, que d'accepter librement ce qu'il a accepté. Nul ne peut dire, bien sûr, qu'il n'espérait pas être en mesure de s'en sortir vivant mais tout indique qu'il avait eu le temps de mesurer le risque, énorme. On peut se poser la question, sans attenter à l'honneur du héros, et observer que sur sa démarche n'est pas tellement loin de celle du kamikaze, lequel estime que sa vie pèse peu en regard des idéaux (certes dévoyés, mais c'est un autre problème) qu'il veut servir.

Beaucoup de héros le sont malgré eux, parce qu'ils n'ont pas eu le temps de réfléchir et que l'événement, même envisagé abstraitement, leur est soudain tombé dessus. Plonger dans une eau glacée pour sauver quelqu'un de la noyade, par exemple, ou mener des actions de résistance en essayant d'assurer ses arrières sans y parvenir.

Je conçois fort bien qu'Arnaud Beltrame ait pu estimer qu'il était de son devoir de se proposer à l'échange. Mais quel ressort l'a poussé? Et là surgit un débat qui serait presque pittoresque si les circonstances n'étaient pas si tragiques. On entend dire par ici que c'était son idéal chrétien qui l'avait poussé et par là, ses idéaux maçonniques et donc républicains et laïques. Un peu comme si l'un excluait l'autre. Le monde occidental continue à opposer religion et franc-maçonnerie alors que s'il est vrai que l'église catholique condamne la franc-maçonnerie, celle-ci, dans sa composante adogmatique, n'est plus ce repère d'anticléricaux qui sert de contrepoids au cléricalisme ambiant. Historiquement, la franc-maçonnerie est une œuvre de tolérance entre tenants de croyances différentes. On se souvient qu'un curé a été récemment sommé de choisir entre sa charge et son appartenance maçonnique, mais c'était par l'église et s'il était maçon, c'est qu'il avait été jugé digne d'entrer en franc-maçonnerie.

Il n'y a donc pas de contradiction en soi à être en recherche de spiritualité, même catholique, et partager les valeurs de tolérance et de respect d'autrui que la franc-maçonnerie prône depuis trois siècles. En réalité, Arnaud Beltrame, quelles que furent les raisons intimes de son choix, a écouté la voix de sa conscience et peut-être souffrirait-il aujourd'hui d'observer cette fausse opposition entre deux aspects de sa propre personnalité. Car s'il y a bien une certitude, c'est que l'immense majorité des catholiques et des francs-maçons n'auraient pas agi comme lui.

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