Rien de ce qui est humain...

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Une photo d'archives (D.R.) en capture d'écran de radio-canada.ca prise d'un hélicoptère que cet archer essaie de descendre avec son arme.

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L’info qui a retenu mon attention cette semaine répond à une loi journalistique bien connue, celle du chien et de la jeune fille. Il s’agit de la mort tragique d’un jeune Américain massacré sur l’île des Sentinelles, en Inde. Mais on peut raccrocher cet événement au reste de l’actualité et se poser des questions sur ce qui en réalité définit l’humain en nous.

Certes, rien de ce qui est humain ne nous est étranger, nous le savons depuis Térence, et pour toutes celles et ceux qui écrivent ici, ce n’est pas une formule creuse. Mais après tout, la relativité des sentiments est aussi un apanage de notre nature et si nous essayons de ne pas l’oublier dans nos relations avec les autres, nos pensées intimes sont parfois cruelles. Ainsi ai-je ri en lisant quelques lignes dans un quotidien bruxellois cette semaine en apprenant qu’un dénommé John Chau, sujet américain de 27 ans, avait été tué après avoir posé le pied sur une île où une peuplade qu’il prétendait évangéliser accueille systématiquement à coup de flèches tout qui essaie de débarquer. Sur cette île vivraient environ 150 personnes, des chasseurs cueilleurs à la mode préhistorique. De temps en temps, les autorités indiennes passent au large ou survolent l’îlot mais laissent vivre à leur guise ces humains qui refusent si agressivement tout contact extérieur. Elles ont d’ailleurs strictement interdit que quiconque, y compris les pêcheurs des îles Andaman, s’approchent des Sentinelles à moins de cinq kilomètres. Car outre le risque encouru pour les intrépides, il y a un risque d’anéantir par un simple rhume la tribu qui y vit : le système immunitaire de ces 150 personnes doit être très loin du nôtre et on sait que les germes apportés par les conquistadores sont pour quelque chose dans la conquête de l’Amérique et l’extermination des populations indigènes.

Le hasard des choses faisant que je me trouve présentement sur mes terres occitanes, j’ai lu ce matin des détails dans le Midi libre. Et ma curiosité ayant été titillée, j’ai parcouru l’info sur le net, me disant que c’est ainsi que naissent les légendes. Le récit de cet incident bizarre (un chien qui mord une jeune fille, ce n’est pas une information ; une jeune fille qui mord un chien, si) varie déjà considérablement. J’ai lu par exemple que John Chau, qui avait soudoyé des pêcheurs pour aller en zone interdite, avait déjà tenté le jour précédent de poser le pied sur l’île mais qu’une flèche le visant avait ricoché sur sa bible. Miracle! Mais Dieu a dû perdre patience ou décider que le missionnaire devait subir le martyre de saint Sébastien… (sort auquel John Chau aspirait peut-être dans la perspective d’une éventuelle canonisation).

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La question qui se pose est la récupération du corps de l’audacieux. Il serait gisant sur la plage, le cou entouré d’une corde qui aurait servi à le traîner. Exfiltrer un cadavre, est-ce bien utile? Et faut-il risquer la vie d’autres êtres humains, fussent-ils « sauvages », pour un tel objectif? Mais ce qui fait la civilisation, n’est-ce pas à l’inverse que les symboles du respect prennent une telle importance?

J’ai alors passé au tamis de cette interrogation existentielle les événements de la semaine en ce sens qu’ils m’ont beaucoup exaspéré, comme les nouvelles foucades de Trump, les excès des gilets jaunes ou les remugles populistes. D’une part l’égoïsme destructeur qui est ainsi manifesté est inhumain et de l’autre, terriblement humain, dans le sens littéral du mot terrible. Condamner avec condescendance est trop confortable – et surtout, ne convaincra jamais personne de changer de comportement. Parler de la France d’en haut, des premiers de cordée ou user de ce vocabulaire qui classe, qui creuse, qui écarte ou qui détermine, c’est grave car cela érige des murs peut-être encore plus infranchissables que ceux dont rêvent Trump, Orban, Francken et les autres.

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