Encore une grande victoire des réseaux sociaux

Pasta

Par | Penseur libre |
le

Dessin de Wich

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Lecture 5 min.

La dernière conquête de cette poubelle à ciel ouvert (Dupond-Moretti dixit) : le rétablissement de la censure. Après avoir failli nous interdire de voir « J’accuse » de Polanski, voici que ces braves gens d’une irréprochable moralité ont, certes indirectement, réussi à censurer les livres de Matzneff, le chasseur de gamines et de gamins.

Je n’ai aucune considération pour ce genre de tordu. Je ne l’ai jamais lu, je ne savais même pas qu’il existait et que c’était, à une époque, une personnalité du Tout-Paris, grand pêcheur de pognon pour des éditeurs pas regardant sur le contenu de ce qu’ils publiaient (c’est leur droit). Soudain, sous l’emprise l’ensemble des intransigeants de la morale publique ou privée, ils donnent leur consentement à passer pour des gens convenables aux yeux des furies et les furieux.

Nombre de marchands sont tributaires de l’air du temps. Quand le moralisme public s’en mêle, c’est la tempête, faut sortir le parapluie.

— Quoi ? Nous ? Éditeurs vertueux soutenir un pédophile ? Allons ! il ne peut s’agir que d’une erreur… nos prédécesseurs, d’anciens soixante-huitards évidemment… quelque employé distrait… ou un ordinateur qui s’est trompé… interdisons le pendard, il y va de notre honneur. Pas moinsse!

Même pas une pensée compatissante pour un petit vieux sans défense Matzneff, lequel, grâce au scandale aurait pu se refaire, car il vit plutôt dans la précarité depuis pas mal de temps ; faut croire que le crime pédophilique ne paie plus.

Quoi qu’il en soit, c’est avec soulagement que nous apprenons qu’on ne transige pas avec la morale, même dans les conseils d’administration capitalistes.

À l’origine de toute cette affaire une dame travaillant dans ce monde éditorial bien parisien et pas comme concierge. Toute jeune, 13-14 ans, innocent Chaperon rouge, elle tombe dans les pattes du grand méchant loup. Lequel, avec le complet consentement de l’innocente, la sodomise, se fait sucer jusqu’à l’os (j’aime pas le mot fellation, allez savoir pourquoi. Trop chichiteux pour ce que tout le monde appelle tranquillement une pipe ?) nous dit la narratrice. Le petit Chaperon rouge n’y voit rien à redire, voire aime bien puisque la chose dure, sur du velours, durant quelques années, malgré les remontrances d’une mère pas du tout interventionniste et d’un père qui, semble-t-il, s’en fout.

Jusqu’à ce qu’elle découvre, fortuitement comme dans tous les bons vaudevilles, que si Père-Grand a une grande zigounette c’est pour mieux s’en servir, mon enfant.

Ça ne fait plaisir à personne, quel que soit l’âge ou le genre, d’apprendre que l’amour de sa vie batifole en douce dans d’autres portes cochères, en plus s’en vante à qui veut l’entendre. Un parfait gentleman, quoi !

Notre petit Chaperon rouge a donc avalé les premières arêtes de l’amour dès l’âge tendre. Elles ont eu du mal à passer. Ça se comprend… Moi qui vous parle…

Faut croire que ça la tourmente. Quelques décennies plus tard, elle écrit un livre qui n’épargne pas les détails, de l’affaire (certains les jugeront croustillants, d’autres, obscènes), autour d’un étrange concept qui se veut novateur, peut-être pour compenser le côté un peu hard-core et exhibitionniste de l’ouvrage : le consentement sous emprise.

Ce serait nouveau.

Sauf que si l’on y regarde de plus près, le consentement sous emprise est l’ordinaire de la vie en société. On n’y échappe pas ! L’emprise nous enserre, nous ligote, nous observe, nous note, nous admoneste, nous punit... Bonjour les dégâts : burn out dans les entreprises, suicides, etc. pourtant, nous sommes tous consentants. Sans chercher très loin, aller au boulot tous les jours, c’est pas du consentement sous emprise ?

Bref ce concept vu de plus près n’est qu’un argument de vente, conçu, on le devine, par les spécialistes du marketing de la maison d’édition, Julliard, pas une petite donc, dont l’auteure une des directrices, quelque chose comme ça. Ça tombe bien.

Mais ce livre aurait pu passer inaperçu sans une solide mise en cirque.

Pour en finir avec la culpabilité, ou le démon, qui la ronge, notre Cosette de l’édition mondaine parisienne doit, pour exorciser son malheur, le raconter, le décortiquer, l’analyser, le ressasser, le soumettre au jugement du vulgum pecus, à la télé, à la radio, dans les journaux, à la vitrine des libraires, mais avec un art consommé de la retenue, du bon aloi. Les grands déchirements littéraires ont besoin de spectacle ! Et pas n’importe lequel ! Le spectacle du spectacle qu’on se donne. Dans le vrai spectacle, à la fin du numéro, les acteurs enlèvent leur faux-nez rouge, saluent respectueusement le public et s’en vont, ravis des applaudissements. Dans le spectacle du spectacle, on n’enlève jamais son faux-nez rouge. Sinon on ne serait plus rien. Pensez au nombre de comédiens, souvent mauvais, qui, depuis des décennies ne l’ont jamais quitté leur faux pif et que pourtant vous avez élus et réélirez pour « conduire les affaires de l’État ».

Là, c’est pour faire vendre.

En Belgique, bientôt, nos cartes d’identité comporteront nos empreintes digitales. Avis sinon aux analphabètes, du moins plus ou moins illettrés qui pensent qu’en utilisant des termes anglais on est plus efficace, plus finement connaisseur.

Votre carte d’identité ne comportera pas le numéro de votre smartphone ou la marque de votre Personnal Computer, mais la marque d’un de vos DOIGTS. D’où le nom de l’empreinte. Geeks, réjouissez-vous, vos doigts aussi sont digitaux. Vous entrez dans la modernité ! L’homme augmenté, c’est pas du pipeau.

Que le Monstre en Spaghetti Volant vous touche de son appendice nouilleux.

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Ramen.

 

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