Une opposition bruyante

Depuis le début du conflit en Ukraine, il est euphémique de dire qu’en Russie, l’opposition a été muselée et que les penchants totalitaires du régime, déjà patents auparavant, se sont exacerbés. Il est toutefois étrange de remarquer que la seule personne qui mitraille de critiques la façon dont la guerre est menée s’appelle Evgueni Prigojine, à la tête de la troupe Wagner. Les opinions publiques occidentales, qui cherchent presque frénétiquement des raisons d’espérer un effondrement de l’armée russe, laquelle en effet recule plus qu’elle avance, à Bakhmout comme partout, prennent au premier degré les plaintes spectaculaires de l’oligarque, menaçant de retirer ses mercenaires, accusant l’état-major russe d’incompétence et pestant contre l’insuffisance qualitative et quantitative des munitions et de l’armement livrés.

Pourquoi ce traitement de faveur ? On peut supposer que sans la milice Wagner, en effet, le front risquerait d’être enfoncé par l’armée ukrainienne, très motivée et bien armée. Mais il y a d’autres explications. Poutine peut vouloir se faire passer pour une bien paradoxale colombe, ou l’inverse, en mettant son armée, où les faucons pullulent, sous pression. Prigojine peut aussi tout simplement viser le pouvoir.

Quoi qu’il en soit, le surarmement et les discours guerriers ne peuvent cacher une source d’inquiétude: acculé de toutes parts, quelle réaction aura Vladimir Poutine? Plus le temps passe et plus les deux parties, l’agressée et l’agresseur, s’engagent dans une fuite en avant en espérant la destruction de l’autre. L’enjeu est de plus en plus lourd et à enjeu lourd, armes lourdes…