1789 et 2019

Poing de vue

Par | Journaliste |
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La page d'accueil du grand débat. Ce seront des e-cahiers de doléances. On n'arrête pas le progrès.

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En 1789, mais la coutume existait depuis le moyen âge, les états généraux qui aboutirent à la révolution furent précédés de la rédaction de cahiers de doléances où l'on recueillait les plaintes et vœux des sujets (ils n'étaient pas encore citoyens). Le phénomène qui se passe en France actuellement y ressemble furieusement. Le grand débat national est lancé et en théorie, jusqu'en avril, date de la synthèse, à plusieurs endroits et à plusieurs niveaux de pouvoir, les citoyens peuvent de même transmettre leurs revendications.

En 1789, contrairement à une opinion généralement admise, si une majorité importante de Français savait peu lire et encore moins écrire, un nombre important de personnes avaient cependant accès à la lecture et à l'écriture.

Ces cahiers de doléances, on peut encore les lire. Certains sont en ligne. L'historien François Furet, qui fut un éminent spécialiste de la période révolutionnaire, note à propos d'eux qu'il est frappant de constater combien, au fur et à mesure des synthèses, le ton changeait pour finir presque obséquieux. Furet observait aussi qu'après la révolution elle-même, le ton général des revendications, des contestations et des libelles s'était fait bien plus agressif. Il voyait dans cette différence de niveau plutôt qu'ailleurs le fait révolutionnaire lui-même.

La démarche avait été malgré tout sincère. On sait ce qu'il advint. Or aujourd'hui beaucoup doutent que cela serve à quelque chose. Bien des citoyens, se sentant sujets, maudissent le président de la République comme s'il n'avait pas été élu et doutent de sa volonté de les entendre et de les écouter. Ils se ressentent peuple (alors qu'ils n'en sont qu'une partie) et prétendent parler au nom de tous.

Il est bien possible que les dés soient déjà jetés. Mais on voit bien, tout de même, qu'Emmanuel Macron peut difficilement faire autrement que tenir compte, peu ou prou, de ce qui surnagera. Croire a priori qu'il s'en fiche et ne pas jouer le jeu, cela s'appelle un préjugé. Les révolutionnaires de 1789 et des années suivantes ont accepté dans un premier temps de laisser Louis XVI sur le trône et le roi devenu constitutionnel pourtant trahit la confiance dont il bénéficiait. Elle culmina le 14 juillet 1790, lors de cet instant d'unanimisme que fut la fête de la fédération. Il serait assez étonnant qu'Emmanuel Macron complote avec ses collègues voisins, qui seraient qui plus est de sa famille, afin d'espérer que des armées amies viennent remettre les choses en l'état antérieur...

Jusqu'à quel point peut-on de bonne foi refuser un débat? Les gilets jaunes diront qu'il est joué d'avance (ce n'est pas encore démontré) et que de toute façon, il est organisé par les pouvoirs en place. Certes mais ne sont-ils pas là dans leur rôle?

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Je n’éprouve que peu de sympathie pour la politique d'Emmanuel Macron et j'ai à plusieurs reprises souligné combien non seulement sa communication et ses calendriers étaient nuls mais aussi comme ses espérances de voir le ruissellement arroser assez la France pour faire enrichir tout le monde étaient vaines. Mais il me semble faire peu de doute que si des élections présidentielles devaient être organisées en France dans les prochains mois, Emmanuel Macron serait réélu, tout autant par défaut que la première fois.

En politique, d'où qu'elle vienne, l'obstination couvre de possibles désastres. Il suffit de jeter un coup d’œil de l'autre côté de la Manche pour se rendre compte combien un référendum mal embouché au résultat inattendu peut aboutir à l'aventure pour faire preuve d'un peu de prudence. Car renverser Macron, c'est bien, mais pour avoir qui, pour avoir quoi ensuite?

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