Maystadt, un ouvrier de la démocratie
Dans le grand hall du Bois du Cazier, à Marcinelle, en cette fin de journée du lundi 11 décembre, l'ambiance était claire-obscure, le silence complet, la foule recueillie. Une marque de respect pour Philippe Maystadt. L'homme d'Etat, disparu à l'âge de 69 ans, avait tenu à ce que la rencontre se déroule là où périrent 262 mineurs en 1956. L'ancien ministre et président de la Banque Européenne d'Investissement, au terme de la maladie qui lui prenait son souffle, avait recours à une bouteille d'oxygène. Ainsi les mineurs atteints de la silicose. A l'entrée du site de conscience, des représentants des mineurs et des métallurgistes, lampes allumées sur les casques, montraient que Maystadt avait touché les gens, au-delà des étiquettes. D'une certaine manière, il serait permis de penser que l'ancien ministre aura été élevé ce soir-là au rang d'ouvrier de la démocratie. Au sens de celui qui oeuvre pour elle. Un travailleur comme les autres, au fond. Chacun son boulot. Durant plus d'une heure, ses enfants, des amis et des compagnons de route, son épouse, dirent ce qu'ils ressentaient. Ce fut simple et clair, grâce à Mozart, Chopin, Beethoven, Ferrat, Kipling, Camus et Brel. On passa de "L'Hymne à la Joie" à "C'est beau la vie", "If", "L'Etranger" et "L'Homme de la Mancha". Tout à la fin, Sergio Aliboni, président de l'Amicale des Mineurs de Wallonie, monta sur l'estrade en veste de coutil bleu et salua le défunt avant que les gens sortent dans la nuit saupoudrée de neige. Parmi le public se mêlaient des personnalités politiques de tous les horizons et des gens de la rue. Dans ses derniers propos envoyés par mail au Soir, recueillis par Béatrice Delvaux, le défunt confiait que s'il avait vécu plus longtemps, il aurait voulu se consacrer à la rénovation de la social-démocratie. Mais n'était-ce pas ce qu'il avait fait, depuis toujours, cet homme qui avait dit à Léon Vivier - le journaliste qui l'accompagna durant vingt années - que "Sisyphe peut-être était heureux".
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