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Humeurs d'un alterpubliciste

Par | Penseur libre |
le
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Lecture 5 min.

L’info est un bien public, sans rival et sans exclusivité : on ne peut pas empêcher quelqu’un de vouloir s’informer même s’il ne paie pas. Alors, comment fixer le prix de celui qui produit l’info ? L’enquête sur les abus sexuels de l’Eglise aux USA a coûté plus d’1 million de dollars au Boston Globe. Qui paierait ça aujourd’hui ? Le Soir ? RTL ? Les propriétaires des médias français, Bouygues, Rotschild, Lagardère, DasssaulT ? J’en doute.
Julia Cagé, Hervé Nicolas et Marie-Luce Viaud ont publié L’information à tout prix chez INA, l’Institut national de l’audiovisuel en France. Ce livre vaut le détour. En conjuguant les outils du big data, du machine learning, de l’économie et du droit, les auteurs tendent de répondre à la question de l’avenir de la production de l’info. « Il se fonde sur la construction et l’analyse d’une base de données unique : l’intégralité du contenu produit en ligne par les médias d’information en France sur l’année 2013, qu’il s’agisse de la presse écrite, de la télévision, de la radio, des pure internet players ou encore de l’AFP, » nous dit l’INA.
Plusieurs constats apparaissent :

  • Dans le cas des actualités chaudes 64% du contenu des médias est copié.
  • La vitesse de propagation de l’actualité est très rapide : un quart des événements se propagent dans les 4 minutes.

Deux constats qui favorisent une homogénéisation de l’info et une réduction des contenus originaux. Ce n’est pas bon pour la démocratie.
Les auteurs proposent des solutions économiques et juridiques : une application plus rigoureuse des droits d’auteurs parce que les médias se copient beaucoup mais se citent très peu, la mise en place de murs payants, la syndication du contenu et la mutualisation des enquêtes comme pour les Panama Papers. 
Il y a des chantiers en cours mais il faudra une intervention ou régulation de l’état. La Presse-Libre, en France permet de s’abonner à une série de titres. Le lecteur est prêt à payer 9€ par mois pour s’informer. Mais il ne paiera pas 9€ par titres qu’il souhaite suivre. Payer 9, 10, 11, 12, 15€ en fonction de ce qu’il veut, est envisageable. D’où le dilemme de ces plateformes. Un journal comme Le Monde ou Mediapart n’a pas besoin d’eux. Or s’ils n’y vont pas, la Presse Libre, perd de son attrait.
Mais puisqu’il y a un financement public de l’information, c’est à l’Etat de pousser les médias à s’entendre et à aller vers des formes alternatives de distribution avec de la syndication de contenus.
Les médias qui se lancent – comme Les Jours – s’alignent souvent sur 9 €. C’est bien sauf que ces médias-là ne sont pas exhaustifs, ils sont généralistes donc, vous êtes bien informés mais pas entièrement.  d’où l’avantage d’un système comme La Presse Libre, dit Julia Cagé
Et en Belgique, quand est-ce que l’Etat va retrousser ses manches pour assurer une information qui soutienne la démocratie ? Bien-sûr, on peut se fier à McKinsey comme le fait souvent le cabinet Marcourt. Mais McKinsey privilégie les recettes qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs. Il s’agit ici d’inventer quelque chose qui soit adapté à notre taille. Nos journaux n’ont pas et n’auront jamais l’audience du New York Times et Entreleslignes n’a pas et n’aura jamais l’audience de Médiapart.
Mais il y a urgence. Parce que partout dans le monde, le match qui se joue est simple : dans un camp, il y a le nombre de crédules qu’arrivent à attirer un Trump, Théo Francken, Monsanto ou Daesh, par exemple ? Et, en face, combien de citoyens un journaliste arrive-t-il à rassembler pour les dissuader de croire ce que Trump, Théo Francken, Monsanto ou Daesch leurs racontent. 
On a aujourd’hui des partisans de la démocratie directe et d’autres qui croient encore à la démocratie représentative. La même chose vaut au niveau de l’info. L’information directe se fait vite et se copie et elle nous est servie par des algorithmes qui ont pour fonction de hiérarchiser les données et l’info en fonction de nos comportements sur le web afin de nous livrer ce que nous préférons. Ils nous isolent dans des bulles. Trump peut ainsi adresser des messages contradictoires à trois cibles différentes sur les réseaux sociaux, ils ne s’en rendront pas compte, les algorithmes les isolent. De l’autre côté il y a l’info représentative, je fais confiance à un journaliste ou à une équipe de journalistes pour hiérarchiser l’information qui m’informe et pas celle qui me flatte.
Nous avons le choix, la démocratie des crédules comme dit Serge Bronner, sociologue français, celle où croire et désir se confondent ou la démocratie représentative. Mais si nos représentants n’adressent pas le problème de la régulation du marché de l’info, on risque fort de devenir des abrutis cognitifs.

Lire ce livre et s’en inspirer ? Une urgence. Se trouve dans toutes les bonnes librairies et certainement chez Tapage et les PUB.
L’information à tout prix chez INA par Julia Cagé, Hervé Nicolas et Marie-Luce Viaud

 

 

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