Mort d'un symbole

Emois et moi

Par | Journaliste |
le

Robert Badinter lors d'une manifestation contre la peine de mort le 3 février 2007 Photo Denis /Creative Commons /Wikipedia

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Lecture 2 min.

On dit souvent aux journalistes: "Comme vous devez rencontrer des gens intéressants!" et ce n'est pas entièrement faux, même si la plupart du temps, la part de routine du métier encombre ces moments privilégiés et même si parmi les personnalités éminentes ou non que l'on rencontre dans une carrière, il peut y avoir des déceptions. Eh bien, de toutes les interviews que j'ai pu faire, de toutes ces rencontres, de toutes ces personnes, celle qui m'a le plus impressionné, c'est bien Robert Badinter. À la certitude d'avoir un monument au téléphone puis devant moi et enfin longuement à table se joignait certes une admiration pour l'avocat et le garde des sceaux, pour la plaidoirie en faveur de Patrick Henry, pour le livre terrible qui relatait l'exécution de Roger Bontems et pour l'abolition de la peine de mort mais encore autre chose. Les circonstances étaient professionnellement différentes: en face de lui, ce n'était plus le chroniqueur judiciaire, c'était l'historien qui primait et j'interviewais l'auteur d'un livre sur l'émancipation des juifs au moment de la Révolution de 1789, "Libres et égaux". C'était au moment du bicentenaire de 1989 et j'étais chargé, avec deux collègues, des pages spéciales que le Soir consacrait à l'histoire de la Révolution.

Jamais dans ma vie je n'avais croisé un être qui spontanément impressionnait plus que lui et jamais plus par la suite je n'éprouvai autant ce sentiment. L'homme était sérieux, tiré à quatre épingles, soucieux du choix des mots, précis, clair - une autorité naturelle et courtoise, sans condescendance, avec cette simplicité qui oblige plus que les effets ou l'épate. C'était un grand bourgeois, de toute évidence, un grand intellectuel, un grand humaniste, mais aussi un homme d'action, un homme de gauche et qui déjà alors était une conscience appréciée bien au-delà de son camp, tant il est vrai qu'à peine quelques années après l'abolition de la peine de mort, la mesure au départ impopulaire avait été comprise et acceptée - et élargie aussi ´sous son impulsion comme une condition de l'appartenance à l'Union européenne.

Une longue vie féconde s'est terminée mais il arrive qu'une vie fasse avancer l'humanité dans le bon sens.

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