Après les magasins essentiels, voici les matières essentielles

Pour remettre les idées à l’endroit...

Par | Penseur libre |
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Finalement, tout va-t-il devenir essentiel ou accessoire ? Certes, l’enseignement, avant la Covid, considérait déjà qu’il y avait des cours essentiels et d’autres, accessoires. Le cours de gymnastique ne faisait guère le poids face au cours de mathématique. Le cours de français était considéré comme plus important que celui d’initiation artistique par exemple.

Mais voilà maintenant que, face à la perturbation des horaires des écoles, au peu d’heures que les élèves consacrent aux apprentissages et à la priorité donnée aux leçons en distanciel, l’on demande aux instits et aux professeurs de se concentrer sur les cours "essentiels".

Mais l’accessoire, c’est-à-dire quoi exactement ? À l’instar de la société, qui a bien du mal à définir ce qu’est un magasin accessoire et un magasin essentiel, l’école va mettre du temps à clarifier ce concept. On risque même d'assister à quelques crêpages de chignons. Car (du moins, il faut l’espérer) il n’est pas question de revenir au lire-écrire-calculer qui fut longtemps le trio des objectifs de l’école, cher à nos instituteurs des débuts de l’instruction obligatoire.

Va-t-on abandonner la gymnastique, le théâtre et la peinture au profit de plus de français, de mathématique et d’apprentissage de la lecture ?

Certes, personne ne niera que lire, écrire et calculer sont fondamentaux et même indispensables. Ce sont aussi des outils qui permettent aux élèves d’aborder, de comprendre toutes les autres matières. Pour être un bon scientifique, il faut bien connaitre au moins sa propre langue maternelle, saisir ses nuances, percevoir l’implicite d’un discours. Un bon mathématicien doit aussi dominer sa langue maternelle même si la mathématique possède également son langage propre.

Mais la question principale reste : comment enseigner ces matières dites principales ? Du moins avant 16 ans, elles ne peuvent s’enseigner en restant dans leur bulle propre, c’est-à-dire sans faire appel à des situations concrètes, à des phénomènes observables, à l’expérimentation, au contact avec d’autres matières qu’elles-mêmes. En pédagogie active et tout particulièrement en pédagogie Freinet, lorsque nous abordons une notion nouvelle avec nos élèves, quelle qu’elle soit, nous veillons à ce qu’elle ne se déroule pas dans le vide, mais bien dans un contexte plus général, moins "attendu" que celui qui s’applique strictement à la notion nouvelle à acquérir.

Apprendre la fonction de l’adverbe en collectant des exemples dans la presse ou la littérature, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi et surtout l’utiliser, la faire fonctionner dans son expression personnelle, se frotter à elle dans ses textes et lors de sa communication orale ou écrite dans des domaines divers qui n’ont plus rien à voir avec le cours de français stricto sensu.

Lorsque les élèves sont face à une notion mathématique à acquérir, ils n’en comprendront tout l’intérêt et toute l’ampleur, toute l’importance, que si ils en comprennent les applications en géographie, en gestion et même en histoire, domaine pourtant à priori apparemment bien éloigné des mathématiques. Je me souviens avoir entendu souvent, à l’issue d’une activité, mes élèves s’interroger sur le nom à lui donner afin de compléter la liste des activités à transcrire dans leur journal de classe. Avions-nous fait du français, des mathématiques, de l’histoire ou encore de la géographie ? La question m’amusait. Je me contentais souvent d’y répondre : " Oui, un peu de tout cela… ". Parfois, nous prenions le temps de comprendre pourquoi nous avions dû faire appel à toutes ces "disciplines" en même temps pour mieux comprendre.

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Se limiter aux matières essentielles est non seulement illusoire, mais dangereux. Cette position risque en effet d’entrainer les enseignants vers un enseignement ex cathedra dont la vie, la rencontre avec la réalité et la diversité seraient de plus en plus absentes.

Henry Landroit

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