Nicaragua : procès iniques contre les opposants

Les indignés

Par | Journaliste |
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Hugo Torres, 73 ans, est décédé le 11 février 2022 après 244 jours de séquestration. Commandant guérillero sandiniste durant la lutte contre la dictature somoziste, général dans l'Armée Populaire Sandiniste après la chute de Somoza, cofondateur en 1995 du parti sandiniste dissident MRS, Hugo a été arrêté sur l'ordre des dictateurs Ortega et Murillo le 13 juin 2021. Photo © SOS Nicaragua – Belgica.

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Une nouvelle vague de procès contre des opposants au régime Ortega-Murillo a commencé le 1er février. Des procès où les droits de la défense sont systématiquement bafoués *.

Au total, près d’une cinquantaine d'opposants ou personnes critiques du régime  (dont 7 pré-candidats de l'opposition à l'élection présidentielle du 7 novembre, 2 journalistes, 7 sandinistes dissidents, une avocate d'une association de défense des droits humains, deux leaders étudiants, 3 leaders paysans, le directeur du principal organe de presse  indépendant, un ex-ambassadeur du Nicaragua auprès de l’ONU, ...), arrêtés entre le 29 mai et le 22 novembre (et détenus dans des conditions inhumaines), ont été (ou vont être) condamnés dans un pays où le Parquet et les juges sont totalement subordonnés au couple Ortega-Murillo.

Tant l’instruction que les procès ont été menés exclusivement à charge. Et il n’y a que des naïfs qui peuvent croire que les accusés d’un procès ortéguiste pourraient être déclarés non coupables : ces procès n’ont pas pour but de déterminer si les accusé(e)s sont coupables ou pas ; leur seule fonction est de déclarer officiellement la culpabilité des accusés (en donnant un semblant de légalité) et de fixer les peines, conformément aux ordres donnés par le couple Ortega-Murillo.

Ainsi, le 3 février, Dora María Téllez, l’ex-commandante guérillera et ex-ministre de la Santé dans le gouvernement sandiniste des années '80, a été déclarée coupable du délit d’opposition (« atteinte à l’intégrité nationale » ** dans le jargon du régime), de même que le leader étudiant Lesther Alemán.  Quelques jours plus tard, Dora María Téllez a été condamnée à 8 années d’emprisonnement, Lesther Alemán à 13 années de prison.

Le 4 février, verdict de culpabilité pour Miguel Mora, journaliste et pré-candidat de l’opposition à l’élection présidentielle. Sentence :13 années de prison. Même peine pour Yaser Vado, responsable de l’organisation des jeunes du parti sandiniste dissident UNAMOS.

Les procès se succèdent avec toujours le même verdict de culpabilité à l’encontre de personnes arrêtées non parce qu’elles auraient commis un délit mais pour les opinions qu’elles ont manifestées. Preuve en est que les "preuves du délit" présentées par l’accusation consistent exclusivement en extraits d'interview, messages sur Facebook, .... qui ne prouvent qu'une seule chose : ces personnes sont des opposant(e)s.

L’un de ces prisonniers ne sera pas « jugé » : Hugo Torres, ex-commandant guérillero et ex-général de l’Armée Populaire Sandiniste, est décédé le 11 février après 244 jours de séquestration.  Comme les autres opposants séquestrés dans le sinistre centre de détention et d’interrogatoires, Hugo, 73 ans, a été soumis à des conditions de détention inhumaines : en isolement complet pendant des mois, une ampoule allumée 24 heures sur 24 dans sa cellule, un « lit » consistant en un fin matelas posé sur du béton, pas de draps ni couvertures, une nourriture insuffisante et de piètre qualité, pas d’assistance médicale digne de ce nom, …  Début décembre, son état de santé s’est gravement dégradé, Le 17 décembre, il est finalement extrait de son cachot et transféré, inconscient, à l’hôpital de la Police Nationale.

Francis Toussaint

Membre de SOS Nicaragua – Bélgica

Pour en savoir plus : https://www.facebook.com/nicaraguabelgica


(*) Ainsi, depuis leur arrestation (le 13 juin pour Dora, le 5 juillet pour Lesther), ni Dora María Téllez ni Lesther Alemán n’ont pu n’ont pu prendre connaissance de l’acte d’accusation ni rencontrer leur avocat. Le jour du procès, l’ex-commandante guérillera n’a pu s’entretenir avec son avocat que durant quelques minutes avant le début de la séance, le leader étudiant, pas du tout.  

Durant son procès, Dora n’a pu prendre la parole que durant un bref instant **; quant à Lesther, à peine commençait-il à parler que l’on lui intimait l’ordre de se taire.  Leurs avocats, à peine ont-ils pu intervenir, notamment pour questionner les « témoins » : à chaque fois, ils ont été coupés grossièrement par le procureur ou le/la « juge ». Et « rappelés à l’ordre » quand ils tentaient de communiquer avec les accusés.

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(**) comme dans la plupart des dictatures, tout qui s’oppose au régime, en parole ou par écrit, est souvent accusé de « conspiration contre le pays », de « menées antinationales », … Accusée comme la plupart de ses codétenus, d’avoir demandé des « sanctions nord-américaines et européennes contre le Nicaragua », Dora María Téllez a répondu : « J’ai demandé des sanctions individuelles, pas contre l’Etat du Nicaragua. Il ne faut pas confondre l’Etat du Nicaragua avec des personnes. Daniel Ortega n’est pas le Nicaragua. Rosario Murillo n’est pas le Nicaragua. Le Nicaragua n’est pas une monarchie, le Nicaragua est une république ».

NB : toutes les sanctions européennes et nord-américaines visent des personnalités ou des institutions du régime (gel de leurs avoirs éventuellement détenus aux Etats-Unis ou dans un pays de l’Union Européenne), aucune ne vise le Nicaragua en tant que tel contrairement à ce que prétend la mafia Ortega-Murillo, un mensonge relayé par des représentants de la gauche stalinienne européenne, tels les eurodéputés Manu Pineda (parti communiste espagnol) et Marc Botenga (PTB, Belgique).

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