De bien vieilles révolutions

Emois et moi

Par | Journaliste |
le

Un extrait de la vidéo tournée durant le débat

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Lecture 3 min.

Faute de parti communiste, il n'y aura en Belgique aucune commémoration des révolutions qui aboutirent en 1917 en deux étapes à la prise du pouvoir par les Bolchéviks en Russie. Lénine, mort finalement peu après la prise de pouvoir, risque même, un jour où l'autre, de se voir proposer une autre tombe que celle de la place Rouge où il somnole, indifférent, aux foules qui défilent (j'en fus, voici trente ans déjà) et défiant, grâce à la science moderne, la dégradation entropique qui est celle du commun des mortels et que seul Hô Chi Minh, à Hanoi, tente de concurrencer (j'y fus aussi, il y a dix ans, l'immortalité peut bien supporter quelques dizaines d'années). Mais en Russie?

Tel était le thème d'un récent débat organisé à "l'Architecte" et où deux spécialistes de l'ex-empire soviétique, l'un par intérêt, Jean-Marie Chauvier (le Monde diplomatique), l'autre par origine, Nina Bachkatov (www.russia-eurasia.eu), observèrent combien cette double révolution fut paradoxale et comment ses effets pèsent encore sur le monde aujourd'hui, même si l'on sait évidemment que l'Empire s'est disloqué tout seul voici presque trente ans déjà. C'est qu'on peut reconnaître les erreurs du passé mais pas au péril de l'unité russe (encore faudrait-il qu'elle existe, ai-je pensé en entendant cette phrase). Ce centenaire, en quelque sorte, peut être évoqué, malgré le risque que cela suppose: cela a déjà été fait à plusieurs reprises, dont la plus forte durant les années Gorbachev, sous la perestroïka. L'éternel président russe actuel, Vladimir Poutine, a eu cette phrase qui résume le dilemne: "Ceux qui ne regrettent rien dans la période communiste n'ont pas de coeur et ceux qui veulent y retourner n'ont pas de tête". Née dans un pays tardivement et peu industrialisé et n'entraînant aucun effet domino, à l'opposé de ce que Karl Marx avait prédit (mais Marx est surtout un bourgeois socialisant du XIXème siècle et n'a jamais eu aucun pouvoir), la révolution d'Octobre a donné à la Russie dite éternelle l'idée qu'elle pouvait faire émerger des modèles politiques originaux et qu'elle était et resterait capable de vivre des moments glorieux (comme la conquête de l'espace). Le 7 novembre, il y a toujours un défilé militaire à Moscou, cependant, mais il ne commémore pas la prise du pouvoir par les Bolchéviks; il commémore... le défilé du 7 novembre 1941, quand l'URSS, attaquée par Hitler, entra en guerre du bon côté.

Je termine par deux petites réflexions personnelles: l'astuce a déjà été utilisée antérieurement sous la IIIème République, en France. Que commémore-t-on, le 14 juillet? La prise de la Bastille? Erreur: la fête de la Fédération, qui eut lieu le 14 juillet 1790 et qui constitue dans l'Histoire de France un moment un peu particulier d'unanimisme. Et le décalage entre la date réelle, le 7 novembre, et la dénomination de révolution d'Octobre, décalage dû au calendrier grégorien qui était encore d'application à l'époque en Russie et qui reste d'application dans la rituélique orthodoxe, apparaît comme un curieux symbole de distorsion entre la puissance du rêve et la dureté de la réalité.

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Merci, une nouvelle fois, aux Presses universitaires de Bruxelles, qui organisaient avec nous cette soirée qui s'est close par un banquet russe dans cet endroit en passe de devenir emblématique d'une certaine façon de concevoir la vie culturelle et le contenu de l'assiette. L'homme ne se nourrit certes pas que de pain, mais tant qu'à faire, si le pain est bon...

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