Algérie: contre la monotonie du pouvoir

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Dans une manifestation à Alger, le 1er mars 2019. REUTERS/Zohra Bensemra
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Vendredi 1er mars

 Macron se débat dans le grand débat. Il est à Bordeaux, dans une assemblée presque confidentielle, en présence d’Alain Juppé. On sent que les redondances fleurissent dans les échanges. Une seule attente émerge : le 15 mars, l’atterrissage sera indispensable. D’abord à la crédibilité de l’événement.

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 Au Conseil de Sécurité de l’ONU, la Chine et la Russie soutiennent Maduro. On sait qu’elles possèdent beaucoup d’investissements au Venezuela. L’impasse apparaît de plus en plus certaine, et la violence guette. L’impétrant volontaire Juan Guaido visite quelques pays voisin. Son retour devrait être mobilisateur mais aussi explosif.

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 A Hambourg aussi des ados défilent pour le climat. Et aussi avec à leur tête la petite suédoise Greta Thunberg. Le carnet de bal de cette jeune fille doit devenir très chargé.

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 La France connaît une épidémie de rougeole. Il y a une vingtaine d’années, des parents n’ont pas vacciné leur enfant, soit par égoïsme, soit par snobisme, ou par un combiné des caprices. La rougeole en même temps que la jaunisse, c’est contraignant. Surtout que les deux ensembles, cela donne du brun.

Samedi 2 mars

 Abdelaziz Bouteflika fête son 82e anniversaire à l’hôpital de Genève. Evidemment, si son état de santé l’obligeait à y rester interné, cela résoudrait bien des problèmes en Algérie … Quoique… Mais on annonce déjà son retour en son cher pays.

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 Macron a lancé un appel aux manifestants pour un retour au calme. Il y a peu de chances que les Gilets jaunes l’entendent. C’est d’autant moins probable qu’il a estimé devoir préciser que « tous les Gilets jaunes sont complices des casseurs. » Cette affirmation sera d’autant plus mal interprétée que son ministre de l’Intérieur, ne voulant pas être en reste, ajouta que « les brutes seront toutes punies. » On n’exerce pas le pouvoir en insultant le peuple, même si l’on a raison.   

Dimanche 3 mars

 Juan Guaido est rentré dans son pays, et depuis l’aéroport jusqu’au centre de Caracas, une foule en liesse l’accueille. Il est jeune, il est beau, et peut-être qu’après avoir visité l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, à l’instar du légionnaire d’Edith Piaf, il sent bon le sable chaud.

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 Les communautés algériennes de la diaspora commencent à se mobiliser. C’est le cas dans la capitale française, mais aussi à Londres et, bien entendu, à Marseille. On peut déjà considérer que le mouvement est inarrêtable.

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 Bernie Sanders, 77 ans, se lance dans une candidature démocrate d’une formidable fraîcheur démocratique, soutenu par une jeunesse joyeuse, et par Hillary Clinton en personne qui le rejoint sur la scène de son premier meeting afin de bien marquer son adhésion. Du coup, voilà Trump obligé de parler du socialisme devant ses propres sympathisants. Une leçon d’une cocasserie totalement inattendue. Mais y a-t-il encore des comportements à qualifier d’inattendus chez ce personnage loufoque ? 

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 Les Gilets jaunes furent sans doute un peu moins nombreux, mais ils furent néanmoins présents dans les rues de Paris et de quelques autres villes. C’est dire qu’un XVIIe acte n’est pas à exclure samedi prochain.

Lundi 4 mars

Il y a du neuf dans la gauche italienne. Le Parti démocrate porte à sa tête Nicola Zingaretti en une élection au suffrage universel qui rassemble 1,5 million de participants, beaucoup plus qu’envisagé. Il n’en faut pas davantage pour qu’une manifestation de quelques dizaines de milliers de personnes se déclenche à Rome avec des slogans qui rendent honneur au pays, comme « Bienvenue aux migrants ». La gauche italienne a recouvré des couleurs. Le chemin du Quirinal est sans doute encore long, bien que les dissensions entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue fasciste s’accentuent et que là-bas, il est rare qu’une législature complète s’accomplisse.   

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 De la fête comme excellent outil de résistance. Pour célébrer le plus grand carnaval du monde, les écoles de samba ont souhaité cette année parer les rues de Rio de Janeiro de sentiments à l’égard du pouvoir d’extrême droite. On y découvre des tenues de deuil, d’autres qui mettent la femme à l’honneur, les homosexuels également… Assez de provocation pour que le maire de Rio réduise de 50 % les subventions auxdites écoles.

Mardi 5 mars

 Et voilà !... Tandis que les manifestations se poursuivent en Algérie, toujours plus impressionnantes, l’armée sort de son silence et met en garde contre « ceux qui veulent déstabiliser le régime. » Les contestataires insistent tous, chaque fois qu’un micro se tend, pour insister sur le caractère pacifique de leur mouvement. Il serait pourtant étonnant que les choses ne se dégradent point. 45 % des Algériens ont moins de 25 ans. L’avenir du pays leur appartient.

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 Emmanuel Macron publie une tribune dans les journaux les plus importants des 28 pays membres de l’Union européenne. Son credo, c’est la « renaissance de l’Europe ». Son plan de relance comporte plusieurs chapitres dont certains (les frontières par exemple) figurent déjà dans les tablettes de la Commission. Mais d’autres sont novateurs, comme la nécessité d’avancer à plusieurs vitesses, souvent évoquée, jamais approfondie. Pour l’heure, ce qui est le plus substantiel, c’est d’analyser la manière dont est reçue cette prise de position. Merkel est silencieuse, Salvini grognon. Les autres ? Bah !

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 Le Real Madrid a vécu la décade la plus triste de son histoire récente. Battu deux fois de suite par le FC Barcelone, son éternel adversaire, il est éliminé sur son terrain des huitièmes de finale de la Ligue européenne des Champions par l’Ajax Amsterdam. Le transfert d’Eden Hazard en renfort devient de plus en plus d’actualité.  

Mercredi 6 mars

 Le carnaval d’Alost, célèbre hors frontières pour ses nombreux chars, est l’objet d’indignations dans toute la presse européenne. L’un d’entre eux est paré d’une grossière caricature antisémite comme on en connaissait dans les années trente. Le 14 octobre dernier, lors des élections communales, le parti nationaliste flamand NV-A obtint plus de 33 % des voix et le parti d’extrême droite Vlaams Belang plus de 17. Bien entendu, établir une corrélation entre ces deux faits relèverait de la plus vile des suspicions et mériterait, procès d’intention, un procès en diffamation.

Jeudi 7 mars

 Hésiter à lire Le Lambeau (éd. Gallimard)) par crainte de retomber dans les heures tragiques de l’attentat du 7 janvier 2015 à Charlie n’est pas justifié. L’auteur, Philippe Lançon, le seul rescapé du carnage - où des hommes merveilleux comme Cabu, Maris, Tignous et Wolinski subirent les kalachnikovs des islamistes - propose un témoignage de sa reconstitution où les dérivations intimes se mêlent aux allusions littéraires, musicales, artistiques sans que l’on ne soit perturbé par un étalement de sentiments douloureux ou un champ culturel vaniteux. On vit avec le miraculé, laissé pour mort par les fous d’Allah, en partageant ses occupations de grand blessé au sein de l’hôpital où il subit de multiples opérations sous anesthésie. Parfois, Lançon parvient même à distraire son lecteur comme il se complait dans un sort a priori peu enviable. Il est dans la nature humaine des facultés d’adaptation étonnantes que peuvent seules expliquer des proximités chaleureuses, des reconnaissances infinies, une fraternité spontanée, des affections inattendues, le surgissement d’une nostalgie née d’un souvenir qui somnolait dans un coin de la mémoire. Lorsqu’il présenta ce livre dans sa chronique du JDD, Bernard Pivot confirma qu’il ne pouvait pas obtenir le Goncourt car ce n’était pas un roman. Certes. On peut cependant discuter. Nul doute que le jury s’est livré à des échanges sur le vrai du faux et le faux du vrai, la réalité, la fiction et leur contraire. Lançon reçut le Femina. Tout est bien. Qu’il vive centenaire et qu’il en jouisse !   

Vendredi 8 mars

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 En cette Journée internationale des Droits de la Femme, c’est vers l’Algérie qu’il importe de jeter un regard. Ce sont les Algériennes qui vont, aujourd’hui, montrer la détermination du peuple à contester la monotonie du pouvoir. Elles aussi insistent : il s’agit d’une contestation pacifique et démocratique. Oeillet, jasmin, velours sont des mots qui ont déjà qualifié des révolutions récentes. Aucun n’a encore été choisi et diffusé pour qualifier celle-ci qui, du reste, ne porte pas (encore) son nom. Mais le destin pourrait vivifier le vocabulaire : Bouteflika est toujours à Genève et l’hôpital évoque un processus vital délicat…     

 

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