USA, Israël, Gaza… avant l’Iran ?

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Des manifestants palestiniens courent pour échapper aux gaz lacrymogènes lors d'affrontements avec l'armée israélienne à la frontière entre la bande de Gaza et Israël, le 14 mai 2018. Photo © MOHAMMED ABED

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Mardi 8 mai

 Dans sa tribune du journal Le Soir, sous le titre Quand l’autre France s’éveillera, Jean-François Kahn décrit la situation des forces politiques françaises. Avec des mots secs et directs, comme il sait en user, il constate que les extrêmes sont les seules oppositions actives contre le pouvoir macronien. Dès qu’il eut connaissance des résultats du scrutin législatif, il y a moins d’un an, Kahn prônait déjà la dissolution : « Macron engage des réformes rapides, et puis il dissout… »  clamait-il. Certes. Mais on ne peut pas exclure une complaisance présidentielle à rester dans les ravissements du pouvoir personnel. Ce serait pourtant sa perte. L’Assemblée nationale a besoin d’une opposition intelligente, prospective, moins criarde et plus objective que celles qui se manifestent actuellement. D’autant plus que le gouvernement reste pâlot. Il y a des jours où l’on voit à travers.

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 On les appelle « Les quatre géants du Web » ? Google, Apple, Facebook et Amazon sont devenus tellement célèbres que GAFA, leur acronyme tout récent, est déjà en passe de se substantiver. La définition de ce terme devra signifier l’ensemble des lieux où le plus d’informations sont conservées et diffusées donc aussi la réunion des organismes où la concentration des richesses est la plus dense à la surface de la planète. Gafa change la marche du monde. Elle dément l’expression Time is money, la remplaçant par Words are money. C’est devant son écran qu’aujourd’hui, Phileas Fogg devrait tenir son pari.

Mercredi 9 mai

 Benyamin Netanyahou avait reçu des lettres persanes lui évoquant des objets dangereux dissimulés. Ces révélations permettaient à son ami Donald Trump d’asseoir ses pressentiments. Il déclarerait : « Je vous l’avais bien dit… », ce à quoi le chef religieux du domaine incriminé allait répliquer : « Puisque c’est ainsi… » et le Docteur Folamour, installé sur son nuage radioactif rigolerait à pleins poumons contaminés.

 Donald Trump vient, comme on s’y attendait, de déchirer l’accord laborieux sur le nucléaire iranien, obtenu en 2015 après 21 mois de négociations. Qui plus est, le président étatsunien assortit son arrêt de nouvelles sanctions économiques. L’Europe - Royaume-Uni compris - va tenter de maintenir l’accord avec l’Iran. Une belle occasion de saisir les actes stupides ou irréfléchis de Trump pour fortifier sa cohésion.

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 Le parlement russe a reconduit Dimitri Medvedev dans ses fonctions de Premier ministre par 374 voix contre 56 ; 56 qui s’opposent donc à la proposition de Poutine, 56 qui risquent de connaître bien des misères. Dans son discours d’investiture, Medvedev a déclaré : « Je pense que nous serons en mesure de résoudre toutes les tâches fixées par le président. » C’est bien la moindre des choses. Si tel n’était pas le cas, il pourrait être le 57e…

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 Il faudra suivre le parcours de Nikol Pachinian, cet opposant que la rue arménienne est parvenue à porter jusqu’au poste de Premier ministre. On parle de révolution de velours, une expression qui avait déjà utilisée en Tchécoslovaquie lors du bouleversement de 1989. Les observateurs devraient se méfier des appellations qui surgissent de leurs réflexions sans recul. Avec le temps, elles alimentent les contradictions que des faits d’actualité provoquent dans l’Histoire. Ainsi la révolution de jasmin qu’a connue la Tunisie en 2011 n’a pas laissé les espoirs que le teint et le parfum de la fleur pouvaient symboliser. Des élections municipales viennent de s’y dérouler. Non seulement le parti islamiste les remporta, mais surtout la participation fut très faible. Un tiers des votants ont négligé les grands partis traditionnels. C’est peut-être là, dans les petites formations indépendantes, que le jasmin pourrait éclore au cours des prochaines années.

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 Le 25 avril dernier, Macron prononça un discours devant le Congrès des Etats-Unis d’Amérique. D’emblée, il souligna que Charles de Gaulle occupait la même estrade 58 ans plus tôt, jour pour jour. Grâce à internet qui oriente vers les archives du Figaro, l’on peut voir quelques minutes de l’événement. Un constat frappe immédiatement : en ce temps-là le président de la République française s’était exprimé dans sa langue. L’actuel s’adressa aux parlementaires en anglais.

Jeudi 10 mai

 Netanyahou a bien compris les encouragements de Trump et sa réaction n’a pas tardé. Des raids sur les positions iraniennes se sont développés toute la nuit. Le théâtre de la confrontation est bien entendu la Syrie…

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 Donald Trump annonce lui-même en twittant qu’il rencontrera Kim Jong-un le 12 juin à Singapour. Quelle extraordinaire victoire diplomatique pour ce petit saltimbanque Nord-Coréen, à la tête d’un pays en faillite (et peut-être même en famine) permanentes ! Et comme les Chinois doivent s’en amuser ! « Nous allons tous deux essayer d’en faire un moment important pour la Paix du Monde » écrit le président étatsunien. Á la lecture de ce commentaire, cette fois, les Chinois ne rient plus, ils s’esclaffent ; ils sont pliés, ils se serrent les côtes.

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 Un socialiste un peu âgé ne peut pas s’éveiller un 10-mai sans se remémorer l’extraordinaire liesse que connut celui de 1981 avec la victoire de François Mitterrand.  Être socialiste au 20e siècle et le rester au 21e, c’est selon les bien-pensants d’aujourd’hui passer de la normalité à l’anormalité.

Vendredi 11 mai

 Thierry Frémaux et son équipe ont pris beaucoup de risques en présentant une sélection très éclectique pour le 71e Festival de Cannes. Des réalisateurs inconnus venus de nombreux pays lointains, très différents, et des thèmes inattendus. On est dans la découverte permanente. Ou bien de nouveaux talents et des révélations émergeront, ou bien le palmarès ne restera pas dans les mémoires et ce Cannes-ci sera un mauvais cru. Le vieux Gilles Jacob (87 ans), qui en fut le délégué général dès 1978 et président de 2011 à 2014, a réuni remarques, anecdotes et souvenirs dans un Dictionnaire amoureux du Festival de Cannes (éd. Plon). L’occasion est belle, pour les magazines, de publier des entretiens qui finissent par déboucher sur le présent. On le sent sceptique et toutefois prudent. En tout cas, les journalistes cinéphiles consciencieux n’auront pas le loisir d’aller s’allonger sur la plage ou se baigner : il y aura de quoi disserter tous les jours. Comme chaque année certes, mais avec cette fois une documentation de base plus délicate à cerner. On les attend.

Samedi 12 mai

 Comment faut-il apprécier cette déclaration de Kim Jong-un, le fantasque président de la Corée du Nord, annonçant qu’il allait détruire ses sites nucléaires quelques mois après avoir inquiété le monde entier par des essais de plus en plus menaçants ? Trump, lui, s’est empressé de le remercier. Le gamin a-t-il répondu à un ordre chinois ? Bluffe-t-il ? Prépare-t-il un terrain de négociation avec le président des Etats-Unis pour leur rencontre du 12 juin à Singapour ? La décision est de taille. On peine à la prendre pour argent comptant. Content ?

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  Ittre. Petite commune campagnarde du Brabant wallon. 7000 habitants. En face de l’hôtel de ville, le théâtre de La Valette. On y vient de partout assister à des spectacles de haute qualité. Le bistrot et le restaurant voisins ne désemplissent pas les soirs de représentation. Á l’affiche ces jours-ci, Le Souper, le chef-d’œuvre de Jean-Claude Brisville, dialogue entre Talleyrand et Fouché quelques jours après la défaite de Waterloo afin de déterminer l’avenir de la France. La mise en scène de Michel Wright  - qui interprète le premier flic de France entrepris à la séduction par le diable boiteux - est tout à fait bien adaptée à l’entrevue historique. Quand à Jean-Philippe Altenloh, il incarne Talleyrand de manière éblouissante. La stature du personnage, son art de la négociation associé à son raffinement de gourmet, l’élégance de sa fourberie que les textes de Brisville reflètent si bien, Altenhol les fait siens et les rend au public avec une authenticité qui dégage le sourire autant que l’émotion. Le diable l’emporte et Chateaubriand décrit ce duo infernal partant s’agenouiller devant Louis XVIII. En sortant de la salle, on ne distingue ni palais, ni cathédrale, rien que de petites maisons modestes et des champs. Les habitants du village ont signé une pétition, demandant à la ministre de la Culture de revoir sa position. L’excellence des tréteaux a en effet supprimé toutes les subventions de La Valette. On se demande bien pourquoi… Le conseil d’administration ne veut pas envisager la fermeture de ce lieu aussi captivant qu’insolite. Il est présidé par Jacques De Decker, le secrétaire perpétuel de l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique. En personne. Un auteur averti pourrait écrire une pièce qui s’intitulerait Le Souper. Celle-ci consisterait en un dialogue entre le secrétaire perpétuel et la ministre de la Culture. L’objet principal de la conversation toucherait à la situation de la politique théâtrale en Belgique francophone. Bien entendu, cette pièce serait montée à La Valette. Succès assuré pour la bataille d’Hernanittre.

Dimanche 13 mai

 Israël prépare en grandes pompes les cérémonies de son 70e anniversaire car à cette occasion, le cadeau américain sera exceptionnel : le déménagement de l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem. On ne peut imaginer plus forte vexation pour le peuple palestinien qui devrait exprimer son mécontentement par des manifestations. Ce n’est pas verser dans une prédiction pessimiste que de les craindre sanglantes.

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 François Hollande continue de fréquenter les plateaux pour assurer la promotion de son livre. Il est ce midi l’invité de l’émission Internationales sur TV5 Monde. Les phrases fusent : « La France est l’amie des Etats-Unis ; elle n’est pas l’amie de Trump ». Tu entends Emmanuel ?

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 Amoureux de ma femme. Le premier film de Daniel Auteuil ne laissera pas un souvenir impérissable. Il y est question de gentils fantasmes qui troublent la narration au point qu’à certains moments, le spectateur ne sait plus s’il suit l’histoire en train de se dérouler ou celle, imaginaire, entretenue par le principal acteur, Daniel Auteuil lui-même. C’est en 1977 que Roland Barthes publia Fragments d’un discours amoureux, un judicieux plaidoyer pour le retour aux sentiments. Il y a plus d’un demi-siècle.

Lundi 14 mai

 Tandis que Netanyahou et la nomenklatura israélienne inauguraient la nouvelle ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, à 17 heures, leurs gens d’armes avaient déjà abattu 43 protestataires palestiniens et blessé environ 900 autres. Le feu d’artifice tient ses promesses. Bon anniversaire Israël !

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  L’Italie, pays fondateur de l’Union européenne, aura donc un gouvernement composé d’une alliance entre l’extrême droite et le parti populiste 5 étoiles du clown Bepe Grillo, tous deux anti-Europe. On la sentait venir cette alliance-là…

Bruxelles est inquiet. Mais qu’avait fait la Commission pour aider l’Italie à l’accueil des migrants traversant la Méditerranée ? Malraux : « Constater la bêtise de la gauche n’est pas une raison pour trouver la droite intelligente. »

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 Certes, Macron gouverne avec autorité ; il dispose d’un Premier ministre entièrement dévoué ; il bénéficie d’une majorité très confortable à l’Assemblée. Mais Air France perd beaucoup d’argent à cause d’une grève, la SNCF aussi, les forces de l’ordre ne parviennent pas à évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les Black Blocks ont détruit un Mc Do et annoncent qu’ils comptent poursuivre…Des universités sont aussi en grève, certaines épreuves d’examens sont déjà reportées voire annulées…  Le mot d’ordre reste « fermeté ». On ne négocie pas. On parie sur l’usure. Soit. Mais ça commence à faire beaucoup.

Mardi 15 mai

 Le bilan de la journée meurtrière de Gaza est passé à 59 morts et 2400 blessés. Ce matin, sur les ondes de la RTBF, Simona Frankel, l’ambassadrice d’Israël à Bruxelles, a déclaré que tous les morts étaient des terroristes. Il y avait notamment 8 enfants et un bébé parmi les victimes. Il n’y a aucune raison pour que les jours qui viennent soient moins empreints de violence. Ragaillardi par Trump, Israël continue d’attiser les haines dans la région. L’ennemi, c’est l’Iran. Il faut le combattre, quitte à s’allier avec l’Arabie saoudite. Implicitement, les Etats-Unis soutiennent cette thèse. Mais l’Iran, c’est la Russie… Pas besoin d’être polémologue averti pour se rendre compte que toutes les pièces d’un scénario préparant une escalade sont en place. Á propos, où était Israël dans la lutte pour la destruction de Daech ?

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 Grâce à Stéphane Brizé, le film social tient toujours une place prépondérante dans l’actualité cinématographique. Cannes l’a bien compris. Vincent Lindon  est l’acteur qui convient pour ce genre-là. On osera même dire qu’il a la gueule de l’emploi pour incarner la victime du chômage. Il y a trois ans, il décrocha le prix d’interprétation masculine pour La Loi du marché. Le voici, toujours dirigé par Stéphane Brizé, dans la peau d’un syndicaliste au milieu d’un conflit social. Il y est entouré de nombreux militants qui jouent leur propre rôle.  En guerre a dû laisser des traces de fraternité au tournage. Qu’il en laisse donc d’autres aux belles âmes cannoises. Après le Festival, Lindon retournera sur le plateau de Benoît Jacquot afin d’interpréter Giacomo Casanova, le libertin du siècle des Lumières. On lui voit moins la gueule de l’emploi dans un pareil rôle. Mais Vincent Lindon est un grand artiste, très consciencieux. Il brillera aussi, c’est sûr, dans les palais de la Sérénissime.

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 Venise donc. En 1995, Régis Debray publia un pamphlet : Contre Venise. Son ami le sénateur socialiste Roger Lallemand, qui fut l’un de ses avocats durant sa détention bolivienne, répliqua. Il écrivit Pour Venise sans que cette différence d’appréciation ne sombre en polémique et que leur amitié ne soit rognée, bien au contraire. Et dans Pour Venise, on trouve un alinéa qui s’inscrit dans une étrange actualité :

 « En 1967, lorsque Régis Debray fut arrêté et transféré à Camiri, les étudiants de Paris s’alarmèrent de cette aventure. Un intellectuel brillant était enfin sorti de l’impuissance du verbe. Il s’était engagé auprès de celui qui ouvrait une porte sur un au-delà du quotidien français. Capitaliste ou social-démocrate. Un an plus tard, ces étudiants avaient oublié les paradis extérieurs. Ils vécurent, en mai 1968, un moment exceptionnel, une réconciliation merveilleuse. Ils avaient ressaisi un monde qui leur appartenait vraiment (…) Á dire vrai, le statut de Venise suivit ces mouvements idéologiques. Tant qu’ils existèrent, Venise vécut dans la sérénité. Elle ne prétendait pas être un horizon. Tout au plus un havre, une halte (…) »

 Ce serait un cadeau très approprié d’offrir à Vincent Lindon au sortir de son séjour cannois le Contre Venise de Régis Debray et le Pour Venise de Roger Lallemand.

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 Vladimir Poutine inaugure un pont de 19 kilomètres reliant la Russie à la Crimée par-dessus la Mer d’Azov. Il est évidemment rayonnant et selon son habitude, dans son discours, il évoque les tsars en faisant l’impasse sur les années communistes. Á chacun ses repères. Les tsars rêvaient de ce pont, les soviétiques construisaient des murs…

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