Allons, Enfants de la Patrie et de la Paix ...

Confidences du chauffeur du Ministre

Par | Penseur libre |
le
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Lecture 2 min.

... Je l'ai trouvé en pleurs, mon patron le ministre des Questions Tactiques et Statistiques. Mon patron est en pleurs parce qu'il a reçu de Beni, sur son WhatsApp, des images qui donnent le vertige. Images hors-statistiques. Celles d'une part des têtes tranchées des enfants et jetées au hasard des poubelles à Rwagomi; celles d'autre part des réactions massives des enfants âgés à peine de 10 ans à Beni. En plein sit-in devant la mairie, en train de clamer et de réclamer la paix. Encore la paix. Toujours la paix. Yélélé!

Enfants de 10 ans, c'est-à-dire mon enfant, ton enfant, nos enfants. Ces enfants sont là depuis 24 heures, pour attendre à tout prix la solution urgente à la paix de la part de la hiérarchie et de la Monusco. La paix maintenant. La paix encore. La paix toujours. Yélélé!
... Et voici que soudain la grêle, la tornade, le vent s'abattent sur eux, sur nos enfants de 10 ans. Ils résistent, ces enfants de 10 ans en sit-in de la paix. Ils résilientent. Ces enfants disent dans les interviews de la vidéo du ministre: « Que valent les tornades, les assauts de la tempête face à la paix? La paix maintenant. La paix encore. La paix toujours. Yélélé! »

Mon patron le ministre est sans voix. Parce qu'il croit reconnaître à travers la vidéo, dans la foule turbulente et déterminée des élèves, la silhouette d'une de ses filles de 10 ans. Non, illusion d'optique : sa fille de 10 ans est à Kin à l'extrémité ; elle, elle est peinarde, à l'école VIP du quartier VIP, à l'abri de la tornade et des silences troubles. Silences troubles et VIP. Silences des parents dépassés, saturés de désespérances. Silences du ministre. Ministre des Questions Tactiques et Statistiques. Mais sans tactique. Sans statistique...
... Ce que je raconte là (moi-même en pleurs), c'est le garde du corps qui l'a raconté à la bonne, qui l'a raconté au lavandier, qui l'a raconté à la secrétaire. Entre deux sanglots, la secrétaire m'a livré à moi, le chauffeur, une version des faits encore plus pathétique : les mamans des enfants en sit-in, habillées en toiles de jute et de sacs blancs-de-paix, ont rejoint les enfants-élèves en bleu-de-ciel et blanc-de-paix. Mères et enfants en pleine "nuit blanche ", en plein air, à même la boue... Et le lendemain mères et enfants ont été suivis par les papas, des hommes en âge avancé, mais complètement nus, comme en tenue de combat. Combat de la paix. La paix maintenant. La paix encore. La paix toujours. Yélélé!
 

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