Apologie du terrorisme, crie le perroquet !

Par Théophraste !

Par | Journaliste |
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Pressions et intimidations sur ZIN TV, pour avoir autorisé un débat sur le sort tragique des prisonniers palestiniens en Israël.

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Le perroquet médiatique et policier s’enroue à force de crier contre tous ceux qui tentent d’apporter des informations et des analyses équilibrées sur la guerre menée par Israël contre les Palestiniens. Dans divers pays européens, les accusations d’« apologie du terrorisme » se multiplient, accompagnées d’interventions policières plus ou moins musclées. Et l’on voit poindre l’ombre sanglante d’un fascisme réprimant la liberté d’expression et de pensée.

L’Allemagne est le fer de lance de cette inquiétante dérive. Ainsi, une conférence devait se tenir du 12 au 14 avril 2024 à Berlin sur les massacres à Gaza et le soutien de l’Allemagne à Israël. Elle réunissait des professeurs d’université, des politiciens, des médecins, des écrivains, des chercheurs renommés… Mais dès les premiers discours, la police a coupé l’électricité et menacé les participants. de poursuite pour « haine d’Israël ». Udi Raz, juif allemand et porte-parole de Jewish Voice for Peace en Allemagne, a été arrêté. Deux personnalités ont été interdites d’entrer dans le pays. L’ancien ministre grec Yanis Varoufakis dont vous pouvez lire ici le discours interdit: https://www.pressenza.com/fr/2024/04/yanis-varoufakis-le-discours-prevu-a-berlin-avant-que-la-police-ne-mette-fin-au-congres-sur-la-palestine/

Et le chirurgien palestinien et recteur de l’université de Glasgow Ghassan Abu Sitta, qui a apporté son aide à Gaza pendant 43 jours avec Médecins sans frontières. Un dangereux terroriste en effet !

En France, c’est une candidate LFI aux européennes, Rima Hassan, qui est convoquée par la police pour apologie du terrorisme. Cette juriste franco-palestinienne sera entendue le 30 avril pour des propos tenus sur les réseaux sociaux entre novembre et décembre. Elle dénonce des « pressions politiques visant à compromettre sa liberté d’expression », décrit Le Monde. Cette mesure d’intimidation survient après les annulations en série des conférences de Jean-Luc Mélenchon, l’interdiction d’une conférence sur la Palestine de La France insoumise à Lille, jeudi 18 avril

Tout cela, en période pré électorale tendue entre droite et gauche en France. (Lire Le monde : https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/19/rima-hassan-candidate-lfi-aux-europeennes-convoquee-par-la-police-pour-apologie-du-terrorisme_6228775_823448.html )

Plus grave encore, le secrétaire général de la CGT du Nord a été condamné le 18 avril par le tribunal correctionnel de Lille à une peine de prison avec sursis. En cause, la publication d’un tract de soutien à la Palestine en octobre 2023. Il était titré: " La fin de l’occupation est la condition de la paix en Palestine. » et l'on pouvait y lire « son soutien au peuple palestinien en lutte contre l’État colonial d’Israël » ainsi que ceci : « Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi [jour de l’attaque du Hamas, le 7 octobre – ndlr], elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées. » La CGT fait appel à ce jugement inique et dénonce les répressions syndicales croissantes que subissent les syndicalistes en France.

« Il est […] nécessaire que les autorités retrouvent la raison et cessent d’assimiler toute contestation politique ou sociale à du terrorisme. Le terrorisme tue, y compris en France. Le banaliser en traitant certains militants d’écoterroristes ou en poursuivant d’autres devant les tribunaux, c’est grave », souligne une tribune, signée notamment par le président de la Ligue des droits de l’homme, la porte-parole d’Attac France ou encore le coprésident de l’Union juive française pour la paix.

Lire à ce sujet: https://www.mediapart.fr/journal/france/181023/apologie-du-terrorisme-une-infraction-qui-de-beaux-jours-devant-elle

En Belgique, ZIN TV perquisitionné

Même la Belgique n'est pas épargnée par des atteintes à la liberté d'expression de journalistes.

"Est-il acceptable que la tenue d’une conférence portant sur la résistance palestinienne entraîne la descente d’une brigade anti-terroriste dans un lieu culturel et dans la rédaction d’un média ?", demande ZIN TV, un média d'action collective très intéressant, dynamique, où travaillent des journalistes reconnus par la profession. On y suit l'actualité des luttes des mouvements sociaux et citoyens. De plus, il s'agit d'un organe d'éducation permanente reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles. https://zintv.org/

Le "crime" de ZIN TV est d'avoir autorisé le collectif Samidoun, un réseau international de solidarité avec les milliers prisonniers politiques palestiniens détenus dans les geôles israéliennes, d’accueillir, en octobre, un de leurs événements au CBO ("C'est bon d'être ouvert") à Jette (il s’agit d’une occupation temporaire qui regroupe une dizaine de collectifs et associations). Or, Samidoun est considéré comme un "soutien au terrorisme" par le gouvernement d'Israël et celui de l'Allemagne qui d'ailleurs a expulsé cette organisation. Une enquête de l’OCAM (Organe de Coordination pour l'Analyse de la Menace) avait conclu qu’on ne pouvait pas interdire la conférence à laquelle assistaient des agents de police en civil. Aucun propos tombant sous le coup de la loi ne fut relevé et la soirée se déroula sans le moindre problème. Pourtant, la commune de Jette a plié sous les pressions de l'ambassade d'Israël.

Voici le récit de ZIN TV : « Le samedi 2 mars, 15 personnes, des agents de police en uniforme et en civil, des agents du SPF justice et du SPF économie ainsi qu’un inspecteur ONSS arrivent au CBO en début d’après-midi. Ils prétextent une inspection sociale. Nous ne pouvons donc pas refuser l’accès. Nous devons également leur fournir une série de documents ainsi que les numéros de téléphone de tous les membres du CBO. Un inspecteur explique qu’ils sont là à cause de l’évènement de Samidoun accueilli en octobre. Il s’agissait là d’une perquisition déguisée. Nous comprenons que nous venons de recevoir “la visite” des brigades BELFI. L’acronyme de Belgian Fighter : un projet mis en place pendant les attentats de 2015, associant la police judiciaire, les polices locales et différents services d’inspection (fiscale, sociale, etc.). Les opérations menées par BELFI ont pour objectif de lutter contre les sources de financement du terrorisme. Cette opération très intrusive et délibérément floue ne laissera personne indemne.

Nous sommes inquièt·e·s de cette utilisation disproportionnée de mesures d’exception établies pour faire face aux attentats terroristes sur le sol belge. Est-ce qu’il est acceptable qu’une activité portant sur la résistance palestinienne autorise une cellule comme BELFI à s’introduire impunément dans un lieu culturel, et interrompre un stage de vacances ou une activité de cuisine collective sous prétexte d’un contrôle social ? Comment de tels moyens peuvent être mis en œuvre sans en connaître les commanditaires ?

Nous analysons cette « enquête » comme une tentative d’intimidation et la suite logique des différentes pressions subies depuis le mois d’octobre. Tout cela favorise un climat fascisant qui mène à l’autocensure. La pluralité des opinions politiques et médiatiques devrait être protégée par nos institutions.

Nous tenons aussi à rappeler que ZIN TV est aussi un média d’information. À ce titre, trois membres de l’équipe de ZIN TV possèdent une carte de presse, ce qui fait des locaux de ZIN TV une rédaction journalistique, soumise à la protection des sources. Un espace qui ne peut être visité par la police sans précautions préalables.

Enfin, nous nous interrogeons sur l’ingérence d’un État étranger dans les affaires associatives bruxelloises. Car la criminalisation de Samidoun est impulsée par Israël. C’est bien l’ambassade d’Israël qui a contacté la commune de Jette pour tenter d’empêcher la tenue de la rencontre organisée par Samidoun. C’est un ministre israélien, Amichai Chikli (Likoud), qui a écrit 2 fois à notre ministre de l’Intérieur pour demander l’interdiction de Samidoun en Belgique.

L’extrême-droite en Belgique a ensuite pris le relais. Michael Freilich (NVA) a interrogé la ministre Verlinden par voie parlementaire pour savoir pourquoi elle n’avait pas encore répondu à ces lettres et si une enquête sera ouverte. La Ministre de l’Intérieur a répliqué en soulignant qu’il n’y avait pas de raison d’interdire ce collectif. Depuis, Théo Francken (NVA) s’exprime régulièrement sur cette question sur les réseaux sociaux…"

L'affaire est grave. Le terme de terrorisme est ainsi banalisé et utilisé pour réprimer des opinions contraires à ce que la propagande israélienne déverse dans nos esprits par le biais de certains représentants politiques et de médias sans esprit critique.

La vigilance démocratique doit être ravivée afin de diffuser dans l'opinion les valeurs ainsi décrites par Yanis Varoufakis dans le discours qu’il n’a pas pu prononcer: « {...} c’est qu’un peuple fier et respectable, le peuple allemand, est conduit sur une route dangereuse, celle qui mène à une société dépourvue de cœur. Il est conduit à s’associer à un autre génocide commis en son nom, avec sa complicité.

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Je ne suis ni Juif ni Palestinien. Mais je suis incroyablement fier d’être ici parmi des Juifs et des Palestiniens, de mêler ma voix pour la paix et les droits humains universels à des voix juives pour la paix et les droits humains universels, et à des voix palestiniennes pour la paix et les droits humains universels."

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