M comme...

Poing de vue

Par | Journaliste |
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La couverture du supplément du Monde en date du samedi 29 décembre 2018

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Lecture 2 min.

La polémique a toujours existé, drôle, brutale, vulgaire parfois, mais la seconde moitié du XXème siècle a vu le phénomène se lisser. C'est que la première moitié du siècle passé avait montré que la polémique, quand elle était érigée au rang d'argumentaire unique, était dangereuse et avait amené la guerre et le génocide. Ce n'est pas le seul indice que ce temps est désormais révolu mais l'étrange polémique qui a attaqué le Monde est très révélateur, dans un univers où désormais le café du commerce et son comptoir ont été mondialisés sous la forme de réseaux sociaux.

Rappelons les faits. Ciel, la couverture de M, le magazine du journal, reprenait les codes de couleur nazis!

En réalité, ce style, car c'est en est, n'est à l'origine pas nazi mais plutôt soviétique et a connu dans les années 20 et 30 un usage bien plus large que l'apologie de régimes détestables. Plein de démocrates l'ont employé et pour cause: blanc, rouge et noir, ce sont trois couleurs faciles à imprimer, le blanc de la page, le noir de l'écriture et seul le rouge en complément. Ce code triple se retrouve au reste bien ailleurs que dans la presse ou la propagande. Par exemple, nombre de clubs de football l'utilisent. Le Monde, en prime, l'avait déjà utilisé à plusieurs reprises sans que soudain, la bronca populaire gronde jusqu'à la tempête.

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Si l'on doit se mettre à interdire, au nom du politiquement correct, l'usage de certaines couleurs et de certaines formes, on trouvera facilement des concordances avec des idéologies terribles pour à peu près tout... Mais en plus, c'est coller d'office une fonction sociale à l'art, au sens le plus large du mot, comme s'il n'avait de possible que ce rôle-là, et c'est nier que justement, l'art est un puissant remède contre le totalitarisme. La beauté peut pousser sous les censures les plus vives. Pensez à Chostakovitch, à Prokofiev, à Leni Riefenstahl, à la peinture italienne des années mussoliniennes, au cinéma tchèque des années 60, à Ismaïl Kadaré et à tant d'autres exemples... Même si ces artistes ont peu ou prou, sous la contrainte ou plus volontairement, pu contribuer à la gloire de régimes totalitaires et même criminels, on ne peut nier leur stature.

Le comble du ridicule est d'observer que le «M» majuscule du magazine est gothique. On verse dans le complotisme! Et le plus aberrant est que le Monde lui-même a tenu à s'excuser et à parler d'erreur. La soumission commence là. On sait où elle s'arrête: quand elle n'a plus le choix de s'exprimer. Ce n'est qu'un début, supprimons le débat!

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