C’est quoi le pire ?

Les calepins

Par | Penseur libre |
le
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Mercredi 1er mai

 L’un des événements les plus relatés hier est l’abdication de l’empereur du Japon Akihito en faveur du prince héritier Naruhito. Qu’est-ce que cela va changer dans la marche du monde ? Strictement rien. Et dans celle du Japon ? Strictement rien.

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 Comme la mariée de François Truffaut, aujourd’hui, les Gilets jaunes étaient en noir.

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  Á Paris, un grand rassemblement d’experts se penchent sur l’épineuse question de la biodiversité. Ils comparent la présente période de disparition des espèces à celle de l’extinction des dinosaures, il y a 60 millions d’années. Brr ! Comme le Temps se rétrécit tout à coup ! D’autre part, des scientifiques annoncent que des cellules congelées peuvent faire renaître des espèces disparues. Embarrassés, ils ajoutent que le clonage d’embryons n’est pas une solution sage pour la santé de la planète. Mais ce qui est dit est dit, d’une manière ou d’une autre. Est-ce que la pensée est biodégradable ? Le professeur Tournesol est soudain pris de vertiges.

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 Un sondage de l’’IFOP révèle que 9 % des Français croient que la Terre est plate. Aux États-Unis, ils seraient 12 millions. Les rêveries du penseur solitaire ont la vie dure. « Cette histoire est entièrement vraie puisque je l’ai inventée » disait Boris Vian.

Jeudi 2 mai 2019

 « On a évité le pire ». Tel est le constat de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, que Régis Debray invite à méditer cette pensée de Paul Valéry : « la faiblesse de la force est de ne croire qu’en la force. » Telles sont aussi les conclusions des médias consécutivement aux analyses des manifestations d’hier. De Montparnasse à la Place d’Italie, on ne vit que des personnes toutes de noir vêtues, casquées, masquées, qui s’affrontaient à coups d’armes de dissuasion et d’armes de fortune. D’un côté un bon millier de casseurs venus pour détruire tout ce qu’ils pouvaient démolir, de l’autre 7400 policiers devant les empêcher de nuire. Et tout au long du champ de bataille, des passants apeurés ainsi que des commerçants barricadés. « On a évité le pire ». Des hommes et des femmes se tenant par le bras, défilant sous le soleil tout sourire, rose rouge et muguet à la boutonnière, chantant la camaraderie et célébrant la fraternité dans les boulevards de Paris, panneaux et calicots pour exprimer le besoin d’égalité comme celui de justice sociale. Tels étaient les cortèges d’antan que la Fête du Travail reflétait. « On a évité le pire ». C’était quoi le pire ? Des morts ? Comme ceux qui, ouvriers de Chicago réclamant la journée des huit heures le 1er mai 1884 furent condamnés à mort et dont le sacrifice donna naissance à un jour férié ? Un des rares jours du calendrier à ne pas être lié à la religion ? Comme les mineurs de Fourmies sur qui la troupe tira, le 1er mai 1891, parce qu’ils réclamaient un meilleur statut que l’épuisement permanent et le décès prématuré par étouffement de silicose ? La liste pourrait être longue. Tous les drames étaient liés à des revendications objectives et légitimes qui firent avancer la dignité humaine. Les colères de 1er-mai étaient jadis fertiles en conquêtes sociales. Celle d’hier n’était que nihiliste. Honteuse, indigne de la portée du jour. La Fête des Travailleurs, c’est la Pâque des opprimés. Les images du 1er-mai parisien ne débouchent sur rien d’autre qu’une grande tristesse.

Vendredi 3 mai

 Lorsque dans « Le Schpountz » (Marcel Pagnol, 1938) Fernand Charpin, l’oncle, dit à Fernandel, son commis-épicier : « Tu n’es pas bon à rien, tu es mauvais en tout », on serait tenté d’appliquer cette savoureuse expression à quelques personnalités qui occupent les actualités. Et surgit immédiatement le nom de Donald Trump. Eh bien on se tromperait. Le quotidien allemand Die Welt prétend que Donald Trump est, de tous les présidents étatsuniens, le meilleur joueur de golf.

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 Theresa May vient de congédier son ministre de la Défense. C’est le 47e démissionnaire, démissionné ou viré depuis la constitution de son gouvernement qu’elle voulait, en campagne, « strong and stable ». Be May. Maybe… Mais elle, elle est toujours là… Et grâce au rabiot de l’Union européenne, elle devrait passer l’été… Après, we will have to wait ans see.

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 On a peine à le croire mais c’est Le Monde qui révèle l’information. L’Indonésie est une grande démocratie de 196 millions d’électeurs répartis sur 8000 îles. On a voté là-bas le 17 avril. Une présidentielle courue d’avance et des législatives régionales. 245.000 candidats pour environ 20.000 postes. La loi exige que les résultats soient publiés le 22 mai. On ne connaît pas le vote électronique. Le dépouillement constitue donc une tâche immense. Au début de ce mois, 377 membres de la commission électorale chargés du dépouillement étaient morts d’épuisement et 2912 hospitalisés pour la même cause. Aux futurs conférenciers chargés de démontrer que la démocratie a un prix, voici un exemple incomparable. L’Indonésie est aussi le premier pays musulman de monde. Prions Allah qu’aucun candidat n’exige un recomptage des bulletins ! 

Samedi 4 mai

 La Floride est le 15e État américain à autoriser les enseignants à porter une arme. L’autorisation a du reste plutôt l’allure d’une obligation, même si 70 % des personnes concernées sont opposées à cette mesure. Donald Trump a invité tous les gouverneurs à légiférer en ce sens. On voyait beaucoup de voyous dans les westerns, mais il était rare que l’école ne soit pas épargnée. Le lieu de diffusion des savoirs, sous tous les régimes, est sanctuaire. Ce n’est plus le cas aux États-Unis de Trump. Cette brute épaisse n’est pas un accident de l’histoire. Il ne faut pas oublier qu’avant d’affronter Hillary Clinton, il avait éliminé une douzaine de prétendants républicains de haut niveau, de belle situation et d’expérience vérifiée. Á un an des primaires, l’on serait imprudent de croire que ce pays sera débarrassé de Trump. Il est l’expression de l’Américain moyen, de l’Amérique profonde, et du reste, quand son image se ternit, il s’en va se resourcer en un meeting où il sait que ses partisans lui remonteront le moral. Et ils sont là, toujours là, comme au premier jour, pour le regonfler, lui redonner le punch du cow-boy. Ils seront encore là lorsqu’il s’agira de voter pour lui. Sauf si d’ici là, il commettait une énorme bourde. Mais pour la paix du monde, peut-être vaut-il mieux ne pas le souhaiter.

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 Afin de favoriser les piétons dans les grandes villes, les écologistes allemands ont instauré une réforme au code de la route : le feu vert pour piétons dure plus longtemps que le feu vert pour les automobilistes. Ce qui revient à dire que la durée du feu rouge pour automobilistes est plus longue que celle du feu rouge pour piétons. Astucieux. Surtout pour augmenter les embouteillages. Ne serait-il pas plus net et plus audacieux d’envisager la fin de l’usage de l’automobile dans les grands centres urbains ?

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 Du sport à la gastronomie en passant par la politique et, bien entendu, par la littérature et l’art, il est souvent périlleux d’être l’enfant d’une vedette. La notoriété est en ces cas plutôt un handicap qu’un avantage. Ainsi, tant que Nils Tavernier ne réalise pas un chef-d’œuvre – ce qu’on lui souhaite et que l’on peut lui prédire -, chaque fois qu’il proposera un long métrage, on aura toujours tendance à se demander comment son père, Bertrand, aurait traité le sujet. C’est le réflexe que provoque « L’incroyable histoire du Facteur Cheval ». Certes, retransmettre en image des états d’âme, une vision, une possession quasiment mystique est gageure. Mais ici, le film manque d’épaisseur et en faisant constamment émerger le tragique, il verse parfois dans le mélo. C’est dommage, d’autant plus que l’œuvre du héros, le Palais idéal d’Hauterives, passe trop au second plan dans l’histoire. Il n’y a pas de joie créative, pas de méditation fertile (le palais regorge de citations ou d’aphorismes trop peu mis en évidence) et pas de symphonie que pourtant la communion de l’homme avec la Nature a dû maintes fois déclencher. Bref, le film est honnête mais un peu plat. L’interprétation de Jacques Gamblin et celle de Laetitia Casta sont admirables. On regrettera encore que les surréalistes qui ont, André Breton le premier,  - plus qu’un touriste américain ou un journaliste milanais - contribué à la célébrité post mortem de Joseph Ferdinand Cheval, ne figurent même pas au générique de fin.

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