Vents tempétueux sur l’actualité

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 8 février

 Ce n’est qu’une élection régionale mais comme en Emilie-Romagne le mois dernier, elle est emblématique. Trois faits sur la Thuringe : 1. Le président libéral élu grâce à l’extrême droite est contraint de démissionner, la pression de la rue étant trop forte. 2. Un secrétaire d’État de son gouvernement avait félicité l’impétrant, se réjouissant d’avoir « rejeté les verts et les rouges ». Á peine rentrée d’Afrique du Sud à Berlin, Angela Merkel l’a congédié. 3. Les présidents des deux grands partis de la coalition, démocrates chrétiens et socialistes, se réunissent afin de qualifier une nouvelle fois la manœuvre d’ « impardonnable », et de réitérer leur volonté, quasiment sous la forme d’un serment, de ne jamais s’allier avec l’AfD à quelque niveau de pouvoir que ce soit. En Allemagne, on ne transige pas avec cette question-là, et pour cause. Mais la leçon de la Thuringe est valable pour les 27 de l’Union européenne : il est possible d’écarter l’éclosion de l’extrême-droite. Il s’agit d’abord de montrer à l’électeur que son suffrage en faveur de cette peste ne conduira jamais à rien.

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 Martin Luther, récupérant au profit de sa foi le développement technique : « L’imprimerie est l’ultime don de Dieu. Par son moyen, Dieu veut faire connaître la vraie religion à toute la terre et la répandre dans toutes les langues. C’es la dernière flamme qui luit avant l’extinction de ce monde. » Aujourd’hui, quel prêtre pour dire l’informatique, Dieu, et l’extinction du monde ?

Dimanche 9 février

 Dans le Nord de la Syrie, du côté d’Idleb, les troupes turques et celles de Bachar al-Assad se tapent dessus. Ces deux pays avaient pourtant scellé une amitié sous la bénédiction de Vladimir Poutine. C’était sans compter sur les démangeaisons d’Erdogan qui laisse depuis trop longtemps les doigts sur la gâchette. Il avait espéré se défouler en Libye. Il dut se calmer à contre cœur…

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 L’artiste est prophète (suite). En Thaïlande, un tueur fou a tiré dans la foule au hasard prenant des passants innocents pour cible. Il abattit 26 personnes et en blessa 40 avant de tomber lui-même sous les balles de la police. Ce type de fusillade propice à un comportement suicidaire se reproduit en moyenne une ou deux fois par mois, un peu partout dans le monde.

 « L’acte surréaliste le plus simple consiste, révolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule. Qui n’a pas eu, au moins une fois, envie d’en finir de la sorte avec le petit système d’avilissement et de crétinisation en vigueur a sa place toute marquée dans cette foule, ventre à hauteur de canon. La légitimation d’un tel acte n’est, à mon sens, nullement incompatible avec la croyance en cette lueur que le surréalisme cherche à déceler au fond de nous. J’ai seulement voulu faire rentrer ici le désespoir humain, en deçà duquel rien ne saurait justifier cette croyance. » (André Breton. Second Manifeste du Surréalisme, 1930)

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 Ciara est le nom d’un ensemble de vents violents qui ont causé de lourds dégâts dans les îles britanniques et qui déferlent dans le Nord de la France, en Belgique, en Hollande et sur toute l’Europe d’ouest en est. La nuit de dimanche à lundi sera balayée par le bruit des rafales. Un moment idéal pour lire ou relire « La Tempête » de Shakespeare. 

Lundi 10 février

 Les virus n’ont pas de frontières. Tandis que la Chine devrait enregistrer son millième mort cette semaine, malgré de colossales mesures préventives, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) informe que des centaines de personnes qui ne sont jamais allées en Chine ou qui n’ont jamais été en contact avec des Chinois (« Et moi, et moi et moi »…) sont contaminées. On en décèle sur tous les continents. Respectons dame Nature, ne la sacralisons pas : elle aussi peut se tromper.

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 Les Allemands l’affublaient déjà de trois initiales, AKK, lui conférant pour l’Histoire un surnom au demeurant pas très euphonique. Annegret Kramp a jeté l’éponge. La crise politique de Thuringe n’y est pas pour rien. Portée à la tête de la CDU par Angela Merkel, on la voyait en bonne disciple succéder à la chancelière. Il n’en sera rien. La porte serait ouverte pour Ursula von der Leyen si son idylle européenne tournait court.

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 Post-scriptum : 1. De plus en plus de milliardaires demandent d’être taxés davantage afin de contribuer plus grandement à la gestion de leur pays. 2. On estime qu’un écolier sur deux exercera dans douze ans un métier encore inconnu aujourd’hui.

Mardi 11 février

 « On a ouvert la porte du singe ! » C’est ainsi qu’il y a 30 ans de nombreux Afrikaners commentaient la sortie de prison de Nelson Mandela, qui avait supporté 27 ans d’incarcération. Contraint d’en venir à la lutte armée pour combattre l’apartheid, il avait été considéré comme terroriste et rejeté par les grands de ce monde (Margaret Thatcher, Première ministre britannique : « Quiconque pense que Mandela dirigera un jour l’Afrique du Sud n’a pas les pieds sur terre. ») Il devint une icône et reçut les successeurs de ces mêmes grands de ce monde en son domicile. C’était presqu’un devoir civique d’aller lui rendre hommage sur ses terres, dans ses meubles. Un exemple, une leçon de l’Histoire. Un exemple, une leçon pour l’Histoire. 

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 Donald Trump est un « envoyé de Dieu pour sauver l’Amérique ». C’est ainsi que les milieux évangéliques de Miami – très nombreux au demeurant – s’expriment dans des rassemblements méditatifs. Il ne faut pas en rire : c’est peut-être grâce à eux que le président sera réélu.

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 Un candidat lyonnais aux élections municipales a mentionné le soutien de Brigitte Macron dans un de ses tracts. Celle-ci fait part d’un démenti. Le Figaro informe : « Le cabinet de la première dame… » Et américanise un peu plus la République française. Car il faut (encore) rappeler que la Constitution de la Ve République ne reconnaît aucun rôle au conjoint de son président. A fortiori, le fait pour l’épouse du président de posséder un cabinet au sein du palais de l’Élysée est tout simplement illégal.

Mercredi 12 février

 Ouvrir la prêtrise aux hommes mariés. Longtemps on a pu penser que cette grande réforme serait l’œuvre historique du pape François. Beaucoup d’évêques le lui suggéraient. En Europe pour lutter contre la pédophilie ; en Afrique pour évangéliser davantage ; en Amérique du Sud parce que l’Église manque cruellement de serviteurs. Mais c’est précisément l’Amérique du Sud que François choisit pour exprimer son intransigeance sur le célibat. Des commentaires apparaissent déjà qui sous-entendent l’influence ou le pouvoir de Benoît XVI, pape-bis, sur son successeur. Telle qu’évolue la société, on peut considérer la fin du célibat des prêtres dans le clergé catholique comme inéluctable. Quand ? Á l’examen du parcours des vingt siècles qui précèdent, on ne peut que constater un temps d’évolution différent, ce qui est bien normal pour une Institution conservatrice. Donc (si l’on ose dire…) pas de prédiction. Simplement, on observait le profil de François comme celui d’un acteur primordial. Ce n’est pas le cas.     

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 Larousse est obligé de revoir certaines de ses définitions jugées sexistes. Maud, une féministe, en a repéré quelques-unes. Elle les a publiées sur les réseaux sociaux qui ont déclenché la servitude contraignante. Le temps où il sera question de modifier l’enseignement de l’histoire, ce temps-là est tout proche. 

Jeudi 13 février

 Il y a deux ou trois décennies, la rumeur avait couru, attribuant aux blondes de sottes attitudes. Et comme souvent dans ces cas-là, leur supposée niaiserie donna naissance à de multiples blagues et bons mots. Ainsi l’histoire de cette blonde qui, devant elle, sur le trottoir, distingue une fiente et se dit : « Aïe, je vais encore mettre le pied dedans ! » Ce comportement ridicule pourrait être à rapprocher de celui des plus hauts dirigeants du capitalisme mondial. Tous craignent en effet l’arrivée d’une crise qui risquerait de les ruiner sans qu’ils ne pensent, en la prévenant, à l’éviter. C’est ce que l’on a pu ressentir lors de leur grand raout annuel de Davos qui se tint du 21 au 24 janvier, et où de nombreux chefs d’État et de gouvernement, comme Donald Trump, avaient fait le déplacement. La crise est dans tous les esprits, mais elle est bizarrement perçue comme une fatalité. Le 18 décembre dernier, Klaus Schwab, l’éminent fondateur et organisateur de Davos, avait donné un entretien à quatre grands journaux européens (La Repubblica, La Tribune de Genève, Die Welt et Le Soir). On devait relire deux fois ses propos pour être sûrs de les avoir bien saisis. Ce célèbre économiste allemand, fort écouté malgré (ou grâce à) ses 81 ans, plaidait pour un capitalisme social afin de faire face aux excès du néolibéralisme. « C’est important d’avoir un but idéaliste afin de relever des défis précis » avançait-il. Et il ajoutait : « Il faut une réaction à la maximalisation extrême du profit et aux excès du néolibéralisme ». Voilà vingt jours que s’est achevé le sommet de Davos. Hormis les pages spécialisées des journaux, les médias n’ont pas disserté sur les conclusions des travaux. Un seul événement fut traité à grande échelle : la visite de Greta Thunberg.

Vendredi 14 février

 Á Munich, la fin de la semaine est marquée par la 56e édition de la Conférence sur la Sécurité, baptisée désormais « Davos de la Défense » par les observateurs. Une quarantaine de chefs d’État et une centaine de ministres analyseront la marche du monde et débattront des nouveaux déséquilibres ainsi que des émergences d’arbitres. Il ne faut pas être grand clerc pour constater qu’après le gendarme américain tout puissant, la Russie maîtrise bien certaines zones, que la Chine continue de marquer sa présence, notamment dans l’Afrique en querelles permanentes, et que la Turquie commence à jouer dans la cour des grands. Il ne faut pas être un observateur avisé pour constater que l’Europe est lamentablement absente du concert. Il n’y a donc pas lieu d’attendre dimanche pour tirer les conclusions : la construction d’une Défense européenne devient particulièrement indispensable. Macron l’exprime sur tous les tons et dans plusieurs langues. Ça ne se décidera pas dans la capitale de la Bavière (dommage, ce serait un beau clin d’œil de l’Histoire…) Espérons qu’un rendez-vous pas trop lointain aura été convenu avec ce projet-là comme ordre du jour.

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 En Afghanistan, il faut bien considérer les talibans comme fréquentables si l’on veut pacifier le pays. On prend donc langue avec eux afin - comme on dit – de se mettre autour de la table. Qui « on », le pouvoir civil démocratiquement élu ? Que nenni ! L’OTAN bien sûr, c’est-à-dire les Américains à la manœuvre. Et le président Ashraf Ghani sera prié de prendre acte des résolutions et de les appliquer nom de Dieu…

Samedi 15 février

 L’ancien maire de New York Michael Bloomberg observe les premières salves des primaires démocrates avec une condescendance amusée. Pendant que les candidats débattent, il laboure ailleurs, là où le nombre de mandats pèsera lourd dans la balance. Il sait y faire, vu son expérience. Il est très riche au point de ne réclamer aucun don : il finance lui-même sa campagne. Trump a compris que les choses sérieuses commenceraient avec Bloomberg. C’est dire…

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 Encore un avis de tempête. Il y a des soirées où l’on ferait mieux de rester chez soi, à la flambée, à lire un bon bouquin de Gabriel Matzneff.

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