Toujours plus vite, toujours plus fort

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Ce tableau d'André Devambez, photographié à Paris en 2022 lors d'une exposition au Petit Palais, montre que c'est une longue habitude, la manifestation et son peu d'effet final. Photo © Jean Rebuffat

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Promulguer une loi, contestée ou non d’ailleurs, sur le coup de quatre heures du matin, avouons-le, ce n’est pas la règle générale, surtout quand le chef de l’État concerné – en l’espèce le président de la République française – dispose de quinze jours pour ce faire et qu’il n’attend pas dix heures après l’avis du Conseil constitutionnel pour y aller. Au moins ne pourra-t-on retirer à Emmanuel Macron le mérite d’avoir caché son jeu: la loi, votée via le Sénat et à l’Assemblée nationale, par la vertu du célèbre 49.3, devait être appliquée aussi vite que possible.
Une mise au point préalable s’impose. Stricto sensu, il n’y a pas de viol de la légitimité démocratique; tout le processus, aussi chahuté fût-il dans la rue, a respecté le prescrit constitutionnel. Passer en force est peut-être l’indice de quelque chose mais pas de s’asseoir sur les institutions; le prescrit du Conseil constitutionnel le dit clairement. Pour reprendre une métaphore sportive, le VAR a revu la phase sans trouver la moindre raison d’annuler le but. Au contraire: les seuls points de détail recalés, ce sont les ajouts que la droite française traditionnelle, soudain prise d’un souci social inattendu, avait fait ajouter lors de l’examen du projet de loi au Sénat, où une majorité s’était dégagée pour adopter une mesure présentée comme un aménagement d’une loi antérieure.
Le problème n’est pas là. Il réside plutôt dans la superbe indifférence manifestée par la majorité relative, genre les chiens aboient, la caravane passe. Gagner, Pyrrhus en témoigne, n’est pas convaincre. C’est une méthode qui se retrouve, à une autre échelle et d’une autre manière, dans un conflit social qui s’étire en Belgique: la décision de Delhaize de franchiser tous ses supermarchés. On passe en force et on attend la suite, peu importent grèves ou manifestations. Cette manière de gouverner n’a en fait rien de neuf. Le drame prévisible est une désaffection supplémentaire de l’opinion publique qui, elle, met en péril les institutions et le fonctionnement général de la société parce qu’une victoire électorale, ou un coup de force social, ne viole aucune loi sauf celle-ci, l’écoute des doléances et des raisons de celles-ci, une loi non écrite, diffuse, mais bien réelle. En hâtant le pas, Emmanuel Macron, certes, ne joue-t-il pas les hypocrites; il donne juste l’impression que l’arrogance est plus forte que tout et que convaincre, en fait, n’a aucune importance ni aucun intérêt. Ce type de comportement, et sans doute ne s’en rend-il pas compte, risque de jeter dans le futur le discrédit sur tout ce qu’il dira ou fera – même si d’aventure, il n’aura pas toujours tort. Entre le quoi qu’il en coûte et le quoi qu’il m’en coûte, il faudrait, c’est l’intérêt de tous les régimes démocratiques, trouver une voie qui sans obligatoirement satisfaire tout le monde, n’ouvre pas la porte à la désespérance, et par là, à des aventures qui seraient encore bien pires que la franchisation de quelques dizaines de supermarchés ou l’utilisation du 49.3.

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