Vers une écologie punitive

En France, les agriculteurs remettent ça. En Belgique s'ouvre un salon de la bagnole électrique (125€ l'entrée). Partout soufflent aussi des tempêtes littérales, le littoral s'effrite et les rivières débordent. On appelle bien sûr l'État - par ailleurs si facilement décrié - à son secours. Vous n'auriez pas une petite prime? N'ai-je pas droit à un dédommagement? Qu'allez-vous faire pour nous sauver?

Le ministre français de l'agriculture, Marc Fesneau, a provoqué une certaine irritation en faisant observer que le consommateur lambda pourrait très bien décider de privilégier le local au moins cher (plus lointain). On peut pourtant élargir la réflexion: en mangeant moins de viande, là aussi il ferait du bien à la planète, en prenant moins l'avion subsidié largement et en position de concurrence déloyale avec le chemin de fer, etc. L'agriculteur lambda lui-même porte une part de responsabilité dans la situation actuelle qui, c'est vrai, n'est pas rose pour lui: il s'est souvent offert pieds et poings liés aux grands groupes, pensant faire la bonne affaire et se faisant exploiter.

Alors, et cette fois pour contredire le même ministre, non l'écologie n'est pas en pause, elle est en recul. Pour vainement tenter de calmer la colère ambiante, on lâche du lest, c'est-à-dire du poison. Au sens propre et au sens figuré: il faut sortir du modèle actuel, replanter des haies, favoriser le circuit court qui par parenthèse n'est pas du made in France ou du made in Belgium, il y a mille kilomètres de Dunkerque à Perpignan et moins de cent de Lille à Bruxelles, bref faire des efforts et diriger les aides vers le durable plutôt que vers l'immédiat, étant entendu que ces aides peuvent aussi aider à la transition, ce qui nous amène à la voiture électrique. L'automobile qui ne pollue pas et fait peu de bruit a sa place en ville, mais que voit-on? Encore un bel effet pervers. Les constructeurs se ruent vers les gros modèles, lourds et coûteux, parce que la fiscalité et l'appât du gain conjuguent leurs effets. Il faudrait dans les rues de petites voitures légères, on en fabrique de grosses lourdes qui en plus partent dans la course à l'autonomie. Une 2CV, en 1965, consommait six à sept litres pied au plancher (à cent à l'heure) ou en ville et disposait d'un réservoir de vingt litres, moins de 300 km d'autonomie, non?

En Belgique, le fédéral agit pour que les véhicules de société - la majeure partie des immatriculations, l'avantage en nature favori des entreprises - soient électriques et une région, la Flandre, dispense une prime à l'achat que Wallons et Bruxellois refusent à envisager: on n'arrive plus à suivre, ni les pouvoirs publics ni les constructeurs, lesquels, une fois de plus, privilégient le haut de gamme plus rémunérateur. L'électrique à cent balles par mois, en France, a été stoppée presque aussitôt, victime de son succès. (Qui plus est, la voiture électrique n'est probablement qu'une solution provisoire qui, un jour, posera le problème de son recyclage...)

Alors il est clair qu'un jour, il faudra bien arrêter de privilégier ce qui fait plaisir à ce qui est utile, il faudra bien taxer les billets d'avion, il faudra bien interdire de construire en bord de mer ou de rivière, il faudra bien en revenir à un peu de sagesse: jadis, où les marins pêcheurs construisaient-ils leurs maisons? Le dos tourné au vent et à la mer, et de préférence loin de celle-ci... Il y avait des haies dans les campagnes, on ne mangeait pas de la viande tous les jours, l'assolement triennal permettait au tiers des surfaces (huit fois plus que 4%...) de se renouveler pour l'agriculture, etc., etc. Passéisme? Non. Le progrès, simplement, a pris une voie sans issue. Le mur, au fond, est celui du cimetière.