Allez, François, encore un effort!

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Une crèche actualisée en hommage aux migrants à Castenaso en Italie.© D.R.

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Lecture 17 min.

Samedi 16 décembre

 Il n’est pas donné à tout le monde d’organiser un banquet au château de Chambord pour fêter son 40e anniversaire. C’est le choix d’Emmanuel Macron qui fait préciser par l’Élysée : « à ses frais ». La location de la salle et des cuisines également ? Allons monsieur le président, un peu de tenue… On s’en fiche de vos agapes à bougies soufflées dans l’allégresse. Mais n’oubliez pas que vous êtes en République. Alain Duhamel, expert s’il en est, compare votre présidence (votre règne…) à celle de Giscard d’Estaing. Il est en-dessous de la vérité. N’allez pas jusqu’à vous dénicher un Léonard de Vinci qui réaliserait votre portrait, et n’oubliez pas que François Ier fut un jour amené, guidé par son ambition, à écrire à sa mère : « Tout est perdu fors l’honneur ».

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 Six portefeuilles dont celui de l’Intérieur, celui de la Défense et celui des Affaires étrangères. L’extrême droite autrichienne a bien négocié. Les nouveaux fascistes sont de vrais régaliens.

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 Impressionnante est la distribution de Santa et Cie, le film féérique d’Alain Chabat. Il a bien fait de prévoir quelques scènes dans le générique de fin parce que celui-ci est interminable. Un film qui a donc dû coûter cher mais qui n’est pas mal réussi dans son genre, avec de bons effets spéciaux. Une concurrence bienvenue au traditionnel Walt Disney de fin d’année. Après Astérix et Cléopâtre et l’incarnation du Père Noël, Chabat n’a plus qu’un grand rôle à interpréter : celui de Dieu. Nul doute qu’il y pense.

Dimanche 17 décembre

 La Belgique est-elle (déjà) devenue un territoire européen ? L’indépendantiste catalan Carles Puigdemont y bat campagne en toute décontraction pour les élections régionales qui auront lieu jeudi prochain. Chaque jour, il harangue ses partisans par vidéoconférence et parvient de la sorte en se poser en martyr, ce qui émeut certains électeurs qui en font leur héros. Que se passera-t-il le 21 décembre ? Personne ne le sait. Il y a des gens de gauche et des gens de droite aussi bien chez les indépendantistes que chez les unionistes. Il conviendra de suivre surtout un parti centriste composé de jeunes, dont la tendance est de réformer dans l’Espagne unie. Des Macron en puissance ? Attendre et voir.

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 Á Rome, le prestigieux prix Europe pour le Théâtre est décerné à Isabelle Huppert. Depuis 2001 où Michel Piccoli était honoré, cette récompense n’avait plus jamais été attribuée à une personnalité du cinéma. Qui a l’honneur de remettre le prix à Isabelle ? On dira : Dario Franceschini bien sûr, le ministre italien de la Culture !... Et on aura perdu. Il était présent le ministre, bien entendu, mais il pria Jack Lang d’accomplir le geste solennel. A ! Ce bon vieux Jack! Toujours au poste !

Lundi 18 décembre

 Le successeur de Michelle Bachelet à la présidence du Chili sera donc de nouveau le milliardaire conservateur Sebastiãn Piñera. Puisque plus de 54 % des électeurs l’ont voulu, que ce choix  soit donc respecté. Reste à savoir ce que deviendra Bachelet qui, à 66 ans, est loin d’avoir perdu l’ardeur des combats et des responsabilités. Une commission à l’ONU ?

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 Huis-clos en noir et blanc d’1 heure 11’, The Party est une belle satire de Sally Potter bâtie autour de Kristin Scott Thomas, très alerte et preste dans son rôle. Les tics, les envies, les cachotteries et les revers de l’ambition, toutes choses qui appartiennent au quotidien, peuvent souvent friser le ridicule et parfois, le ridicule enfante le tragique. Les inattendus et les rebondissements bousculent. Le spectateur se projette dans la scène trouble. Ici le comportement d’une connaissance ; là celui d’un parent… Ne serait-ce pas bientôt à mon tour ? Attention ! « Je est un autre »  et la Roche Tarpéienne est proche du Capitole…

Mardi 19 décembre

 « Puissance rivales », « Menaces existentielles pour les États-Unis »… Commentant un rapport sur la sécurité, Donald Trump s’en prend d’un coup sec à la Chine et à la Russie. On savait que l’homme ne faisait pas dans le détail mais là, il se surpasse. Cette année, les Etats-Unis auront intérêt à se signer en présentant leurs vœux pour 2018.

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 Le Crime de l’Orient-express d’Agatha Christie est le type de roman idéal pour une adaptation au cinéma, où le huis-clos s’inscrit dans des décors majestueux et contrariés par les éléments. Ridley Scott l’a bien saisi. Magnifique interprétation de Kenneth Branagh en Hercule Poirot.

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 Personne ne comprend pourquoi le grand sapin qui trône sur la Piazza Venezia de Rome est flétri, défraîchi… Il est la risée du monde entier par le biais des internautes qui s’en donnent évidemment à cœur joie.  Mais que fait le Vatican ? Faut absolument que François s’en mêle…

Mercredi 20 décembre

 Pologne, Hongrie, Autriche… Tiens ! Les dirigeants d’extrême droite utilisent aussi les deniers publics à des fins personnelles ! Turquie… Tiens ! Monsieur Erdogan et sa famille ont aussi des comptes dans les paradis fiscaux !...

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 Bitcoin, Blockchain, des noms poétiques synonymes de monnaie qui ont grossi énormément cette année, créant de nouveaux riches et accélérant des rapports commerciaux encore inconnus voire inimaginables quelques mois plus tôt. Mais gare à l’explosion de la bulle !

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 La trumperie du jour : au cours de la réunion gouvernementale, le président Donald a demandé à l’un de ses ministres de réciter une prière pour remercier Dieu d’avoir fait voter le Congrès en faveur de la réforme fiscale. La photo de la scène est hallucinante.

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 Appel aux partisanes de la féminisation des mots : le substantif goujat n’a pas de féminin.

Jeudi 21 décembre

 Ensemble, les partis indépendantistes catalans ont rassemblé moins de voix que les tenants de l’Espagne mais la forme de scrutin favorisant les campagnes leur donnent un léger avantage en sièges et donc une majorité absolue, à condition qu’ils s’entendent et s’associent. Á l’issue de ces élections régionales provoquées par le Premier ministre Mariano Rajoy, la Catalogne est plus que jamais coupée en deux tendances équivalentes, dans les associations, dans les mouvements politiques et même, dit-on, dans les familles. L’élan romantique de l’indépendance reste bien présent, malgré les soubresauts économiques et la fuite de capitaux que la crise a déjà provoqués.

Vendredi 22 décembre

 Trump, qui gouverne les Etats-Unis comme on dirige une grande société capitaliste et ses filiales, avait prévenu, irrité par le scrutin du Conseil de Sécurité : tous ceux qui ne voteront pas pour approuver sa proposition de faire de Jérusalem la capitale d’Israël ne recevront plus l’aide des Etats-Unis. « Ça nous fera des économies ! » avait-il lancé. Eh bien il en fera beaucoup des économies, car l’assemblée rejeta massivement la proposition de Washington par 128 voix contre, 9 pour et 35 abstentions. Un fameux désaveu qui devrait paradoxalement débloquer la situation, et accélérer le processus de paix, pour autant que celui-ci ait encore des chances d’être reconnu comme tel.

Samedi 23 décembre

 C’est décidé : Carles Puigdemont continuera de séjourner à Bruxelles. Petit clin d’œil vers l’avenir : et s’il était candidat aux élections européennes de juin 2019 Pas sot… Oui mais sur quelle liste ? Une liste propre qu’il créerait pour l’occasion, ou, plus simplement, celle des nationalistes flamands (NV-A) bien sûr.

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 La Promesse de l’aube est un roman. Romain Gary l’a voulu ainsi. Ce n’est pas un récit autobiographique. Il est donc tout à fait possible que l’écrivain - qui,  par des côtés fantasques, savait les méandres de la vérité autant que les multiples tergiversations des faits dits réels – ait forcé le trait pour décrire cet amour fou auquel l’avait soumis sa mère. Quelle importance ! Tout est vrai puisque le romancier le dit. Éric Barbier ne fait pas oublier Jules Dassin qui, en 1970 (Gary allait encore vivre 10 ans) donna une première adaptation de l’histoire avec plus d’épaisseur et pourtant moins de moyens. On ne peut pas non plus omettre la fougue de la sublime Melina Mercouri, qui semblait être la mère que Gary décrivait dans son livre, pareille à l’écran que dans la vie… réelle. Et pourtant, Charlotte Gainsbourg est admirable, réussissant tout à fait à rendre les excès de son personnage sans tomber dans le ridicule. Quant à Pierre Niney, consciencieux et appliqué mais pas assez viril, on le préférait dans le rôle d’Yves Saint-Laurent. Les dernières images déroulent sous la dictée de l’excipit du roman. Cela suffit pour sortir ému de la salle noire.

Dimanche 24 décembre

 Plutôt que de bonnes résolutions,  préparer pour l’an prochain de neuves observations. Parmi celles-ci, une des plus importantes sera de suivre les faits et gestes de l’impulsif Mohamed Ben Salman qui, à 32 ans, n’est encore que prince héritier du royaume d’Arabie saoudite mais dont le roi déclinant lui laisse déjà les rênes. Tout va bouger dans ce pays moyenâgeux à la richesse incommensurable. Tout, absolument tout, depuis la promotion des arts jusqu’à la pratique de la religion, le mouvement d’émancipation sera total. Le statut de la femme émergera des multiples réformes tandis qu’en diplomatie, un rapprochement avec Israël pourrait aussi modifier les rapports de force dans la région. Le jeune futur souverain n’est intransigeant que sur un seul point : la vente d’alcool. « Oui au pétrole, non à l’alcool ! » aurait été un bon slogan pour un humoriste tel Bourvil dans son sketch consacré à l’eau ferrugineuse. Si l’Occident néglige d’observer Ben Salman, on peut être assuré que d’autres ne quitteront pas leur mirador. En particulier l’Iran.

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 En 1996, dans un livre consacré à la ritualisation du quotidien, Claude Javeau, professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles, avait écrit un superbe texte intitulé Parler pour ne rien dire : Ça va ? Ça va… !  En écho innocent, Bernard Pivot cite Bert Leston Taylor : « Un raseur est un type qui, quand vous lui demandez comment il va, vous le dit. »

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 Coco. Enfin un film d’animation aux moments de Noël qui ne respire pas le puritanisme gnangnan et le pudibonderie bourgeoise, clichés habituels de Walt Disney !  Lee Unkrich et Adrian Molina emmène les petits spectateurs par des images féériques dans le monde des morts grâce à la passion du gamin, héros de l’histoire, pour la musique. Hélas ! Dans le monde des morts, il y a aussi des bons et des méchants, la lutte du Bien contre le Mal contrarie les squelettes. Dommage.

Lundi 25 décembre

 Le pape a consacré hier son homélie à « l’hospitalité », ce qui lui a permis de lancer un appel en faveur des migrants, « expulsés de leurs terres par des dirigeants prêts à verser le sang des innocents ». Hé les chrétiens ! Vous qui êtes dérangés ou inquiets par la compagnie de l’autre Terrien qui vous côtoie, un peu moins blanc que vous, un peu moins acquis à vos us et à vos principes, vous avez entendu ? Aujourd’hui, sur la place Saint-Pierre, depuis son balcon, François lança un appel en faveur d’un « statu quo » à Jérusalem, prônant la paix et le respect de tous les humains en Terre sainte. Hé ! Donald !, toi qui, à l’instar du Très-Haut, es sur Terre tout puissant, toi, le pape du capitalisme, t’as entendu ton collègue ?

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 Si l’on créait un prix d’allégeance ou de l’inféodation à l’occasion de Noël, il faudrait le décerner à Jimmy Morales, président du Guatemala, apôtre de la droite extrême, qui, dans le sillage de Trump, vient d’annoncer qu’il transfèrerait à son tour son ambassade à Jérusalem. Carpette diem.

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 « Ils en ont parlé ! » Ce dessin de Caran d’Ache intitulé Un dîner en famille, paru le 14 février 1898 dans Le Figaro à propos de l’affaire Dreyfus est devenu désormais un classique. On se met à table, joviaux, souriants et affables en se promettant de ne point évoquer le sujet brûlant (première case) ; on finit par se bagarrer parmi les chaises (deuxième case). Sans en arriver aux mains, combien de banquets n’ont-ils pas tourné au vinaigre hier soir ? Oui mais quel était le sujet du grabuge ? Les migrants ? Le voile ? Les étrangers ? Mélenchon ? Le Pen ? les Brigitte ? Johnny ? Comme prétexte à des règlements de compte entre cousins éloignés qui ne se voient qu’une fois par an, ils n’avaient que l’embarras du choix.

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 Du Journal de Gabriel Matzneff (La Jeune Moabite. Journal 2013 – 2016, éd. Gallimard) : « Vendredi 17 octobre, 10 h 30, à Orly-Sud. Dans La Repubblica, ces propos d’un prêtre de Solbiate Arno (Varesetto) : En Europe, les gens n’attendent plus rien de Jésus, ils croient déjà tout avoir : les téléphones portables, les centres commerciaux, les spas ; du Christ et des efforts que nous devons faire pour Le suivre, les gens n’en ont rien à ficher. Ils vivent à l’horizontale, la transcendance leur casse les couilles’. » Et par souci de précision, l’auteur en reproduit le texte dans sa version italienne en bas de page. Joyeux Noël monsieur Matzneff !

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Mardi 26 décembre

 Quelle est la proportion de chrétiens parmi les lecteurs du Figaro ? Répondre 3 sur 4 est sûrement bien en-dessous de la réalité. Mais soit, restons minimalistes pour être crédibles. Le Figaro a mis en ligne une enquête auprès de ses lecteurs en les priant de répondre à la question : « Approuvez-vous l’appel du pape François à plus ‘d’hospitalité’ envers les migrants ? » Après 5000 votes, le oui était à 26 % et le non à 74. Allez François, encore un effort !

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