Un monde technocrate, mercantile

L’avenir de l’école

Par | Penseur libre |
le

photo©LaurentBerger

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Lecture 8 min.

On s’étonne que dans nos écoles, ici, dans ce petit pays au pouvoir d'achat agréable, où tout le monde semble content du mode de vie qu’il a, il existe des jeunes qui se tournent vers le «radicalisme »  Ces derniers seraient-ils séduits par un sens qui leur serait enfin donné à leur vie dans un combat certes nihiliste? Si l’école ne propose rien d’autre que d’insérer des jeunes sur le marché de l’emploi pour  participer à la production, à la consommation, au rendement, à l’efficacité, comment   leur proposer autre chose  que la compétition, le narcissisme,le harcèlement? Quelles autres valeurs peuvent-ils choisir ? A défaut de transmettre des utopies réalistes, leur vie serait-elle ainsi que celle de leur professeur dominée par l’obligation du résultat. Un monde où vivent des bourreaux et des victimes où celui qui fait le moindre pas de travers est contrôle, arrêté, mis de côté.
L’école est soumise aux mythes qui nous poursuivent, des récits fabriqués la traversent: il faut travailler pour gagner sa vie, et non pas travailler pour désirer, créer, aider les autres. Il faut travailler pour se nourrir, et non pas être nourri pour travailler, il faut gagner de l’argent pour trouver un logement et non pas recevoir un logement pour travailler, pour avoir un atelier, les pauvres sont oisifs diront ceux qui veulent les maintenir à l'écart.

Aller à l’école, c’est donc utile pour faire comme tout le monde, alors que des gens deviennent dépressifs parce qu’ils ne trouvent pas de travail ou parce qu’ils ne s’épanouissent pas dans leur profession et tombent malades soudainement en venant tout juste de prendre leur pension. Ah, ce pacte d’excellence, que vise-t-il au juste? Si ce n’est à placer rapidement un maximum de jeunes sur le marché de l’emploi avec le sourire d’une école de la réussite pour tout le monde. Permettez-moi d’être sceptique! L'excellence, elle est bien bonne quand tous les élèves n'ont pas les mêmes opportunités de bien se former. 

Je me méfie de ce pacte, le langage dominant de l'économie et des jeunes loups que j’entends autour de moi ne me plait pas. Il y a longtemps qu’on ne tient plus compte de la valeur réelle de l’enseignement, ainsi par l’obsession de la productivité, les écoles (de même que les hôpitaux) sont gérés comme des usines. On s’effraye du coût de l’enseignement alors qu’un pays riche devrait davantage financer ce dernier. Les économistes sont entrés dans la danse, ils veulent faire croître l’économie au détriment de la qualité de la vie. Alors, on dépense un argent fou pour soigner les dépressions, les alcoolismes, les drogués. On finance des prisons, des hôpitaux qui ressemblent à des usines où les patients ne sont plus que des numéros.

L’école doit-elle offrir cette vision du monde réduite?  Survivre plus tard dans l’industrie du travail épuisant ou survivre dans l’industrie du chômage et de l’assistance avec des programmes de retour à l’emploi qui en réalité prolongent le chômage? L’école doit-elle développer des compétences minimales ou alors ouvrir la vision du monde en donnant le désir de penser aux utopies réalistes comme le revenu universel? Plusieurs expériences démontrent que ce revenu n’incite pas à la paresse, bien au contraire, il permet aux gens de démarrer, de mieux se former, de créer, d’arrêter l’alcool et la drogue. Je vous invite à lire les utopies réalistes de Rutger Bergman qui décrit très bien les effets positifs du revenu universel. 

La vie va-t-elle devenir une séance de thérapie accompagnée de calmants, d’antidépresseurs? Alors que les personnes qui ont plus de temps à consacrer aux personnes qu’elles aiment, de temps à consacrer aux activités artistiques, à être plus heureux avec leurs conjoints, à mener une vie sexuelle plus épanouie coûteront moins à la société. Les casseurs expriment colère, on se scandalise. Mais la violence est-elle vraiment gratuite?  Comprendre bien sûr n'est pas justifier, mais on ne s'attache plus à comprendre, on se trouve seulement dans une fuite en avant afin de maintenir le système. 

Ce mythe du mérite valorisé et de la paresse méprisée donne à la vie un goût souvent amer. Il faut mériter pour être aidé. Bizarre, il existe tant de logements vides alors que nous trouvons des sans-abris dans nos rues! On préfère les laisser dans la rue alors que leur donner de l’argent pour leur permettre d’accéder au logement coûterait moins cher à long terme.

Alors l’amiante dans les écoles, on ne veut pas résoudre le problème parce que on ne veut pas financer le remède, mais on ne veut pas voir par myopie que tous ces enfants risqueront de développer des cancers plus tard.On criminalise ceux qui hébergent des réfugiés qui ont quitté heureux des pays bombardés par nos armes pour nous envahir!

Observer que des écoles à pédagogies actives sont aujourd’hui financées par des parents adeptes du mercantilisme m’attriste moi qui défend l’enseignement gratuit pour tous. Il en est de même pour les sans-abris ne serait-il pas plus efficace de leur donner des logements gratuits plutôt que de financer une police répressive? A évidemment maintenir des gens dans la pauvreté, c’est prouver qu’ils ne pourront jamais traverser la rue pour trouver un emploi. 

Mais où sont les réelles incitations à travailler à part l’argent? Comment se fait-il que les métiers qui relèvent de l’éducation et des soins sont les moins bien payés? 

Dans des contextes bien précis qui n’ont rien à voir avec le mérite, n’importe qui deviendrait répressif, alcoolique.  Si l’école ne se préoccupe que des inégalités de richesse au lieu de comprendre qu’il faut plutôt sur les inégalités d’opportunité, elle oublie sa vocation humaniste. Je plaide pour une école de l’émancipation et non pour une école qui s’insérerait dans un système d’aide sociale qui s’est dégradée en un outil de contrôle et d’humiliation. Une école qui n’aiderait les pauvres seulement en les contrôlant ne ferait que les tenir à l’écart de la société.

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En l’absence d’utopie pour l’école, tout le reste n’est que technocratie, gestion, médicaments.  Alors, je ne souhaite pas former des citoyens dociles et satisfaits qui subiront un société de surveillance, de contrôle, de répression. Il faudrait plutôt s’intéresser aux causes du mécontentement plutôt qu’aux symptômes. Donc, plutôt que de s’étonner du "radicalisme "dans les écoles ou de voir augmenter les coûts des soins médicaux, il faudrait aller à la source des problèmes. Si les possibilités deviennent de plus en plus limités, alors les enfants rois à qui on a répété tu es génial iront exprimer leur narcissisme dans les classes et pourraient bien se conduire en petits bourreaux. Un monde technocrate qui est froid et dur, un monde où règne la crainte ou la haine. Un monde publicitaire qui nous incite à dépenser de l'argent que nous n'avons pas, un monde où nous portons tous les mêmes baskets, où nous consultons tous des thérapeutes. 
L'école pourrait, je le souhaite vivement, présenter des horizons alternatifs qui déclencent l'imagination. Il est désolant de manifester en rue pour ne garder son pouvoir d'achat. Où sont les communards de jadis? Où se trouvent les révoltés? Sont-ils déjà malades, dépressifs, en burn out? Le nombre d'hospitalisation ne ferait qu'augmenter, ainsi que les violences conjugales, alors que notre système absurde ne fait que s'orienter sur l'augmentation du temps de travail. Une école qui s'orienterait vers la création d'emploi qui renforerait la pauvreté au lieu d'offrir des opportunités créatrices participerait ainsi à la généralisation de la misère partout.  Avec ce paradoxe qu'au pays de l'abondance,  la pauvreté de l'esprit se remarque aussi bien chez les pauvres que les riches. A quand une manisfestation géante pour supprimer la pub de nos écrans de contrôle? Nos élites ne sont plus préoccupées que par l'argent et les loisirs, elles ne sont pas enviées parce qu'elles sont plus éduquées, émancipées, cultivées, ils sont jalousées parce qu'elles ont moins de dettes et un meilleur pouvoir d'achat. J'existe. Comment exister en dehors du rendement obligatoire? L'école devrait ouvrir la voie. 

 

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