Pas de prévention, juste de la gestion

L’avenir de l’école

Par | Penseur libre |
le

Photo © Laurent Berger

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Lecture 6 min.

Nous pouvons envisager une rentrée scolaire progressive à partir du 18 mai, nous pouvons aussi nous interroger sur la possibilité de mettre en application les mesures de protection indispensables par rapport à la réalité du terrain et le peu de moyens qui existent dans nos écoles publiques. 

J'ai souvent évoqué dans ma chronique l'écart entre les beaux discours politiques tenus et la réalité. Cet écart est parfois saisissant. Nous avons découvert la réalité brutale qui existe aussi dans les maisons de repos. En Belgique, nous observons qu'on a attendu que le virus débarque dans notre plat pays pour gérer la crise. Nous prenons conscience que la gestion de COVID 19 est surtout d'éviter le surnombre de patients en soins intensifs. Au début, on affirmait que les enfants porteurs du virus étaient forts contagieux, aujourd'hui, on prétend le contraire pour leur permettre de rentrer à l'école. Il est à noter que dans l'enseignement secondaire, les élèves ne sont plus des enfants, mais bien des adolescents voire même des adultes en dernière année. Il est à remarquer également que des professeurs ont plus de 50 ans, que certains sont déjà en mauvaise santé.

Je voudrais à 54 ans insister sur le fait que j'aime mon métier, et qu'il ne faut pas confondre mon esprit critique ou militant avec une dépression. J'espère simplement rejoindre mes classes dans de bonnes conditions sanitaires.

Faits sur le terrain: je n'ai jamais eu de savon dans ma classe ni de serviettes. Je ne parlerai pas des toilettes des élèves pour vous épargner. Courage surtout aux directeurs d'écoles primaires pour organiser cette rentrée. Tout ça pour quelques jours de cours d'ici juin. 

Une pression exercée sur la communauté scolaire pour gérer l'impossible. Une communauté qui se demande si l'école ne finit pas par être considérée comme une garderie pour la relance économique du pays. 

Certains de mes élèves de rhéto semblent avoir acquis une maturité dans le confinement. Je dirais même que le fait d'être en dehors de l'école leur a permis de mieux se retrouver. Dans une classe de trente élèves, vu la puissance du conformisme du groupe, je ne sais pas si cela aurait été possible pour eux. J'ai souvent constaté que les élèves, qui ont une expérience de vie extra scolaire, m'apportent plus en classe dans nos échanges dans le cadre du cours de français. Et je constate que les professeurs qui ont encore la force et l'énergie de se consacrer à une vie culturelle active sont plus intéressants pour leurs élèves. Seulement, nombreux d'entre eux, passent plus de temps à fabriquer de belles grilles d'évaluation, de belles séquences programmées de cours dépourvues d'originalité. En ce qui concerne les élèves d'origine défavorisée, j'ai vu que des A.S.B.L. leur permettaient d'avoir des ordinateurs, j'espère ainsi que le contact a pu être préservé avec eux. 

Dommage aussi qu'il ait fallu attendre cette crise sanitaire pour penser à organiser des petits groupes dans les classes alors que n'importe quel pédagogue reconnait que la surpopulation en classe nuit à la qualité de l'enseignement. En réalité, souvent l'enseignant n'a que très peu de place pour se déplacer dans sa classe. Il doit parfois demander à un collègue des chaises pour ses élèves. Pourquoi seulement aujourd'hui s'intéresse-t-on à la santé des élèves et des professeurs? Allons-nous promener dans les locaux et observons leur état, recherchons les raisons de la pénurie des enseigants, de leur absentéisme, tous des glandeurs, des profiteurs, des paresseux?  Entre celui qui consacre des heures à monter une exposition, celle qui consacre cinq jours de sa vie privée à surveiller les jeunes qui fument et qui boivent la nuit en voyage scolaire, etc ...  Alors tous des médiocres? 

Je peux déjà observer que les enseignants, qui s'interrogent sur cette prochaine rentrée, qui ne sont pas assez dociles, qui remettent en question leur sacerdoce, sont déjà méprisés, j'entends déjà qu'ils veulent toujours être en vacances alors qu'une grande partie d'entre eux font preuve d'une imagination inédite pour demeurer en contact avec leurs élèves. 

De nombreux préjugés existent sur les professeurs: fonctionnaires, fainéants, ils se plaignent tout le temps. Une des caractéristiques qui les concernent et qui sont rarement évoquées est leur docilité, leur obéissance par rapport à ce qui est leur est demandé. Il existe même une bonne dose de culpabilisation judéo-chrétienne exercée sur eux. Comme ils sont au service d'adolescents ou d'enfants, l'avenir de la nation, ils peuvent être en service bénévolement pendant de nombreuses heures en conseil de classe, en réunion de parents, en surveillances de récréation, en voyages scolaires, en auto formation dans l'apprentissage de nouvelles technologies informatiques.Comme ils le sont maintenant en télé-travail avec leurs élèves.

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Alors en quelques jours comment va-t-on gérer cette réalité?  Pas d'évier dans les classes, pas d'évier dans les toilettes garçons, pas de toilettes pour les profs , pas de serviettes jetables pas de savons , pas de Pq , distribution par les éducateurs, les toilettes des garçons sont des toilettes à la turque qui datent de la construction de l'école '100 ans )

Je vous laisse deviner. En laissant les gens de terrain gérer comme ils le peuvent la situation. Alors professeurs apportez tous votre écharpe autour du cou, votre gel désinfectant, vos serviettes jetables, préparez-vous à rappeler à vos charmants élèves de tenir leur distance, rédigez un nouveau règlement, articulez bien dans votre masque, soyez l'architecte de votre classe!  Les enfants viendront dans les bus masqués. Et celui qui n'a pas de masque, on lui met zéro? Celui qui a envie d'un gros câlin, on le rejette? Celui qui ne s'est pas lavé les mains et qui vous remet ses copies, on ne les corrige pas? Celui qui a un tic nerveux et qui chipote tout le temps à son masque, on le met dehors? Attention, on va me rétorquer que je suis bien pessimiste comme s'il n'était plus permis d'être ironique!

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