Anatole France : Sur l’antisémitisme

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Anatole France, au début de sa carrière. Photo © Wilhelm Benque. Tucker Collection — New York Public Library Archives. Domaine public.

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Nous sommes en 1904, l’affaire Dreyfus enflamme toute la France et même les pays voisins. La haine antisémite explose. L’écrivain Anatole France n’est pas encore prix Nobel de littérature mais il est déjà une « conscience » dénonçant par exemple le génocide arménien et soutenant Emile Zola. Il participe à la fondation de la Ligue des droits de l’Homme et forge les termes de xénophobe et de trublion. Il devient ami de Jaurès, s’engage pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, pour les droits syndicaux, dénonce la « barbarie coloniale ». Au début de la première guerre mondiale il écrit cette phrase restée célèbre (et qui s’applique bien aux événements du jour !) : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. »

Anatole France est aussi un grand intellectuel très au fait de l’histoire. Décrivant l’antisémitisme, il se réfère à l’histoire des peuples romain, grec, français, arabes. Dans son texte « Sur l’antisémitisme », il commence par remarquer qu’être ennemi des fils de Sem est une absurdité puisque les peuples de langue sémite sont les Syriens, Assyriens, Phéniciens, Arabes et Juifs… L’antisémitisme contemporain devrait s’appeler antijudaïsme.

Questionnant le concept de race, il explique qu’il n’y a pas de « race juive » car il n’y a pas de « race » dans une même humanité dont les racines sont inconnues et de toute façon, aucune n’est plus noble qu’une autre. Par contre, il explique qu’un héritage spirituel peut créer le « mirage de la « race », que l’antisémitisme économique prospère par jalousie envers des riches supposés alors que la majorité de la population juive est aussi modeste que les autres Européens de diverses nationalités. Et puis, quelle est la différence entre le capital juif et le capital chrétien ? « Le peuple n’est pas antisémite, parce qu’il n’est pas religieux et parce qu’il ne préfère pas une partie des capitalistes aux autres. », écrit Anatole France.

Lire ce texte 118 ans après nous donne le sentiment d’une brûlante actualité avec la montée des expressions et des actes racistes, xénophobes, anti-Juifs actuels.

Ce texte est à méditer au moment où, au nom d’un « suprémacisme » juif, des Israéliens accusent d’antisémitisme toute critique politique des agissements des gouvernements israéliens. Exemple tout récent : « Depuis longtemps, Israël tente d'assimiler toute critique de sa politique à de l'antisémitisme. C’est un outil très utile dans un arsenal pour faire taire les gens. Beaucoup sont très sensibles à l’antisémitisme, qui est un vrai problème, reconnu par de nombreuses personnes. Mais leur « truc » est devenu de plus en plus transparent et excessif. Et de moins en moins efficace. D’une certaine manière, cela fait de gros dégâts dans la lutte contre l’antisémitisme. Cela détourne le problème qui vient plutôt de groupe de suprémacistes blancs, de skinheads et de néonazis. », explique Roy Yellin, de l’ONG israélienne de défense des droits humains B’Tselem (voir article : https://www.lesoir.be/416567/article/2022-01-06/emma-watson-accusee-dantisemitisme-cette-strategie-est-le-dernier-recours-du )

L’initiative d’Erik Rydberg de publier la pensée d’Anatole France vient donc à son heure.

De même que sa publication des « Ecrits polémiques » de Jan Myrdal, homme de lettre suédois « passé maître dans l’art du croche-pied socratique », ainsi que nous le dépeint Erik Rydberg. Chroniqueur d’inspiration marxiste, communiste mais sans parti, et qui, comme Anatole France, vivait parmi ses livres et cultivait un savoir critique, universaliste. S’extasiant devant une sculpture tantrique, il écrit : « Les idéologies s’atrophient et sombrent dans l’oubli ; Eros demeurera tant que le genre humain existera. »

Jan Myrdal parle lui aussi du racisme comme idéologie bien utile pour la classe régnante et d’expressions de haine antisémite où l’arabe a pris la place du juif… Voilà quelque pensées d’un esprit libre qui bouscule nos paresses intellectuelles.

G.L.

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- « Sur l’antisémitisme & l’université populaire ». Anatole France. Ed. LitPol. www.erikrydberg.net/litpol. Et “Ecrits polémiques”. Jan Myrdal. Ed. LitPol.

 

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