Molenbeek fête La Rue

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Au centre : Guido Vanderhulst, fondateur de la Fonderie, applaudit la fanfare qui ouvrait les festivités des 40 ans de La Rue. Photos © Gabrielle Lefèvre

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Molenbeek vert, plein d’humour et de musique, avec des tas de gens bienveillants, solidaires, préoccupés du mieux vivre et du mieux loger et étudier dans la commune… Voilà une autre image trop rarement donnée de cette commune à la densité de population aussi importante que sa mixité. Voici une petite découverte de ce  kaléidoscope sociologique, culturel et politique à l’occasion du quarantième anniversaire de l’ASBL La Rue, à la Fonderie rue Ransfort. La Fonderie est, par ailleurs, un lieu mythique car on y retrace l’histoire ouvrière de Bruxelles  dans le site d’une ancienne fonderie. Une œuvre remarquable réalisée par Guido Vanderhulst, qui est aussi à la base du café La Rue, lieu de rencontre où la parole peut se libérer.

Devant un large public, un petit film retrace ces 40 ans de partages d’’expériences, de questionnements, d’actions avec les citoyens. L’avenir du pouvoir local sera la cogestion avec les habitants, car ces habitants sont porteurs de savoir, d’enthousiasme. Ils veulent se prendre en main malgré la précarité, le chômage, les loyers trop chers, les bâtiments qui se dégradent… Ces habitants font pousser des tournesols sur les balcons des immeubles désespérément gris,  ils fleurissent les façades, ils organisent de ateliers avec les enfants, ils peignent, avec eux, les murs abandonnés. Le film retrace ces écoles de devoirs où des bénévoles réveillent les talents des enfants, ces cours d’alpha pour les mamans si fortes, si courageuses. On expose le problème de ces logements comme le building Brunfaut, insalubre dont on promet sans cesse la rénovation qui aurait été décidée en 2014 et depuis, toujours rien.

L’association accompagne les habitants qui veulent rénover, qui veulent bénéficier d’une éco construction, qui veulent qu’on leur rende leur dignité.

Le nouveau pouvoir communal qui se met en place à Molenbeek aura du travail ! Les défis sont importants : il y a encore trop de logements anciens, taudisés, exigus : la densité de population est quatre fois plus grande que la moyenne bruxelloise, l’espérance de vie des habitants est plus courte et le taux de mortalité supérieur de 30 à 35%  à la moyenne. Mais le moindre espace qui se libère entre les maisons est une aubaine pour la création d’un jardin urbain, d’un potager collectif. Ainsi, s’illumine de vert et de fleurs la rue Fin qui donne sur la rue Ransfort. A deux pas de la place communale. Les habitants, les enfants peuvent se ressourcer auprès de ces parcelles de nature en ville. Et consommer les légumes, les herbes parfumées qu’ils ont ainsi produits.

Un défi aussi : celui de la « gentryfication » venue du quartier Dansaert, la venue d’une classe moyenne supérieure qui pourrait entrer en conflit avec les populations plus pauvres. La solution est pourtant simple : il y aurait élévation du niveau de vie des habitants avec un meilleur enseignement scolaire et l’accession des jeunes à des emplois.

L’autre défi est l’instrumentalisation des actions des associations en vue d’une pacification sociale et non d’une transformation vers plus de bien être social. Ainsi, les écoles de devoirs, merveilleux soutien, aux enfants, peuvent masquer une réticence des pouvoirs publics à changer l’école. On ne s’attaque plus aux sources des problèmes et on favorise des corrections sur les conséquences.

L’enjeu du travail, associatif est de se mettre en réseau, de créer une transversalité et une coordination d’actions afin, aussi, de faire pression sur le politique. A ce point de vue, le combat pour un logement digne est essentiel car il fédère non seulement les associations mais aussi les habitants et il permet une transmission des expériences, une mémoire collective. Car, créer un rapport de force avec les pouvoirs publics n’est possible que grâce à la coalition entre habitants et associations. Et la transmission des expériences pallie la rotation relativement importante d’habitants vers d’autres quartiers et le fait que nombreux sont ceux qui ne votent pas et donc ne pèsent pas sur la gestion politique de la commune.

L’enjeu est de taille car le monde associatif se plaint d’être de plus en plus paralysé par les exigences des pouvoirs subsidiant qui entendent bien définir eux-mêmes ce qu’est l’intérêt général et ne plus vraiment écouter ce qui remonte des associations, donc des habitants, vers eux. Les projets doivent être incarnés dans les associations car elles œuvrent véritablement sur le terrain. Les habitants possèdent leur propre expertise. Et celle-ci n’est pas assez entendue par les mandataires publics.

Voilà le message fondamental qui ressortait d’un débat passionnant.

Il y a quarante ans, les comités de quartier se mobilisaient pour un renouveau urbain et politique au service des habitants face à un urbanisme dévastateur conçu par des grands promoteurs immobiliers et les lobbies des voitures et du béton. Ils ont ainsi obtenu des plans de secteur et des commissions de concertation avec les habitants. Une belle victoire qui n’est pas achevée. La concertation avec les pouvoirs publics doit reprendre force afin de lutter contre les inégalités, la pauvreté et renforcer les moyens des écoles, la création d’emplois et la préservation de la nature dans la ville. Molenbeek est plus qu’un laboratoire, c’est un exemple de dynamisme, celui de La Rue.

  • Le débat avait pour thème : « Quelle pertinence d’action pour les associations citoyennes dans les quartiers populaires multiculturels d’aujourd’hui ? » Y participaient : Hugues Esteveny, coordinateur général sociopolitique de Lire & Ecrire Bruxelles ; Moritz Lennert, géographe, chercheur à l’Igeat à l’ULB et administrateur de La Rue ; Fred Mawet, secrétaire générale du mouvement Changement pour l’Egalité (CGé), Hamel Puissant, formateur du Centre Bruxellois d’Action Interculturelle ; Christian Van Cutsem, réalisateur du courtmétrage « La Rue, 40 ans d’action AVEC les habitants ». Infos : www.larueasbl.be
  • Voir aussi : www.lafonderie.be
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Le jardin potager collectif, rue Fin à Molenbeek : poétique et utile.

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