Revenir sur les principes libertaires

L’avenir de l’école

Par | Penseur libre |
le

Photo © Laurent Berger

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A l’heure où l’évolution rapide, la flexibilité rapide sont confondues avec le progrès,  il me parait nécessaire de revenir sur les principes libertaires historiques qui n’ont malheureusement pas rencontré la réalité actuelle quand je pense par exemple à la gratuité de l’instruction. L’école n’a pas être au service de la société mais c’est la société qui devrait se mettre au service de l’école afin d’assurer à tous les enfants leur émancipation. J’ai bien écrit à tous les enfants. L’équilibre d’une société libre dépend de ce principe.

Je vais dans cet article opérer une synthèse des principes libertaires puisés chez Max Stirner, Bakounine, Guillaume. Leur idée commune est que le collectif ne peut être heureux qu’à la condition où les individus sont épanouis. Il est malentendu qui persiste et que Stirner a très bien saisi. L’égoïsme est encore mal perçu de nos jours. Or s’occuper de soi, apprendre sur soi, grandir, devenir un homme autonome libre de s’associer à la collectivité s’il se retrouve dans une pensée commune saine n’a rien de négatif.

La premier principe est que les enseignants ne doivent pas être occupés à plein temps et que les adultes quelle que soit leur profession peuvent enseigner. L’école ainsi ne serait pas refermée sur elle-même. Ce principe pourrait permettre à présenter aux enfants une diversité de points de vue. Des ingénieurs mais aussi des comédiens, des mathématiciens mais aussi des danseurs, des scientifiques mais aussi des philosophes. Certes, je suis enseignant, mais tout mon temps n’est pas consacré à l’enseignement, d’autres occupations me permettent de transmettre aux élèves d’autres point de vue.

Le deuxième principe mis en évidence par Max Stirner est que l’éducation doit créer un individu personnel et libre. L’objectif ultime de l’éducation n’est plus le savoir, mais le vouloir né sur le savoir. Créer un être de volonté. Ce qui est parfois désolant, et j’ai bien écrit parfois, c’est de constater que des jeunes reproduisent le conformisme des adultes ( ex, le nombre d’inscrits en première polytechnique.) L’Ecole ne produit pas des êtres absolument vrais. En Belgique, la primauté accordée aux mathématiques, aux sciences au détriment du reste démontre le maintien d’une hiérarchisation étroite des disciplines enseignées. Instruire un homme créateur qui puisse changer la réalité ou la percevoir autrement au lieu de la reproduire par rapport à ce qui est attendu. La misère de notre éducation actuelle pour reprendre les termes de Stirner est que le savoir ne s’est affiné en volonté, en autoactivité. Les réalistes l’emportent et dirigent l’Ecole vers la formation de gens « pratiques » Des jeunes qui pourront se débrouiller dans le jungle de la vie mais qui ne pourront éveiller l’étincelle de la vie. Des jeunes qui ne seront pas conscients de ce qu’ils sont réellement.

Il est à remarquer que plus les principes libertaires ou anarchistes sont pertinents, plus ils sont dénigrés par les autoritaires, les gens qui veulent mettre l’Ecole sous tutelle, ou la contraindre à la logique économique de l’obligation de résultats. Ensuite, il existe par la valorisation de l’enseignement à distance un oubli de l’importance sociale du lien entre l’individuel et le collectif. Si l’individu est isolé derrière son écran, il est dès lors privé de son désir de s’associer, de participer collectivement et librement. Comment éveiller le désir d’un société fraternelle si l’enfant devient entièrement responsable de son apprentissage? Où se trouve par conséquent le lien entre les différentes générations. La classe inversée qui semble être à ma mode propose aux élèves d’apprendre leurs leçons à la maison et de venir produire en classe. Où se trouve dès lors le désir de transmission, de partage? Pour reprendre les termes de Michel Bakounine, comment apprendre seul à domicile la raison, la recherche de la vérité, la non soumission à l’autorité, la justice, la dignité humaine? L’instruction doit rester accessible à tous et gratuite. Nous le savons, ce principe socialiste n’a pas été réalisé puisque des écoles réclament des frais scolaires importants par manque de subsides. Le définancement de l’Ecole est révélateur du démantèlement des services publics.

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Le troisième principe m’est inspiré par la lecture de James Guillaume, « l’enfant n’est la propriété de personne. » C’est-à-dire qu’aujourd’hui il ne doit pas devenir la propriété d’une vision économique dogmatique: sous couvert de former de bons citoyens, on voit bien que le projet est de plutôt former de bons consommateurs, de bons reproducteurs incapables d’autoactivité. Aujourd’hui, l’Ecole est encore dirigée par un centralisme administratif et bureaucratique et dépendante d’appareils politiques. En témoigne, le Pacte d’excellence, le plan de pilotage. C’est dans ce cadre, que je défends une plus grande autonomie des écoles et une mise en place du fédéralisme. Je vois l’Ecole comme une association qui ne peut être unique et qui doit répondre à la réalité du terrain. L’Ecole ne devrait pas être gouvernée par une aristocratie politique déconnectée du terrain.
L’enfant n’est en effet la propriété de personne, ce qui signifie que son épanouissement physique est tout aussi important que son épanouissement moral, l’enfant est encore trop longtemps assis à l’école. De même son épanouissement manuel est tout aussi important que son épanouissement intellectuel. Le dénigrement du manuel est la marque d’une volonté de maintenir une hiérarchie qui me parait dépassée.

Grégory Chambat met en évidence la concurrence entre deux systèmes éducatifs qui s’affrontent encore de nos jours. La première éducation aspire à concilier une émancipation collective et un épanouissement individuel . La seconde entend, à travers ses pratiques pédagogiques centralisées et bureaucratiques à enseigner l’obéissance, le conformisme afin de perpétuer le système dominant.

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