« Imaginiser » l’histoire et la politique

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Richard Miller, administrateur délégué du Centre Jean Gol. Photo © www.cjg.be

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J’aime beaucoup Richard Miller. Non seulement il est un intellectuel humaniste (pas au sens du parti belge qui s’est accaparé ce mot) mais il est aussi un spécialiste du mouvement artistique surréaliste Cobra, un de fleurons de l’imaginaire belge et européen.

Et puis, il a ce sourire patelin du « bon homme » qui aime la vie.

Dans son livre « L’imaginisation du réel », il démontre combien « l’être humain crée continûment et spontanément, des images singulières de la réalité ». Nous ne pouvons que croire en une réalité déjà imaginisée puisque nous percevons non pas le réel qui s’imposerait à nous mais ce que nous en imaginons. La raison n’est donc qu’une de ces images-réalités que nous créons constamment en vivant, tout simplement.

A ne pas confondre avec le fantasme qui est, selon le Robert,  une « production de l’imagination par laquelle le moi cherche à échapper à l’emprise de la réalité. ». Il semble pourtant que Richard Miller se soit laissé aller à un fantasme lorsqu’il déclarait au Soir de ce lundi 11 septembre : attention  au «communisme populiste », parlant d’une coalition PTB, Ecolo et PS souhaitée par le leader de la FGTB wallonne Thierry Bodson. Car, selon Richard Miller, le communisme a fait la démonstration de son échec sur tous les plans et a été « le plus grand créateur de pauvreté que l’on ait connu ».

Singulière tromperie historique, précisément au moment où l’on évoque l’histoire de la révolution communiste en Russie tsariste qui était pourtant connue pour la très grande pauvreté de ses campagnes et de la vie ouvrière. Que le stalinisme ait entraîné une grande pauvreté après une période de relative prospérité de tous, est évident. Elle n’est cependant pas liée au communisme en soi mais à la gestion de Staline. Voyons la Chine, le plus grand Etat communiste au monde et dans l’histoire.  On ne peut pas dire que la prospérité pour tous régnait avant, du temps des empereurs. La pauvreté au crû aussi à cause de l’impitoyable colonisation et la guerre de l’opium notamment menée par les puissances occidentales, Grande-Bretagne en tête. Mao incarnait la survie d’un peuple, au prix, là aussi, de l’instauration d‘une dictature impitoyable (la révolution culturelle). Cela a débouché sur un communisme capitaliste qui fait à présent de la Chine la plus grande puissance économique au monde et une augmentation (encore disparate) de la richesse de ses populations.

Richard Miller reproche au PTB de ne pas parler de cette histoire ni du marxisme afin de convaincre ses électeurs au moyen d’un « communisme populiste » qu’il renvoie en miroir à celui de l’extrême-droite du parti populaire de Modrikamen.

 Là, ce n‘est plus du fantasme mais de la manipulation des concepts : renvoyer vers des extrémismes pour empêcher toute discussion idéologique entre « droite » et « gauche ».

Et Richard Miller d’insister : « le communisme a abouti à la destruction de la société ». Quelle société ? Celle de la bourgeoisie du XIXe siècle capitaliste, exploiteuse des travailleurs et colonisatrice, voleuse des richesses des pays plus pauvres ? Combien de sociétés ont été détruites par le capitalisme - libéral d’abord, néolibéral mondialisé - encore plus dévastateur ?

Le libéralisme a été une force d’émancipation intellectuelle, sociale et politique extraordinaire. Plus tard, il a été accaparé par les plus riches pour accroître encore leur domination sur la politique et l’économie et empêcher la nécessaire redistribution de la richesse vers ceux qui la produisent : les travailleurs.

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Cher Richard Miller, on n’imaginise pas l’histoire. On essaye de la décrypter, de l’analyser pour apprendre la gestion politique du monde, en tirer les leçons et diffuser cela parmi les citoyens afin de les éclairer sur leurs choix. Imaginons donc, ensemble, un monde où le progrès de l’humanité est issu d’un dialogue entre perceptions de droite et de gauche du bien commun. La démocratie éclairée, en quelque sorte.

  • Richard Miller « L’imaginisation du réel », L’illusion du Bien (Saint Georges) et la vengeance fictive (Quentin Tarantino). Editions Ousia.
  • Le Soir du 11 septembre 2017. « Attention au glissement vers le communisme populiste ! »

 

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