Le lien

Cinq ans déjà que Maman est décédée. Nous avons éparpillé ses cendres dans un parc qu’elle aimait mais j’y pense tous les jours. Cà me titille de ne pas savoir ce qu’elle fait et ce qu’elle devient ce et les mille choses que j’ai à lui dire et que je ne lui ai jamais dites me torturent. Aujourd’hui, j’ai pris la décision de lui téléphoner sur son poste à la maison pour soulager ma conscience en m’excusant. Le téléphone sonne une fois, deux fois, trois fois : « Allo ! ». Je reconnais sa voix haut perchée.

C’est toi Henri ? Terrifié, je raccroche précipitamment. Oui, c’est moi Henri, le fils qui n’a pas pris souvent de ses nouvelles et qui n’est pas souvent allé la voir, la laissant à sa solitude. Oui c’est moi Henri, le fils indigne.

Surpris et effrayé j’ai raccroché trop vite sans prendre le temps de m’excuser. La ligne est coupée et je reste seul avec les remords qui me rongent. Heureusement , il me reste encore une chance. Le parc ! Je m’assieds sur le banc où nous avons éparpillé ses cendres. Pas besoin de la reconstituer en faisant un puzzle infini. Elle est là et m’écoute. Je lui parle de mes regrets et elle tend l’oreille attentivement. Toutes mes excuses ne sont pas bonnes mais elle écoute ce que j’ai à dire sans m’interrompre. Les flâneurs observent avec curiosité cet étrange bonhomme qui parle tout seul. En quittant le parc, je me sens plus léger parce que je lui ai dit ce que j’avais sur le cœur. Ce fut une erreur car, depuis que je me suis soulagé de mes regrets, dans le parc, sur le banc, plus personne ne m’écoute et le téléphone sonne dans le vide.