Dominiq Fournal Maître de la Lumière

Chroniques

Par | Penseur libre |
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Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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« Je ne comprenais pas les dessins qui ne représentaient pas ni un paysage, ni un visage, ni même un bâtiment. J’en avais déduit que lorsque je ne comprenais pas ce devait être de l’art moderne. »1

Pierre, le jeune héros de Daniel Adam se retrouve, presque par hasard, dans une galerie d’art. Il ne comprend pas ce qu’il voit, nourri qu’il est de son héritage culturel, face à des objets que jamais sa mère n’aurait mis dans la vitrine de la salle à manger.

Votre serviteur ne comprenait non plus pas grand-chose à l’art moderne, mais faut-il comprendre ? Depuis quelque temps, il n’est jamais trop tard, j’ai fait mienne fort heureusement l’idée que l’art contemporain – soyons juste dans notre vocabulaire – ne s’adressait pas nécessairement à la pensée, mais peut être et avant tout à l’émotion. Même s’il peut venir la compréhension d’une intention… ou pas. Ce n’est pas forcément nécessaire.

Bien m’en a pris d’entrer il y a quelques jours dans la Galerie de Marie-Ange Boucher pour découvrir les plus récentes peintures de Dominiq Fournal. Ce qui nous atteint d’amblée, c’est la lumière et ce qui la compose: les couleurs. C’est beau, juste beau. Ce beau nécessaire à notre humeur, à notre bonheur dans un monde de heurts et de trop de malheurs.

Je connais le bonhomme (lisez le mot en ce qu’il est double !), et sa peinture est tout empreinte de sa personnalité. L’œuvre ici avec plaisir ne se départit pas de l’auteur. Il émane de lui, quand il vous parle, une générosité qui vous rend tout à la fois plus intelligent et plus heureux. Comme ses œuvres.

Modeste aussi. « Ce qui provoque la création ? La matière, c’est la peinture qui donne la direction de ce que sera l’œuvre ». Oui mais tout de même cher Dominiq, le sens des couleurs, l’harmonie, c’est tout de même aussi le peintre, non ? Car il faut, de la peinture répandue, à l’horizontale, voir émerger cette lumière dont on parle tant à propos de ton travail, et puis cette transparence et la profondeur dans lesquelles se perdent nos yeux et notre esprit.


Photo © Jean-Frédéric Hanssens

Dominiq travaille selon les formats sur le bois, ou encore sur des toiles en lin. Qu’importe le support, le format. L’intention s’avère constante.

La création peut-elle être absente de sens ou bien est-elle toujours signifiante ? Nombreux sont, sur le sujet, ceux qui ont produit une glose abondante. N’en rajoutons pas. Dominiq lui recherche un monde de beauté, « dans lequel l’homme n’a pas encore laissé de trace ». Oserais-je dire que notre regard en rend l’idée même impossible. L’œuvre n’existe que parce que nous la contemplons. Fort heureusement notre regard ne la pervertit pas nécessairement.

C’est donc la nature dans sa trace originelle qui guide le geste et imprime le support. L’Afrique est-elle le berceau de ce chemin ? Né à Boma au Congo, il y passe ses primes années. L’enfant, l’homme en est définitivement marqué. La Tanzanie et la mythique Zanzibar qu’il visite régulièrement guident l’inspiration. L’Afrique est rouge, l’Afrique est verte, l’Afrique est bleue et jaune. Dominiq peint la mangrove, les grands lacs, l’océan et puis tant de choses qui lui appartiennent, guidé aussi par des créateurs inspirants (Conrad, Dürer…) ou encore les figures de la mythologie.

Lors d’une rencontre récente, Dominiq donnait ce conseil à une élève, de l’Académie des Beaux-Arts de Wavre. « Il faut peindre comme aujourd’hui. Et pas comme on le faisait jadis ». Son chemin d’artiste l’aura donc conduit rapidement vers l’abstraction sans oublier le réel. Comme l’écrivait Danièle Gillemon dans le superbe catalogue qui lui était consacré en 20082 « il est impossible … qu’à la source des tableaux si totalement solaires de Fournal (même quand les tons sont ombreux ou froids) il n’y ait pas cette mémoire immédiate et lointaine du monde, formidable fracas mué en silence… ».
Bernard Dutrieux

1 Daniel Adam, Où dans le ciel, Editions du Cerisier (Cuesmes, Mons)

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2 "Looking for Water - Biographie de l'œuvre",


L’exposition Peintures de Dominiq Fournal se tient à la Galerie Marie-Ange Boucher, avenue du Grand Forestier, 5 à Watermael-Boitsfort.
Jours et heures d’ouverture les vendredis, samedis et dimanches de 13H00 à 18H30, jusqu’au 23 octobre.

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