Sortir de la compétition et revenir à la coopération

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Par | Penseur libre |
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Le monde que veulent les jeunes générations: pacifique et écologique, ainsi que l'illustrait la manifestation anti-Trump du 24 mai à Bruxelles. Photo © Gabrielle Lefèvre

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La compétition résulte presque toujours d’une conception du monde fondée sur les vertus de la concurrence, la récompense du gagnant, la liberté individuelle opposable à l’intérêt général.

Cette compétition sous de multiples formes sociales, économiques, sécuritaires est entretenue par ceux qui se considèrent comme des « élites ». Elle les amène à partager les mêmes références et à les imposer à l’ensemble de la société.

La mondialisation est devenue l’espace où se pratique cette compétition. Elle crée chez les élites le sentiment d’appartenance au directoire mondial.

C’est un processus d’exclusion du plus grand nombre qui aboutit au pire des dérèglements car il échappe à tout contrôle démocratique. Les exemples sont multiples :

- en économie par concentration des capitaux et le secret croissant des affaires ;

- en sécurité par la relance du militarisme, des guerres civiles et interétatiques, de la course aux armements ;

- en destruction de l’environnement ;

-  et enfin par la dérégulation voire la suppression des protections sociales.

Malgré les effets d’annonce des gouvernements et des institutions des Nations Unies, ces multiples dérèglements et dérégulations produisent des effets catastrophiques pour la communauté des humains et pour la nature. Cet aveuglement a pour conséquences des crimes contre l’humanité, des génocides, des sociocides, des écocides.

Pour nous, laïques et humanistes, il nous faut opposer à cette conception mortifère de la compétition un autre modèle de société fondé sur la primauté de la personne, de tous les êtres humains dans le respect de leur environnement naturel.

Seule la coopération, le partage des savoirs et de la richesse produite, la paix et la coexistence pacifique permettront le retour à un vivre ensemble planétaire.

L’an prochain, sera célébré le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.  Stéphane Hessel, grand sage français d’origine allemande, survivant des camps de concentration, a participé à la rédaction de cette DUDH. Il disait: « pour les jeunes d’aujourd’hui, il n’existe pas de programme plus important. Connaître et comprendre la DUDH est essentiel. Elle traite des principaux problèmes qui doivent être résolus aujourd’hui ». 

Il faut relire le préambule de la Déclaration qui s’articule en 30 articles sur les droits individuels et collectifs des gens et ne peuvent se réaliser que dans le respect et l’application de la Charte des Nations Unies : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde… »

70 ans de progrès et d’avancée de l’humanité mais aussi 70 ans durant lesquels des milliards d’êtres humains ont été assassinés, abandonnés au bord de la vie.

Nos idéaux humanistes nous obligent à combattre les politiques antidémocratiques qui violent les droits humains. Les tenants de ces modèles sociaux et économiques reposant sur la compétition et la concurrence dérégulée nous obligent à leur opposer l’état de droit démocratique. Celui qui garantit à chaque être humain ses droits fondamentaux.

Lorsque nous nous retrouvons au sein de la Fédération Humaniste Européenne (FHE), notre obligation est de réfléchir et d’exercer notre vigilance démocratique, de faire pression sur ceux qui prennent les décisions politiques orientant notre vivre ensemble européen et sa capacité à s’ouvrir aux autres peuples de la planète.

Aujourd’hui, comme trop souvent dans l’histoire, concurrence économique, compétition militaire, appétit démesuré de quelques-uns à posséder pouvoir et argent, occupent le devant de la scène politique et polluent la citoyenneté européenne. Certains responsables politiques n’hésitent pas à exalter la xénophobie et le racisme chez leurs concitoyens. Aujourd’hui, dans un nombre  important de pays membres de l’Union, les partis populistes gagnent en influence. Leurs propositions contraires aux idéaux de solidarité et d’humanisme gangrènent nos démocraties.

 Les Institutions Européennes ne sont pas un rempart pour la défense de nos valeurs communes. L’Europe paye la Turquie pour garder chez elle des réfugiés syriens victimes de 8 années d’une guerre internationale sur leur sol ; l’Europe conditionne son aide au développement aux pays du sud de la Méditerranée pour qu’ils maintiennent hors des frontières européennes des migrants remontant de l’Afrique sub-saharienne ; l’Europe accepte que la mer Méditerranée devienne le plus grand cimetière marin du monde pour les migrants. Cette Europe-là viole l’ensemble des principes humanistes qu’elle prétend défendre.

 Aujourd’hui enfin, dans un très grand nombre de pays membres de l’Union, les  religions dominantes sont traversées de courants intégristes qui y exercent une influence croissante. Ils cherchent par tous les moyens à imposer, au nom de leurs livres sacrés et de leurs dogmes, des lois régressives, à combattre au nom de la liberté de culte les progrès éthiques, ceux du genre et des droits sexuels et reproductifs. Ils font obstacle à l’apprentissage de la libre pensée, à la liberté d’expression y compris du droit au blasphème. Pour atteindre leurs objectifs de théocratie, ces religions sont prêtes à faire alliance avec des pouvoirs non démocratiques et à entraîner les peuples dans des conflits d’une violence extrême.

Rappelons avec force que « la laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des doits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. Il oblige l’l’Etat de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen. » (1)

Humanistes et laïques, nous avons appris que la séparation stricte du religieux et de l’Etat est la condition essentielle pour garantir le respect des convictions individuelles et la construction de l’état de droit garant des droits individuels et collectifs.

Seule une alliance et le renforcement de la FHE nous permettront de peser sur les institutions européennes et d’y faire valoir nos propositions fondées sur le libre-examen et l’émancipation de tous les individus grâce à l’éducation permanente accessible à tous.

Cette alliance s’appelle « coopération ».

Avant de conclure, permettez-moi un souhait : que la FHE s’engage plus activement vis-à-vis des jeunes car ils représentent - dans leur diversité - le nouveau visage de l’Europe. Ce sont ces mêmes jeunes européens, nés ici ou ailleurs dans le monde, qui feront l’Europe de demain. Ils auront un nombre important de problèmes à résoudre. Aidons-les à se réunir dans la diversité, autour d’un nouveau projet de citoyenneté riche de nos valeurs humanistes et laïques, notre héritage commun. Je vous invite à contribuer activement à la création d’un « Service Civil Européen » ambitieux.

Le président de la Commission Juncker l’a appelé de ses vœux devant le Parlement Européen le 15 septembre dernier. Un service Civil organisé avec les  acteurs de la société civile au sein des 27, ouvert au plus grand nombre de jeunes de toute l’Europe et qui inclut une formation à la citoyenneté européenne.

La majorité des jeunes sont généreux, ambitieux et idéalistes. Ils sont les premiers à croire en une Europe qui accepte les migrants. Ils luttent pour l’environnement, la paix et la coopération internationale.

Un service civil citoyen très largement développé en Europe aura un impact positif permettant au jeunes de rendre service à leurs communautés tout en faisant l’apprentissage des valeurs de civisme grâce à la rencontre avec des enjeux sociaux, économiques, culturels et politiques de nos sociétés. Leur avenir est aussi le nôtre.  J’invite la FHE à rencontrer sans tarder le Président Juncker pour lui dire notre volonté de promouvoir au plus vite le Service Civil Européen.

En descendant de charge de président de la FHE, je vous appelle d’urgence à renforcer notre fédération, à lui apporter vos compétences mais aussi les ressources nécessaires pour le renforcement d’une équipe capable de relever les défis humanistes de notre temps.

- Discours prononcé lors de l’AG de la FHE, en Pologne, le 19 mai 2017

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(1) Art 4 des statuts du CAL


 

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