Albert Agazarian était le conteur de Jérusalem

Les indignés

Par | Journaliste |
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Albert Agazarian avec Marianne Blume. Il a rencontré de très nombreux Belges désireux de s’informer sur la réalité de l’occupation israélienne de la Palestine. Photo © Véronique Vercheval.

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Hier nous avons enterré un grand homme, un brillant intellectuel, un puit d’anecdotes et d’histoires, sur Jérusalem en particulier dont il a longtemps été le conteur reconnu. Hier nous avons enterré un ami dans le beau cimetière arménien de la vieille ville de Jérusalem qui témoigne de l’enracinement de cette communauté dans l’histoire de ce lieu.


Alors que l’on portait Albert Agazarian dans sa tombe, j’ai senti des larmes couler de mes yeux. Ce n’était pas Albert que je pleurais, préparé depuis des mois à sa disparition prochaine, mais notre histoire commune, celle d’une époque définitivement révolue. Ce moment me ramenait cinquante ans en arrière, alors que l’Université de Bir Zeit près de Ramallah devenait l’épicentre de la révolte contre l’occupation coloniale israélienne. Je revois plusieurs centaine d’étudiants manifester contre les soldats qui régulièrement envahissaient le campus, et, en première ligne, se tenant par les bras, le recteur Gabi Baramki, Hannan Ashrawi et Albert. En fin de manifestation, nous étions une petite douzaine d’Israéliens anti-colonialistes venus exprimer notre solidarité. Grâce à un travail de sensibilisation efficace, cette petite douzaine devient, en 1978, des centaines d’étudiants, d’universitaires et d’intellectuels, certains de renom, et constituent le Comité de Solidarité avec l’Université de Bir Zeit.
C’est avant tout à Albert que nous devons cet intérêt aux mobilisations de Bir Zeit. Porte-parole de l’Université, il est partout, y compris dans les cercles progressistes israéliens, dont il est un des premiers à comprendre l’importance pour diffuser la résistance, à Bir Zeit et ailleurs dans les territoires occupés. Son efficacité dans la sensibilisation est énorme, pour trois raisons : son don de conteur, son enthousiasme, et sa connaissance d’une douzaine de langues… dont l’hébreu. C’est ainsi qu’il a rapidement conquis l’intérêt non seulement des diplomates locaux, des journalistes et des nombreuses missions de solidarité qui commençaient à venir en Palestine, mais aussi d’une minorité croissante d’Israéliens que les images de confrontations entre les soldats et des étudiants, dans les bâtiments de Bir Zeit, révoltaient. Les plus anciens d’entre nous se souviennent encore de ces rencontres où Albert nous fascinait avec son hébreu aux ‘’r’’ roulés, à l’arménienne, et les innombrables histoires sur Jérusalem et ses communautés.
Car si Albert Agazarian était historien de formation, il était avant tout un historien de l’histoire orale. Le conteur de Jérusalem, de sa longue histoire et de ses diversités. C’est peu dire qu’il aimait sa ville : comme pour l’Université de Bir Zeit, il en était le porte-parole.
Ce sont les souvenirs de cette époque qui ont provoqué mes larmes pendant les funérailles d’Albert Agazarian, un chapitre définitivement fermé, de luttes et d’espoirs, porté par un optimisme sans doute exagéré, dont Albert était la voix. Michael Warschawski

 

 

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