Altermondialisme 2021, 20 ans après

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Vue aérienne du parc de Nouragues en Guyane et les conséquences de la déforestation et des mines d’or artisanales. Photo © Philippe T. WWF-France

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Ne croyez pas que le monde des « alter » reste sidéré par la pandémie, le télétravail, la perte de travail, la paupérisation croissante, l’augmentation des injustices au niveau mondial… Ce petit monde altermondialiste se fera entendre du 25 au 30 janvier lors du premier Forum Social Mondial numérique au Québec mais avec tout de même des rassemblements dans les meilleures conditions de sécurité face à l’épidémie de COVID-19. Les centaines d’associations de paysans, d’écologistes, de militants des forces sociales, et toute la variété de ceux qui veulent changer le monde mèneront « des débats larges et profonds sur les crises imbriquées du capitalisme » et stimuleront « l’articulation des réponses politiques et la programmation des actions mondiales. Nous aurons également l’occasion de nous confronter à nouveau au Forum économique mondial de Davos. Cette semaine sera le point de départ naturel de la célébration du 20e anniversaire de la création du Forum social mondial, qui a eu lieu en janvier 2001 à Porto Alegre, au Brésil. », annoncent les organisateurs.

Mais ce n’est pas tout : ces débats, ces campagnes et luttes diverses se dérouleront sur tous les continents et tout au long de l’année, en vue de la prochaine édition planétaire post-pandémique du Forum Social Mondial, qui devrait avoir lieu fin 2021 ou début 2022, au Mexique.

Que nous dit de cela Gus Massiah, un des organisateurs des FSM depuis 20 ans ?

« Le choc de la pandémie et du climat a accentué les ébranlements de la crise financière et politique de 2008 qui s’était traduite par une évolution austéritaire, combinant austérité et autoritarisme, du néolibéralisme. Les contradictions économiques et financières, sociales, écologiques, démocratiques, idéologiques et géopolitiques atteignent un niveau inconnu historiquement. »

Gus Massiah lance l’alerte, après les événements survenus aux Etats-Unis : « L’austéritarisme risque d’évoluer vers un néolibéralisme dictatorial, avec des idéologies identitaires et sécuritaires, porté par des couches sociales que la peur du déclassement et l’insécurité font basculer vers les droites extrêmes en laissant des marges de manœuvre à des milices fascistes. Les nationalismes virulents sont à l’offensive, les régimes dictatoriaux se multiplient et plus d’un milliard de personnes vivent dans des régions en guerre. A l’inverse, des mouvements profonds démontrent des volontés de changement radical : le mouvement des femmes remet en question des rapports millénaires ; le mouvement de l’urgence climatique fait exploser les certitudes sur la conception du développement fondé sur la croissance productiviste ; le mouvement contre le racisme et les discriminations, à l’exemple de mouvements comme Black Lives Matters, les afro-féministes brésiliennes, les peuples autochtones, met en avant la décolonisation inachevée. »

Il constate que les réponses à la pandémie ont été nationales et étatiques ce qui favorise le regain du nationalisme. Cependant, « les réseaux internationaux et continentaux de mouvements ont cherché à répondre à cette situation et à se renouveler. Des forums sociaux thématiques (économie sociale et solidaire, migrations, éducation, communs, …), régionaux (Amazonie, Maghreb, Afrique de l’Ouest, …) et nationaux (Irak, Népal, Palestine, …) se recomposent. »

C’est à partir de cette recomposition que l’enjeu du FSM est de « réinventer une dimension internationale et mondiale, pour participer à la définition de la prochaine phase de l’altermondialisme par rapport à la crise de la mondialisation. »

Un exemple de ce que signifie une stratégie pour un mouvement : le mouvement paysan. « La Via Campesina, qui est le mouvement le plusimportant en nombre aujourd’hui, s’est construit à partir de sa stratégie : l’agriculture paysanne contre l’agro-industrie, la sécurité alimentaire, l’agriculture biologique et le refus des OGM. Il a aussi défini ses alliances avec le mouvement syndical, avec les mouvements de femmes, avec les écologistes, avec les peuples autochtones. », détaille Gus Massiah.

S’ajoutent à ces mobilisations les luttes des mouvements pour la santé, pour l’éducation, pour l’économie sociale et solidaire, pour les communs, les médias libres, les mouvements pour le municipalisme et le droit à la ville, science et démocratie, contre le nucléaire, contre les guerres …

La société mondiale est riche en initiatives et expériences. Le FSM, c’est créer un réseau dynamique, actif, nourri d'expériences des uns et des autres. C’est l’entraide qui renforce la force des luttes et permet d’obtenir de belles victoires comme, récemment, celle des paysans en Inde qui ont fait plier le gouvernement d’ultra droite de Modi.

Il y a urgence car la paupérisation, la précarité de millions d’habitants de cette terre se sont accrues avec les effets dévastateurs de la pandémie non seulement au point de vue sanitaire mais aussi économique et social. De plus, malgré les promesses énoncées lors des grand’messes climatiques, les Etats, les grandes puissances n’ont quasi rien fait pour freiner le désastre écologique.

Ainsi, la déforestation s’est accrue à une vitesse folle. Le WWF alerte : « 43 millions d'hectares de forêts ont été détruits entre 2004 et 2017 sur les principaux fronts de déforestation à travers le monde. Soit une superficie équivalente à celle du Maroc. » 24 fronts les plus sévères ont été identifiés, ils concentrent 52 % de la déforestation tropicale totale. Neuf se situent en Amérique latine, « une région qui connaît un déclin particulièrement dramatique des populations d'animaux sauvages illustrée par le récent rapport Planète vivante ». Les populations de vertébrés ont chuté de 68 % entre 1970 et 2016. Les autres fronts se situent en Afrique et en Asie-Pacifique, explique Laurent Radisson dans ActuEnvironnement.com.

L'étude révèle aussi que 45 % des forêts qui n'ont pas été détruites sont dégradées. « Elles (…) deviennent plus sensibles aux feux et plus à risque de déforestation définitive du fait de leur accessibilité. D'autre part, cette dégradation met à mal la capacité des forêts à fournir des services écosystémiques (épuration et rétention de l'eau, captation de carbone, production de nourriture et de matériaux, etc.) indispensables à l'homme », explique le WWF.

Sans surprise, c’est l'agriculture « commerciale » qui est accusée de défricher de nombreuses zones pour le bétail et les cultures. Et l’on cite particulièrement le soja et la production de bœuf dans les régions du Chaco et du Cerrado dans la zone amazonienne. Autre exemple catastrophique :  « Quatre-vingt-quatre pour cent de la déforestation au Guyana est causée par l'exploitation minière », rapporte le WWF qui pointe le cas de la Montagne d'Or.

Le WWF appelle donc l'Union européenne à légiférer, soutenu en cela par plus d'un million de citoyens qui ont répondu à la consultation publique lancée par la Commission en vue d'adopter un texte garantissant que les produits mis sur le marché européen ne sont pas liés à la déforestation.

Il nous faudra suivre aussi le résultat des promesses faites par les Etats lors du récent One Planet Summit, pour protéger la biodiversité. Cette grand’messe a réuni les représentants politiques et économiques sous l’égide de la présidence française. Leur but : « accélérer la transition mondiale vers une économie plus vertueuse et placer le climat et la nature au centre de la relance mondiale ».

Relance, quelle relance ?

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https://www.actu-environnement.com/ae/news/deforestation-rapport-wwf-43-millions-hectares-2004-2017-36868.php4

https://www.oneplanetsummit.fr/actualites-17

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