Sauver l’Amazonie, c’est sauver la planète

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Le 17 novembre 2022, des dinosaures ont pris d’assaut la Tour des Finances pour demander à nos autorités gouvernementales que la Belgique et l’UE se retirent du Traité sur la Charte de l’Energie qui est incompatible avec les objectifs climatiques, malgré sa "modernisation". Photo @ Jean-Frédéric Hanssens.

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Il faut immédiatement arrêter la destruction des zones forestières, humides et naturelles encore vivantes afin de sauver le fragile système climatique qui nous maintient en vie. Tel était le message lancé au public par Arte Tv qui nous a fait découvrir deux passionnants documentaires : « Amazonie, les civilisations oubliées de la forêt » et « Le mystère des rivières volantes d’Amazonie ».

https://www.arte.tv/fr/videos/091124-000-A/amazonie-les-civilisations-oubliees-de-la-foret/

https://www.arte.tv/fr/videos/088413-000-A/le-mystere-des-rivieres-volantes-d-amazonie/

Les jardinières de la forêt

Ces deux beaux moments de vulgarisation scientifique nous ont plongés au cœur de l’histoire humaine. On y apprend en effet que l’Amazonie n’a pas toujours été une vaste terre de forêts et de fleuves et affluents mais que ce fut une terre très peuplée par quantité de tribus qui ont développé un art de vivre en symbiose avec la nature, empruntant à la forêt des terres à cultiver, ce que les femmes principalement réalisaient en créant des jardins potagers comportant des espèces végétales bien sélectionnées, se complétant, prospérant sur des sols pauvres au départ mais enrichis par les brûlis et les composts. Ces diverses tribus commerçaient, échangeaient et aussi se battaient. Chacune créait de magnifiques œuvres d’art en terre cuite décorées par quantité de symboles que les ethnologues, anthropologues et spécialistes des arts premiers n’ont pas encore terminé de décrypter. Ces découvertes ont aussi prouvé la véracité des témoignages d’un des derniers conquistadors espagnols qui s’est enfoncé loin à l’intérieur des terres en suivant le fleuve Amazone et qui a décrit dans ses récits que ses contemporains n’ont pas crus, le mode de vie, les architectures des maisons et cases, les décors peints sur la terre cuite mais aussi sur les visages des indigènes. Et surtout, il a témoigné de la fin brutale de nombre des tribus dont il retrouvait les cadavres donc certains gisaient encore dans des hamacs : les virus apportés par les envahisseurs ont circulé à toute vitesse, décimant ces populations hautement civilisées qui ont emporté dans la mort leurs cultures et leurs savoir-faire ancestraux.

Pour approfondir la découverte de ces modes de vie à la fois complexes, subtils mais aussi parfaitement adaptés à la survie en forêt amazonienne, lisez l’anthropologue Philippe Descola qui a passé trois ans dans une tribu de Jivaros, les fameux chasseurs de têtes. Dans un style admirable, il décrit la vie quotidienne et les relations familiales et claniques de cette tribu. Et, de manière très précise, les méthodes d’agriculture et de chasse qui permettent la survie de ces peuples depuis des siècles. Son livre, « Les lances du crépuscule », paru en 1993, a été heureusement republié en 2014, toujours dans la collection Terre Humaine chez Plon. Il est aussi l’auteur de plusieurs autres livres qui nous invitent à repenser nos conceptions du monde et des cultures : https://www.cairn.info/publications-de-Philippe-Descola--19295.htm

Les « rivières volantes »

Le second documentaire proposé par Arte décrypte les complexes et fragiles mécanismes naturels qui règlent le climat amazonien le long de l’équateur et permettent jusqu’à présent une production agricole exceptionnelle… Sous l’effet de la déforestation, accélérée par le précédent président brésilien Bolsonaro, le système change et l’avenir des zones agricoles prospères est condamné à la désertification.  La « transpiration » des feuilles des arbres crée des nuages, les « rivières volantes » qui suivent une certaine direction, modelant ainsi un écosystème merveilleux mais très fragile.

Le monde entier découvre l’importance des forêts qui « transpirent » l’eau vitale pour notre avenir.

Lors de la COP-27 en Egypte, le président colombien Gustavo Petro a bien souligné l’enjeu : « « la politique de reforestation ne peut pas compenser ce que doit être la politique pour surmonter la crise climatique : il s’agit simplement d’arrêter de consommer du pétrole et du charbon (…) L’heure est à l’humanité et non aux marchés ».

Politique contre « marché »

La Colombie est la deuxième puissance mondiale en termes de biodiversité ; nous possédons 10% des espèces de la planète. Si la forêt amazonienne brûle, il y a un point de non-retour, sa destruction entraînera l’extinction de la vie sur la planète, avertit Gustavo Petro. « La COP n’apporte plus de réponses et le temps est compté. Les conférences mondiales des gouvernements doivent mettre aux commandes la politique visant à générer un plan mondial de déconnexion immédiate des hydrocarbures. La décarbonisation est un changement réel et profond du système économique qui domine », a-t-il déclaré lors de la séance plénière de la réunion. « C’est la mobilisation de l’humanité qui corrigera le tir et non l’accord de technocrates influencés par les intérêts des compagnies de charbon et de pétrole », souligne-t-il. Cette mobilisation ne se fera que par une planification publique et mondiale, multilatérale, seule en mesure de passer à une économie mondiale décarbonée.

https://www.pressenza.com/fr/2022/11/petro-a-la-cop-27-la-crise-climatique-ne-sera-pas-resolue-par-des-technocrates-influences-par-les-compagnies-de-charbon-et-de-petrole/

Pour survivre, l’humanité doit aussi revoir toute sa politique agricole et recourir aux plus récentes découvertes scientifiques permettant une agriculture qui régénère les sols, les enrichit non plus pas des apports artificiels mais par des intrants naturels, des rotations de cultures et autres techniques qui évitent les empoisonnements par des engrais et des pesticides aussi puissants que coûteux.

Lire à ce sujet :  https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/mission-regeneration-un-documentaire-sur-le-pouvoir-des-sols-pour-inverser-la-courbe-du-rechauffement-climatique-151173.html?utm_source=Abonn%C3%A9s+Novethic&utm_campaign=934c32845a-EMAIL_CAMPAIGN_2022_11_14_03_42&utm_medium=email&utm_term=0_2876b612e6-934c32845a-171526033

L’Afrique, doublement victime

Alors qu’il est minuit plus 1 seconde, que la catastrophe climatique est enclenchée et que nous ne pourrions plus que diminuer les conséquences dramatiques de nos activités sur terre, la guerre continue à faire rage, l’exploitation des énergies fossiles s’accélère au lieu de diminuer. Ainsi, l’l'ONG Urgewald décrit les nombreux projets d'énergies fossiles sur le continent africain. Le français Total Energies apparaît dans ce rapport comme le premier développeur de projets fossiles en Afrique. Projets le plus souvent tournés vers l'étranger, qui ne bénéficient donc pas aux populations alors que 600 millions d'Africains n'ont toujours pas accès à l'électricité. « 200 entreprises charbonnières, pétrolières et gazières inondent le continent de projets d'énergie sale totalement incompatibles avec les objectifs climatiques de Paris et la limite de 1,5°C », s'insurge Omar Elmawi de la campagne Stop EACOP.

Et qui finance ces politiques criminelles pour l’humanité ? Des investisseurs comme le géant américain BlackRock « qui arrive en tête des financements de l'expansion des combustibles fossiles en Afrique avec des actifs de plus de 12 milliards de dollars. Le premier banquier des développeurs de combustibles fossiles en Afrique est Citigroup (5,6 milliards de dollars), suivi de JPMorgan Chase (5,1 milliards de dollars) et de BNP Paribas (4,6 milliards de dollars). Selon le rapport des ONG, 71% du soutien bancaire aux développeurs de combustibles fossiles en Afrique provenaient de banques membres de la "Net Zero Banking Alliance", qui défend l’objectif 1,5°C. » A l’inverse, les investissements dans le secteur du renouvelable ont chuté en Afrique. Faut-il une fois de plus souligner que la guerre russo-ukrainienne a servi de prétexte pour accentuer le commerce et les prix des énergies fossiles, appauvrissant les populations occidentales mais plus encore dans les pays plus défavorisés du reste du monde ?

Plus de détails dans : https://www.novethic.fr/actualite/energie/energies-fossiles/isr-rse/cop27-l-afrique-eldorado-pour-le-developpement-de-nouveaux-projets-fossiles-qui-profitent-aux-autres-151185.html?utm_source=AlertesThematique&utm_campaign=16-11-2022&utm_medium=email

Et voilà comment la grande finance nous tue tous, servant la cupidité de quelques-uns au mépris de la survie de tous. Heureusement, les indignations et rébellions se multiplient : jets privés cloués au tarmac, œuvres d’art emblématiques ciblées par des contestataires, manifestations diverses, occupations de terrains, de champs, dénonciations de l’usage des pesticides, appels à la paix…

Pour philosopher un peu:

https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/11/les-valeurs-europeennes-sont-elles-universalisables/

Un dernier avertissement pour la route:

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80 % des espèces pathogènes et connues pour infecter l'homme sont transmises par l'environnement, ce qui représente 40 % de la charge de morbidité infectieuse actuelle (perte mondiale de 130 millions d'années de vie saine/an), surtout en zones tropicales. https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(22)00248-0/fulltext#.Y3HmLDLyh1U.twitter

https://vimeo.com/771088283

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