Dopages, fraudes et belles paroles

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Des jeux un peu, beaucoup politiques avec des politiques qui jouent aussi à la politique.

Lundi 1er août

Les Jeux Olympiques s’ouvriront dans trois jours à Rio. C’est la première fois de leur histoire qu’ils se dérouleront en Amérique du Sud.  Comme d’habitude, certaines infrastructures ne sont pas encore achevées. Mais c’est au plan de la direction du pays que le bât blesse. Dilma Rousseff a été suspendue de ses fonctions présidentielles pendant six mois. Elle risque la destitution. Mais à peine deux semaines après que son successeur la remplaçait, il était déjà soupçonné de corruption. Des élections anticipées seront vraisemblablement nécessaires pour départager les protagonistes. La gauche conduite par Lula et Rousseff a sans doute fauté, mais le fait est qu’elle exerce depuis trop longtemps le pouvoir et qu’elle agace les tenants des grands groupes financiers et des grandes fortunes qui ont toujours dirigé le Brésil. Autrefois, comme du temps d’Allende, la CIA s’en mêlait et provoquait un coup d’État. On ne voit pas Obama se lancer dans pareille aventure. Ah ! Si c’était Trump… Chaque jour, à Rio,  des partisans de l’une et de l’autre manifestent dans les rues pour exprimer qui leur soutien, qui leur désapprobation. Il conviendrait peut-être de les inscrire dans la compétition afin qu’ils concourent au moins pour une médaille.

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« Il est curieux que l’on dise de quelqu’un :’il se sauve’ quand il s’en va. On ne peut pas se sauver en restant ? (Frédéric Beigbeder. Un roman français, éd. Grasset, 2009)

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Le Premier ministre turc reconnaît qu’à la suite du coup d’État raté du 15 juillet, il y a « probablement eu des erreurs » dans les purges « mais elles seront corrigées ». Bref, on te met en prison, s’il s’avère que c’est une erreur, on te libèrera. C’est la version humaniste du « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »

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Comme il en a l’habitude, dans le vol qui le ramène à Rome après le succès de participation aux Journées mondiales de la Jeunesse qui se déroulèrent à Cracovie, le pape a dialogué avec les journalistes. « Si je parle de violence islamique, je dois parler de violence catholique ». On s’attend à ce qu’il évoque des exemples fort significatifs dans l’Histoire. Ils ne manquent pas. Que nenni ! François confie son étonnement quand, chaque matin, il ouvre un journal italien pour découvrir qu’un homme a tué l’amant de sa femme. Horreur ! « L’assassin était pourtant baptisé ! »  précise-t-il. On était en train de survoler les Alpes. En bas, une souris sortait d’une montagne.

 

Mardi 2 août

Avant de s’envoler pour Rio de Janeiro où il compte assister à l’ouverture officielle des Jeux Olympiques mais surtout défendre la candidature de Paris pour 2024 en compagnie de la maire de Paris Anne Hidalgo et de la présidente de la Région  Île-de-France Valérie Pécresse, François Hollande réunit la presse présidentielle. Les petites phrases choisies et placées au bon endroit, les quelques allusions habiles aux uns et aux autres prouvent que l’homme maîtrise toujours bien sa fonction et qu’il assume pleinement ses responsabilités. Certains verront dans ce comportement serein, lucide et remarquablement contrôlé une volonté de laisser une trace positive du quinquennat ; d’autres y distinguent surtout l’amorce d’une future candidature. C’est à la fois l’une et l’autre bien entendu…

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« Je suis né juif, j’ai reçu le nom de mon grand-père paternel, Aron. Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis demeuré juif comme le demeuraient les apôtres. » Telle est, gravée sur une plaque à Notre-Dame de Paris, là où il est inhumé, l’épitaphe du cardinal Jean-Marie Lustiger, qui se proclamait « Métis de Dieu ». Difficile d’imaginer pareille conversion et surtout pareille harmonie dans la double vue d’une double vie avec un musulman devenant chrétien et gravissant tous les échelons de la hiérarchie jusqu’à l’avant-dernier…

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Machiavel parlait du « métier de vivre ».

 

Mercredi 3 août

Guy Mollet n’a pas laissé que de bons et grands souvenirs dans sa carrière politique. Bizarrement, c’est une réflexion lancée au débotté qui le replace de temps en temps au cœur de l’actualité. Celui qui dirigea la SFIO pendant plus de vingt ans avait confié qu’il avait « eu affaire à la droite la plus bête du monde ». On ne compte plus le nombre d’observateurs, et pas seulement des opposants (ne seraient-ce qu’Alain Carrigou et Alain Duhamel par exemple…),  ayant évoqué cette expression au sein de leurs analyses. La parole cinglante de Mollet date de 60 ans. Si elle revient encore dans les commentaires, c’est qu’elle n’est pas tout à fait exempte d’intérêt. On pourra bientôt le vérifier à l’occasion des primaires. Ils sont une douzaine à fourbir leurs armes. Certains passent leur été à recueillir les parrainages nécessaires à valider leur candidature. Mais on sait déjà qu’il faudra en suivre trois tout particulièrement : François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Les autres retiendront surtout l’attention pour les parties de leurs propos se voulant originales, leurs dérapages éventuels et surtout, après le premier tour, pour leur ralliement.

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« Être bête offre cet avantage, et aussi ce danger, que soi-même on ne s’en aperçoit pas. » (Tristan Bernard. Le Poil civil, 1915)

 

Jeudi 4 août

Pour Olivier Roy, politologue, spécialiste de l’islam, il n’y a pas de retour, voire une expansion du religieux. Partout, y compris dans les pays musulmans, la sécularisation gagne du terrain. Cette affirmation, soutenue par des chiffres de statistiques, est une amorce à un débat intéressant : il concerne la croyance en une religion par rapport à la pratique de cette même religion. On constate qu’en France par exemple, comme dans d’autres pays européens, de moins en moins de personnes se rendent à la messe. Mais aux grandes occasions (mariage, baptême, décès…), ces mêmes personnes se retrouvent et se reconnaissent dans le besoin de communier au sein de la religion catholique. Si la religion ne dicte plus leur comportement (la contraception et le divorce sont des exemples forts de « désobéissance »…), les gens ne s’écartent pas d’une certaine appartenance à quelque chose qui les dépasse. En outre, on veut bien suivre Olivier Roy pour ce qui concerne les pays musulmans mais  chez eux, la pratique et la dépendance religieuses sont étroitement liées à l’écart entre les milieux urbains et les sociétés rurales. Une pédagogie ainsi qu’une ouverture d’esprit contrarient tout dogme. En conséquence, le Bien et le Mal, notions de moins en moins figées, s’apprécient dans le flou. La liberté de pensée n’est pas une et indivisible. Accepter le pluralisme dans le respect de l’Autre est un stade de vie en commun qu’aucune doctrine ne peut et ne doit réguler.

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« Le malheur, en s’attachant à moi, m’enseigna peu à peu une autre religion que la religion enseignée par les hommes. » (George Sand. Indiana, 1832)

 

Vendredi 5 août

La gorge sèche et le cœur serré, Martine Aubry, maire de Lille, annonce que la mythique braderie des premiers jours de septembre n’aura pas lieu cette année pour des raisons de sécurité. Les commerçants et plusieurs organisateurs de manifestations connexes l’apprennent par la presse. Deux hypothèses :

  1. Elle a reçu un coup de fil du Ministre de l‘Intérieur lui indiquant que les Renseignements généraux possèdent des informations quant à a préparation d’un attentat. Elle préfère ne pas prendre de risque. On peut la comprendre mais pourquoi ne prévient-elle pas les personnes concernées, comme les associations de commerçants par exemple, ou l’Union des métiers et industries de l’Hôtellerie ;  quitte à faire l’impasse sur les raisons qui l’animent, sans donner toutes les précisions qui la motivent, ainsi que le préfet ?
  2. Elle n’ose pas organiser cette vaste fête populaire qui rassemble près de deux millions de personnes et où la consommation de moules se chiffre en tonnes. En ce cas, celle qui traitait autrefois François Hollande de « couille molle » ne présenterait pas une attitude courageuse et responsable, faisant du même coup le jeu des djihadistes. Le pire serait que ceux-ci commettent un attentat dans cette ville pour démontrer sa vulnérabilité. Car bien entendu, indépendamment de la braderie, Lille, comme toutes les grandes villes, offre des lieux de rassemblement populaire multiples où des actes criminels peuvent être accomplis par des kamikazes dérangés.

Vivre comme si de rien n’était. Ne pas changer ses habitudes face à la menace permanente et bien réelle. Le risque zéro n’existe pas. Renforcer la sécurité mais ne pas donner des signes de panique, etc. On ne cesse de répéter ça et là des principes forts afin de décourager les apôtres du mal qui veulent détruire la vie démocratique. Ce type de reculade, peut-être justifiée, n’en témoigne pas moins d’une faiblesse révélant une crainte… Ou d’une crainte révélant une faiblesse.

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« Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. »  « Nul ne peut se sentir à la fois responsable et désespéré. »  (Antoine de Saint Exupéry. Pilote de guerre, 1942)

 

Samedi 6 août

François Hollande s’est dépensé en arguments à Rio devant le comité olympique pour défendre la candidature de Paris en 2024. Et l’on se souvient de l’échec au profit de Londres pour les Jeux de 2012. Bertrand Delanoe, le maire de l’époque, en fut très dépité. On soupçonne encore le Premier ministre britannique Tony Blair d’avoir utilisé des dessous de table pour emporter la mise. Il se dit même que la reine Elisabeth n’a jamais tellement apprécié ce chef de gouvernement-là, se méfiant de certaines façons douteuses de gouverner.
Mais à propos, que devient Bertrand Delanoe ? On le sait souvent dans sa Tunisie natale qui s’efforce tant bien que mal de réussir son passage à la démocratie malgré une chute de fréquentation touristique… Depuis qu’il a quitté ses fonctions le moins que l’on puisse dire est qu’il a été discret, ne faisant aucune ombre à celle qui lui a succédé, Anne Hidalgo. Il a eu 66 ans le 30 mai dernier. Le Parti socialiste aura encore besoin de lui.

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« Avoir le sens de l’honneur, en démocratie, c’est défendre avec constance des convictions sincères, quel qu’en soit le coût pour soi-même. » (Bertrand Delanoe, communiqué de presse, réponse à Ségolène Royal, le 18 novembre 2008)

 

Dimanche 7 août

Ce jeune irakien avait 7 ans en 2003. Il ne se souvient quasiment pas de Saddam Hussein. Aujourd’hui, quand il sort de chez lui le soir pour retrouver des copains et rencontrer des filles, il se dit qu’il n’est pas sûr de rentrer à la maison. On se demanderait bien pourquoi, chaque fois qu’il fait mine de quitter son domicile, sa mère vérifie qu’il ne se munit pas d’une boîte à chaussures. Son petit frère a été abattu en 2004 par un soldat américain. Le gamin trimballait des jouets dans une boîte à chaussures ; l’Américain a cru qu’il transportait une bombe… Son grand-père lui apprend que sous Saddam, quand il allait danser, il rentrait souvent vers les 3 heures du matin sans aucune inquiétude. Que pense cet enfant, aujourd’hui âgé de près de 17 ans, et sur le point de devenir un citoyen ?

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Au village olympique de Rio où il rend visite aux athlètes français, François Hollande se fait photographier en train de serrer la main du judoka de Guadeloupe Teddy Riner, 2 mètres 04, 131 kg. Deux grands hommes qui se sourient.

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« Au Mans, il y a dix ans, j’ai gagné mon poids en rillettes. Eh bien j’en bouffe encore ! » (Bernard Mabille. Peut-être gras mais jamais lourd, éd. Michel Lafon, 2015)

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Dans un gouvernement, le portefeuille du Tourisme est en principe le plus beau poste. De nombreuses hautes personnalités en ont eu la charge, comme Antoine Pinay, à deux reprises, en 1950 et en 1958. En 1981, François Mitterrand désigna François Abadie. Il était député radical de gauche, franc-maçon et maire de Lourdes. Ce pedigree devait amuser le président. Aujourd’hui, la fonction est assumée par Matthias Fekl, 38 ans, député socialiste de Lot-et-Garonne, qui ne peut pas considérer que c’est une sinécure. Les attentats lui confèrent une tâche essentielle : faire en sorte que la France demeure la première destination mondiale du tourisme. L’étude de l’édition dominicale du journal Sud-ouest aura dû le réconforter. Les chiffres révèlent en effet que la France n’a jamais connu autant de festivals cet été tandis que le nombre de festivaliers n’a jamais été aussi important. Une fois de plus, l’on constate que l’actualité n’est pas tout à fait celle qui se commente à Paris et que par ailleurs, il y a de bonnes informations à diffuser. Le culte du malheur n’est pas obligatoire dans l’éthique journalistique. Un train qui part à l’heure, ce peut être aussi une information.

 

Lundi 8 août

Le président Erdogan ne cesse d’accuser « le manque d’empathie » des Américains et des Européens à son endroit. Il le redit au journal Le Monde au cours d’un long entretien. Il n’en est pas encore à les considérer comme ayant fomenté le putsch avorté mais on n’en est pas loin. On pourrait lui mettre sous les yeux les déclarations de Hollande, Merkel, Obama et bien d’autres, condamnant le putsch dans les toutes premières heures de son déclenchement mais cela ne servirait point à grand-chose : il les connaît, son but est de prendre ses distances avec l’Occident, comme il le démontre et même le prouve depuis qu’il est au pouvoir. Son rapprochement inattendu avec Vladimir Poutine en est un autre élément. Erdogan détient deux atouts majeurs : la présence, sur son territoire,  de l’OTAN et du camp de réfugiés syriens. S’il ouvrait ces deux vannes-là, le monde tremblerait et les centres de gravité basculeraient. En un mot, cet autocrate possède entre ses mains l’équilibre du monde. Et comme il parvient à fanatiser de plus en plus son peuple, tout est - hélas ! - possible, y compris le pire.

                                                                       *

« Il y a des paroles qui ressemblent à des confitures salées. »

« La justice est la moitié de la religion. »

(Proverbes turcs)

 

Mardi 9 août

Á Rio les nageurs américains apparaissent avec des pois rouges sur la peau. C’est le signe qu’ils utilisent une nouvelle thérapie concernant la circulation sanguine et améliorant la récupération physique. Le Comité olympique ne semble pas s’être ému. Jusqu’à preuve du contraire, cela ne s’appelle pas « dopage ». C’est une méthode un peu plus sophistiquée que celle utilisée par les athlètes russes qui, en bloc, ont été interdits de Jeux peu avant leur ouverture. Et puis, ceux-ci, ils sont américains, donc par définition probes et respectueux des règles… Si pour leur défense éventuelle, ces Étatsuniens évoquaient le cas du vainqueur du Grand prix de la Montagne au Tour de France, il importerait de leur faire gentiment remarquer (gentiment…) que les pois rouges figurent sur le maillot du coureur et non pas sur la peau.

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« Une performance est truquée quand elle est le fruit d’un entraînement devenu l’alpha et l’oméga d’une existence, et quand on dope l’athlète comme un cheval. » (Pierre de Coubertin cité par de docteur Jean-Pierre De Montenard dans Dopage – L’imposture des performances, mensonges et vérités sue l’école de la triche, éd. Chiron, 2003)

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