Un masque, sept balles et dix petits nègres

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Changer 74 fois nègre en soldat. Photo © Jean Rebuffat

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L'homo sapiens est une seule espèce, donc fatalement une seule race, mais à la fois sociale et égoïste, à la fois solidaire et nombriliste, à la fois grégaire et individualiste, à la fois intelligente et obstinée, et l'on pourrait multiplier ces apparentes contradictions jusqu'à plus soif.

Trois exemples détaillés dans le titre, et d'abord le masque, dont le port devient un peu partout obligatoire. La question ici n'est pas de disserter sur son efficacité ni de revenir sur la géométrie variable des messages le concernant depuis l'hiver passé mais de réfléchir sur un point d'évidence : plus une loi est simple (simplement énoncée et simple à comprendre), plus elle sera suivie. Après tout, il y a beaucoup de règles morales dans le décalogue, à commencer par tu ne tueras point. Alors, ce masque, est-ce un si grand sacrifice de le porter ? Une telle menace contre les libertés ? Le commencement d'une dictature sournoise ? Ou une règle simple ? Vous n'aimez pas le masque ? Sans tomber dans la plaisanterie des réseaux sociaux (vous aimerez encore moins le respirateur), notons que d'aucuns veulent bien le porter... à la condition que ce ne soit pas une obligation.

Exactement les mêmes, probablement, que celles et ceux qui poussent de hauts cris parce que la dernière réédition des Dix petits nègres, le célébrissime roman d'Agatha Christie, change de titre. Là aussi, qu'entend-on ? Que le politiquement correct châtre la liberté d'expression. Hé ho ! Ce n'est pas le livre qu'on veut interdire, comme en son temps Tintin au Congo. C'est juste une nouvelle traduction, qui tient compte du nouveau titre anglais – et mieux, qui rejoint plein de titres traduits autrement que par Dix petits nègres (Ten Little Niggers, une comptine anglaise du monde d'avant). Ce n'est même pas l'interdiction du père Fouettard, lequel, rappelons-le, n'a la peau noire que parce qu'il est ramoneur, c'est certes du commercialement correct, mais rien de plus. Savourons au passage le titre original aux États-Unis, Ten Little Indians (éviter un racisme pour tomber dans un autre). Aujourd’hui, le mot nigger, dans la comptine, est remplacé pour la rime par soldier (pourvu que l'armée s'en accommode!) et tout le monde se doute bien que cela n'est pas sans rapport avec le mouvement BLM (Black Lifes Matter) ravivé par la nouvelle et ébahissante affaire Jacob Blake. Sept balles dans le dos en se penchant pour entrer dans sa voiture, pas une de moins. La défense du policier ? Il allait s'emparer d'un couteau, ou du moins on l'a cru, ou du moins on l'a pensé, ou du moins on l'a imaginé. Alors, une balle dans le thorax s'il se retourne et tente de frapper le policier, c'est de la légitime défense. Mais même pas s'il menace le policier... Sept balles ! Et même pas en rafale... Sept fois une balle! Sept fois une balle dans le dos !

Même les condamnés à mort par fusillade regardent le peloton d'exécution.

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