Aubes

Le Chant la vie

Par | Penseur libre |
le

"le gris sale des villes" Photo © Jean Rebuffat

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Lecture 4 min.

aigrette cendrée du faubourg

dans le gris sale des grandes villes

voilà que l’hiver à la bourre

revient neiger raide et fragile

 

on voit dans le ciel les baleines

des nuées noires et lointaines

on s’emmitoufle dans la laine

le jour muet met ses mitaines

 

et de ses doigts blancs et glacés

le jour accroche au flanc blême

de mon sommeil recommencé

 

sa tendre armure défaussée

je suis de mon rêve l’emblème

et je verse dans le fossé

 

*

 

je devine le temps qui vente

derrière la fenêtre fermée

c’était une nuit d’épouvante

une nuit d’ombre et de fumée

 

à travers les rideaux écrus

perçait une aurore timide

comme rumeur à quoi l’on crut

le ciel était triste et humide

 

et j’étais pantelant livide

à l’idée du jour qui venait

avec sa robe bleue liquide

 

et j’étais comme un arbre vide

comme une mer qui pleure du nez

au milieu d’un jour apatride

 

*

c’est au bout d’un petit moment

comme par un tour de passe-passe

que l’aube se lève et s’efface

la nuit tranquille une eau dormant

 

les musiques du jour naissant

accompagnent dame lumière

qui claudique danse hume hier

comme un rêve rouge de sang

 

le pâle rideau de la chambre

laisse passer une rumeur

de rose thé de thym et d’ambre

 

le tendre et onctueux dormeur

sent doucement durcir son membre

au ventre du sommeil qui meurt

 

*

 

le jour est décidément là

j’entends le cri noir des choucas

le bruissement du ciel lilas

j’entends le familier fracas

 

du camion poubelle qui passe

dans la rue que s’est-il passé

que voulez-vous que ça me fasse

on parle d’un soleil lassé

 

dont les rais se brisaient au vent

et qui aurait plié l’échine

je fais un rêve émouvant

 

c’est une drôle de machine

que rêver d’être encore enfant

un rêve fané qui s’échine

 

*

 

courant dans l’ombre et la bruyère

qui dans le ciel passent la main

je songe aux faits aux bruits d’hier

qui me ramènent à demain

 

je suis debout dans l’aube fraîche

ainsi qu’ormeau nu dans le vent

le vent froid qui me frôle et lèche

je m’abrite sous le auvent

 

du jour qui passe la fenêtre

comme un voleur de faux bijoux

étoile mourant avant de naître

 

entre les nuages qui jouent

et les branches noires d’un hêtre

le jour se pose sur ma joue

 

*

 

dans la nuit encore qui dort

quand s’ouvre une tendre tulipe

la fenêtre est comme à ma lippe

un miel de lumière et d’or

 

ô lampe des chants et des villes

où l’on vient goûter aux merveilles

d’un neuf et vigoureux soleil

l’ocre s’enflamme au feu tranquille

 

et danse là près des fontaines

que des canards benoîts habitent

un poète qui perd haleine

 

entre les nuits rêvées trop vite

et les matins froids des putaines

entre les corps et les lits vides

 

*

 

encore un filet bleu respire

entre les volets entrouverts

encore s’insinue à travers

les volets comme un long soupir

 

comme une eau qui monte et déborde

sensiblement la rive noire

comme les rêves au désespoir

le jour aux ombres qui s’accorde

 

ce qui n’était qu’une rumeur

dans le ciel obscur se précise

et enfle et coule avec lenteur

 

et l’aube d’abord indécise

me trouve chantant et rêveur

de mots à ma bouche cerise

 

*

 

enfin se déploie le grand jour

ailes d’un goéland géant

oiseaux qui signez le ciel en

des vols vêtus comme de velours

 

au-dessus des maisons des tours

et dans les chambres au jour qui s’ouvrent

se fait une fête d’amour

un carnaval un feu un Louvre

 

dans ton sourire qui m’accueille

et dans tes yeux mi-clos qui couvent

je lis les mots de mon recueil

 

je lis mes poèmes qui mouvent

et de tes gestes de chevreuil

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je fais miroir comme eau des douves

 

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