Circulez, il n'y a rien à voir!

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Même Mme Trump s'en fiche moins que la veste qu'elle portait, sans doute à destination de son mari (celui-ci pense que c'est la presse, qui ne fait rien qu'émettre des fake news désagréables, comme chacun sait, qu'elle visait). Sur celle-ci, une veste Zara à 39 $ datant de 2016, ces mots que l'on peut traduire par "Je m'en fous complètement, et vous?". (Capture d'écran de la page d'accueil du New York Times)

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Il est aisé de se scandaliser des cages trumpiennes, des bateaux refoulés à l'italienne ou du sort des journalistes turcs, russes, etc. Eh bien la Belgique, jadis terre où les droits de l'homme semblaient incontournables, est en train de rejoindre ce peloton qui ressemble à un peloton d'exécution.

Ce n'est pas user d'une inflation de vocabulaire que de l'écrire tel quel. Le gouvernement fédéral belge se contente, par la voix de son Premier ministre, de recadrer celles et ceux qui commettent des excès de langage ou des excès tout courts. Bien sûr, ce n'est pas encore le cauchemar et les journalistes de la RTBF qui voulaient regarder d'un peu trop près ce qui arrivait aux migrants n'ont pas été fusillés ou embastillés. Mais ce qu'il faut dire, répéter et proclamer à ce sujet tient en peu de mots: le premier kilomètre dans la mauvaise direction commence par un mètre qui n'a pas l'air de grand-chose, trois fois rien, en réalité, ce qui est déjà quelque chose. La digue ne tient que si l'on évite les brèches et si quelqu'un.e est là pour donner l'alerte en cas de besoin.

Donc oui, trois fois oui, mille fois oui, empêcher les journalistes de faire leur métier, c'est grave, c'est gravissime, et encore plus dans un monde où ce ne sont pas des mètres ou des kilomètres qui sont courus dans la mauvaise direction, mais des marathons, et à quelle allure! Car ce qu'on veut empêcher de montrer, c'est toute la misère du monde, pour reprendre une expression galvaudée et d'ailleurs complètement erronée: celle dont l'écume a abouti sur nos terres, la toute petite partie qui est venue et qu'on veut cacher parce que cela fait partie de la déshumanisation. L'enfant qui pleure, bon sang, cela pourrait être le mien! Alors pour éviter la compassion, pour empêcher la solidarité que par ailleurs on commence à criminaliser, c'est simple: circulez, il n'y a rien à voir, ce sont juste des statistiques désincarnées et on va les dissimuler là dans des cages, ici dans des centres fermés. Quitter la misère ou la guerre pour finir SDF ou sous tente dans des bidonvilles n'était déjà pas rien, le fameux «appel d'air» par lequel déboulerait d'un coup toute l'Afrique et la moitié de l'Asie était encore trop riant: ouvrons les portes des prisons. Et refermons-les ensuite à double tour: nos droits sont avec eux, qu'importe? Puisque l'on n'a rien vu.

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