Ecritures migrantes à la Foire du Livre

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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Salim, membre de la Voix des Sans Papiers de Bruxelles, a écrit ce poème en anglais. Traduit par Anne Verbeke et Christine Defoin, il figure dans "Des traversées et des mots", un livre qui nous éclaire.

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Dans le train, retour de la Foire du Livre de Bruxelles où je viens d'entendre PPDA parler de poésie avec Jérôme Colin, en direct sur la RTBF, encore étourdi par les milliers d'ouvrages croisés, comme s'il s'agissait d'êtres humains, j'ouvre un recueil publié chez Mardaga et soudain, m'arrête de regarder le paysage. D'autres horizons, lointains, se découpent au fil des lignes. "Des traversées et des mots" nous emporte dans ces écritures migrantes si rares alors qu'elles ont tant à nous dire. Parce que les gens qui sont sur la route sans en avoir rêvé, n'ont plus  assez de force pour prendre du recul et le temps de tracer des lettres sur un  bout de papier. D'autres urgences se bousculent. Où passer la nuit? Ecrire, quand on n'a pas de toit ni de passeport, ni d'argent,  que l'on ignore où l'on va tomber, tient de l'impossible défi. 

Pourtant ce livre existe. Il est né grâce au projet "écritures migrantes " de la Foire du Livre de Bruxelles. Le grand rendez-vous annuel se déroule à Tour&Taxis, soit à quelques minutes à pied du parc Maximilien où se regroupent les personnes en errance. D'où l'idée de (je cite...) "donner une voix à des auteurs qui, muselés par les circonstances de la vie, se retrouvent chez nous, en Belgique, à l'issue d'un périple presque toujours chaotique". La FDL, Médecins du Monde, Amnesty International, la Fédé Wallonie-Bruxelles, les Universités populaires du théâtre, TraduQtiv, Refugees got Talent, la Bibliothèque communale Hergé et Lejeune Legal ont unis leurs ressources, avec l'éditeur Mardaga, pour lancer une sorte de message à la mer. 

Des auteurs d'ici et d'ailleurs se rencontrent à travers le terrain vague des pages. Xavier Deutsch, Salim, Ali Talib, Françoise Lalande, Homam Daoud, Lisette Lombé, Serge Bagamboula, Abdullah Maksour, Slimane Benaïssa, Kelechi Johnbosco Kc, Zaid Alsefoo, Fatiha Saïdi, Aliette Griz, Hazim Kamaledin, Pedro Romero, Kokou Boris Don Bright Agbotame et Geneviève Damas me font entendre leurs voix, comme en choeur, alors que le train avance, que les passagers montent et descendent. Tous, ou presque, savent où ils vont. Et de me demander si, parmi les personnes embarquées dans ce train, certains rêvent d'avoir des papiers.

Dans la préface, l'écrivain espagnol Victor del Arbol s'interroge sur la jetée de Punta del Santo à Tarifa, où arrivent, jour après jour, avec les marées, des hommes, des femmes et des enfants emballés dans des couvertures rouges. L'écrivain se dit que "si la mer était un cimetière elle serait pleine de croix, de souvenirs de famille, d'individus rudement traînés pendant des kilomètres, là en bas, sur le fond. Si la mer avait une voix, son cri de douleur serait insupportable". Plus loin il explique ce qu'il a ressenti en déchiffrant les textes. "Le livre parle de ces voix-là, celles d'hommes et de femmes qui auront arraché leur étiquette de migrants pour se présenter avec leur nom, prénom et histoire personnelle".

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