Qui défend nos « valeurs européennes »?

Zooms curieux

Par | Journaliste |
le

Le jeune Adam Ayyad, 16 ans, tué lors de l’attaque du camp de réfugiés palestiniens de Dheisheh à Bethlehem, en ce début janvier 2023. Au total 53 enfants palestiniens ont été tués par les forces d'occupation israéliennes en 2022, selon les chiffres de https://www.dci-palestine.org. Photo © Réseaux sociaux.

commentaires 0 Partager
Lecture 10 min.

Et donc, le 29 décembre 2022, Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, twittait tout à fait officiellement ses " Congratulations for Benjamin@netanyahu. On your 6th term as Prime Minister of Israel. Looking forward to working on strengthening our partnership, promoting peace in the Middle East and addressing the shockwaves of Russia’s war against Ukraine.”

Ce à quoi le Socialist Party répliquait, à 23 h: " Promoting peace in the Middle-East with the political leader who's record counts 3,500 Palestinians killed during his time in power? Netanyahu rule means obscene violence against the Palestinian people. Disgraceful, shameful statement.”

Pourtant, Mme von der Leyen devait connaître le programme de M. Netanyahu qui avait twitté la veille : “The government will work to recognize the Golan Heights as a strategic region of land, with wide development potential, and will create a momentum of settlement, development, development and promotion of entrepreneurship while preserving the values of nature, people and the environment that are unique to the Golan.”

Et aussi: “These are the basic lines of the national government headed by me: The Jewish people have an exclusive and unquestionable right to all areas of the Land of Israel. The government will promote and develop settlement in all parts of the Land of Israel - in the Galilee, the Negev, the Golan, Judea and Samaria.” (10:59 AM · Dec 28, 2022)

Donc, le nouveau Premier ministre d’Israël annonce annexer le Golan qui ne lui appartient pas mais bien à la Syrie, et étendre la colonisation illégale par des juifs israéliens sur l’ensemble des territoires palestiniens, à l’encontre des résolutions répétées des Nations Unies.

De plus, l’Etat d’Israël a, à nouveau, effectué une frappe aérienne sur l’aéroport de Damas, en Syrie : un nouvel acte de guerre parfaitement contraire aux lois internationales. Mais qui s’en soucie ? Comme le suggère une nouvelle fois la présidente de la Commission, seule la guerre contre la Russie compte.

En ces jours funestes pour la Palestine et pour la paix dans le monde, l’armée israélienne n’arrête pas d’abattre des jeunes Palestiniens. Voici la photo, émouvante d’Adam Ayyad. Un fils unique dont la vie s’est arrêtée définitivement à 16 ans. Il était si heureux de sa nouvelle coupe de cheveux, disent ses parents. Un soldat israélien l’a tué lors de l’attaque du camp de réfugiés palestiniens de Dheisheh à Bethlehem. Au moment où le nouveau gouvernement se présentait au monde. Au moment où Mme von der Leyen parlait de promouvoir avec Netanyahu la paix au Moyen Orient.

Alors, qui dirige l’Europe ? Qui a le droit d’engager l’Europe dans une relation si tolérante avec un Premier ministre qui échappe par ce poste aux condamnations judiciaires concernant sa corruption et qui affirme haut et fort son mépris des lois internationales et de l’autorité des Nations Unies ? Comment nous, simples citoyens européens, pouvons-nous réagir ?

Le commissaire européen à la Justice

A part les parlementaires européens, fort occupés à se retrouver une nouvelle légitimité, nous pouvons nous adresser au Commissaire européen à la Justice. Parmi ses nombreuses prérogatives, il y a « approfondir la coopération avec les organisations internationales et notamment le Conseil de l’Europe. » Il est censé faire respecter la Justice en Europe et dans les Etats européens. Mais est-il compétent pour faire respecter les valeurs de l’Europe par la Commission elle-même ? Le mandat que lui a défini la présidente stipule : « Vous renforcerez la coopération sur les questions d’état de droit avec le Conseil de l’Europe et avec d’autres organisations internationales, en particulier l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l’Organisation de coopération et de développement économiques. »

L’Union européenne maintient des contacts économiques et politiques très étroits avec l’Etat d’Israël qui, pourtant, démolit quasi systématiquement des écoles, des accès à l’eau, des infrastructures vitales pour les Palestiniens sous occupation ou bombardés impitoyablement par l’armée israélienne dans leur prison à ciel ouvert qu’est devenue Gaza. Certaines de ces installations étaient financées par l’Union Européenne. Tout cela, en toute impunité. Fermer les yeux sur des violations flagrantes et répétées des droits humains semble pourtant une entorse à l’état de droit : aucun pays membre ne peut bafouer les droits humains en commerçant, les yeux fermés, avec un Etat devenu terroriste (au sens de terroriser la population) comme celui d’Israël.

La Suède à la tête du Conseil de l’Union européenne

Nous pouvons aussi interpeller le Conseil de l’Union européenne, dont la présidence tournante vient d‘échoir à la Suède dont on espère qu’elle se souviendra qu’elle est la patrie d’Olof Palme. S’il était encore vivant, il désapprouverait certainement le rapprochement de son pays avec l’OTAN. Ce Conseil est chargé d’adopter les législations européennes et de coordonner les politiques de l’UE. Il va avoir beaucoup de travail puisque, co-législateur avec le Parlement européen, il devra sans doute examiner certaines relations internationales à la lumière du scandale de la corruption marocaine et qatarie. On verra cette année comment évoluera le dossier hautement explosif du Sahara Occidental sous domination du Maroc, ce pays qui bénéficie de nombreuses indulgences de la part non seulement de députés mais aussi de commissaires européens. Les intérêts commerciaux et stratégiques sont énormes, et concernent notamment la France mais aussi l’Espagne. Va-t-il se pencher sur la question de nos relations avec Israël ?

Le Conseil européen

Il y a aussi le Conseil européen, présidé par un autre Belge Charles Michel, du même parti libéral que Didier Reynders. Outre ses fonctions d’animateur du Conseil, il assure « la représentation extérieure de l'UE au niveau des chefs d'État ou de gouvernement: pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune de l'UE (PESC), aux côtés du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui contribue à mettre en œuvre la PESC et à en assurer l'unité, la cohérence et l'efficacité. » Ce haut représentant, nommé par le Conseil avec l’accord de la présidence de la Commission n’est autre que Josep Borrell, bien silencieux ces derniers mois tant la présidente Ursula von der Leyen lui a ravi la parole. Hasard du calendrier, Josep Borrel est en visite officielle au Maroc ces 5 et 6 janvier 2021 pour « une discussion approfondie sur la mise en œuvre du partenariat UE-Maroc, y compris dans la perspective du nouvel Agenda pour la Méditerranée. Le HR/VP fera un point sur les dossiers en cours et explorera les domaines spécifiques où le dialogue et la coopération pourront davantage se renforcer. »… Et cela en plein Marocgate qui n’a pas encore livré toutes ses turpitudes.

Le président du Conseil européen est présent lors des sommets internationaux, généralement aux côtés du président de la Commission européenne. » … (La féminisation de la fonction n’est pas encore d’usage sur le site du Conseil européen.) Dans ses missions, le Conseil européen est censé « promouvoir les intérêts et les valeurs de l'Europe sur la scène mondiale ».

Les intérêts, on comprend bien de quoi il s’agit, s’agissant d’une union économique. Mais les valeurs ?

Nos valeurs

Le traité de Lisbonne nous le précise, ces valeurs sont : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Elles sont dites communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes (art. 2 TUE). Notons qu’on ne parle pas de paix ni de désarmement dans cette Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui résume nos droits de citoyens européens. https://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf

Précisons qu’elle a une même valeur juridique que les traités et donc, elle a acquis un caractère obligatoire (art. 6 TUE). Les droits énoncés peuvent ainsi être invoqués par les citoyens européens à l’encontre d’un acte de l’Union ou d’un des États membres qui leur serait contraire. Alors, pourquoi ne pas porter plainte contre la présidente de la Commission européenne qui salue si aimablement le nouveau Premier ministre israélien pourtant responsable politiquement du massacre de milliers de Palestiniens et des destructions de leur habitat, de leurs ressources agricoles, hydriques, de leurs écoles et centres de santé.

Il y aura une session spéciale du Conseil européen les 9 et 10 février. Le problème posé par les graves violations du droit international par Israël sera-t-il posé ? Et enfin, condamnera-t-il le régime d’apartheid, un crime contre l’humanité, instauré dans ce pays ?

A vos plumes et claviers :

En attendant de voir comment ces questions évolueront dans les hautes sphères européennes, les citoyens peuvent contacter Didier Reynders : cab-reynders-contact@ec.europa.eu;

Charles Michel : Secrétariat général du Conseil de l'Union européenne. Unité Services d'information. Rue de la Loi 175.1048 Bruxelles. Belgique. https://www.consilium.europa.eu/fr/contact/general-enquiries/send-message/

Le haut représentant Josep Borrell : cab-borrell-fontelles-contact@ec.europa.eu

European Commission. Rue de la Loi / Wetstraat 200. 1049 Brussels. Belgium

Au Parlement européen, citons un autre libéral : Guy Verhofstadt qui a coprésidé l’année passée la conférence sur l’avenir de l’Europe ( https://futureu.europa.eu/fr/ ) ; de plus, il est membre de la délégation pour les relations avec les Etats-Unis, suppléant pour la délégation pour les relations avec Israël ainsi que pour la délégation à l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée. Adresse : Parlement européen. Bât. WILLY BRANDT 06M113. 60, rue Wiertz. B-1047 Bruxelles. Tél: 0032 2 28 45566

Et pourquoi ne pas informer aussi notre ministre des Affaires étrangères de nos préoccupations démocratiques européennes? C’est ici : Hadja Lahbib: https://lahbib.belgium.be

Cellule stratégique et secrétariat de la ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et du Commerce extérieur, et des Institutions culturelles fédérales. Rue des Petits Carmes 15 - 15ème étage. 1000 Bruxelles. Numéro de téléphone: +32 2 501 85 91.

- A propos d’Olof Palme

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

Selon Wikipédia, Olof Palme prit position notamment contre la guerre du Viêt Nam, l'apartheid et la prolifération des armes nucléaires. Il provoqua la rupture des relations diplomatiques entre la Suède et les États-Unis pour avoir participé personnellement, en tant que ministre, à une manifestation d'opposants à la guerre du Viêt-Nam. Durant la crise des euromissiles, il prit fermement position contre le déploiement des missiles Pershing américains en Europe, ce qui le rapprochait de l'Union soviétique. Enfin, il ne manifesta jamais la moindre tolérance pour l'apartheid sud-africain et milita toujours pour son abolition. Il met également en place une « politique d'immigration volontariste » notamment pour les réfugiés politiques1.

- Ce qu'est le BDS: https://bdsmovement.net/sanctions-and-governments

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte