Z. Mandela contre l’apartheid marocain

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Le président de la RASD M. Brahim Ghali, et M. Zwelivelile Mandela, de l’ANC, lors de la Conférence d’Alger sur le droit des peuples à la résistance. Photo © Gabrielle Lefèvre

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Il est grand, souriant, l’air débonnaire mais redoutable lorsqu’il dénonce les pratiques d’apartheid du gouvernement et du roi du Maroc à l’encontre des populations du Sahara occidental, dernière colonie d’Afrique. Zwelivelile Mandela, petit fils du grand Nelson Mandela, porte haut et fort l’héritage grand-paternel mais aussi les valeurs de l’African National Congres (ANC), le parti au pouvoir en Afrique du Sud.

Le poids de l’Afrique du Sud

Lors de la sixième Conférence internationale d’Alger consacrée au « droit des peuples à la résistance, le cas du peuple sahraoui », il rappela que « l'Algérie a permis à Mandela de suivre une formation militaire qui lui avait permis de diriger l'aile militaire de l’ANC », ajoutant que « grâce au soutien de l'Algérie, Madiba a créé un réseau regroupant tous les leaders de libération en Afrique pour faire face à l'Apartheid ». Les liens entre la nouvelle Afrique du Sud décolonisée et l’Algérie sont anciens et étroits depuis qu’Abdelaziz Bouteflika (actuel président) a exclu le régime de l`apartheid sud-africain des travaux de la 29e session de l'Assemblée générale de l'ONU qu'il présidait en 1974. Nelson Mandela en avait gardé une profonde reconnaissance et avait décidé, dès sa libération en 1990, d'effectuer une visite en Algérie.

Le FLN et l’ANC ont tous deux combattu une colonisation et sont tous deux au pouvoir actuellement dans leurs pays respectifs. Et si l’Algérie se prépare à une nouvelle présidence, l’Afrique du Sud vient de voir élu à sa tête Cyril Ramaphosa, dauphin de Nelson Mandela car syndicaliste actif et militant anti-apartheid courageux. Il avait dirigé la rédaction de la nouvelle constitution sud-africaine et aspirait à la présidence, mais l’ANC a préféré désigner Thabo Mbeki comme successeur à Mandela. Cyril Ramaphosa s’est donc lancé dans les affaires et a amassé une belle fortune avant d’évincer le président Zuma, très controversé.

Cette présidence sud-africaine consacre la position de ce pays comme puissance économique et politique forte du continent africain.  L’Algérie quant à elle, a toujours soutenu le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et a soutenu la plupart des mouvements de libération des peuples. Le cas du Sahara Occidental, occupé par le Maroc, est ainsi devenu un enjeu majeur de la gouvernance de l’Union africaine (UA), exercée actuellement par Paul Kagame, président du Rwanda. Ce dernier entend bien renforcer l’union entre les pays africains tout en luttant contre les corruptions, les lenteurs et blocages de l’UA. Pour l’instant, nombreux sont les pays africains qui ont reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD) comme Etat indépendant, à la grande fureur du Maroc qui entend bien continuer à tirer un maximum de profits de sa colonisation pourtant reconnue comme contraire au droit international par les Nations Unies.

« Il faut que les Etats africains soient unis contre le Maroc de l’apartheid, contre le mur, contre le lobby international pillant les ressources du S.O.. Il faut mettre fin aux violations des droits humains dans les territoires occupés et organiser une aide humanitaire accrue dans les camps de réfugiés sahraouis », clamait Z. Mandela lors du congrès d’Alger.

La force du droit

 Rappelons que la Cour de Justice de l’Union européenne a récemment démontré l’illégalité des accords de pêche entre l’Union européenne et le Maroc exploitant les ressources halieutiques du Sahara Occidental. (1) Des actions judiciaires continuent à être menées contre ces exploitations économiques illégales des ressources d’un peuple colonisé. Ainsi, un cargo transportant du phosphate extrait du territoire du Sahara Occidental par une entreprise marocaine pour le compte du Royaume a été bloqué à Cape Town par une décision judiciaire sud-africaine. Ce phosphate doit être vendu pour le compte du Front Polisario, reconnu représentant légitime du S.O.

Un exemple intéressant pour d’autres populations exploitées et en premier, pour les Palestiniens occupés et subissant un régime encore plus dur que celui de l’apartheid d’Afrique du Sud.

Le combat juridique mené par l’avocat français Maître Gilles Devers porte donc déjà ses fruits. Mais il continue car, dit l’avocat « La justice jamais n’obtient l’indépendance d’un peuple. Mais elle donne des armes au politique. Juristes et politiques marchent ensemble ». Il souligne que face au Maroc, soutenu par la France et l’Espagne, « le peuple sahraoui prend un avocat et pas les armes ». Un nouveau recours sera donc introduit devant la Cour de Justice de l’UE  car la Commission européenne tente de contourner l’arrêt sur l’accord de pêche en favorisant la pêche en eaux sahraouies à des bateaux usines qui vont siphonner les richesses halieutiques. Or, pendant ce temps, le Maroc durcit sa colonisation, emprisonne les résistants et même des femmes et des enfants, soumet des prisonniers à la torture, les sépare de leurs familles, empêche leur défense. Bref, commet des crimes que la Commission ne peut ignorer.

Recours aussi contre l’Espagne, ancienne puissance colonisatrice du Sahara Occidental mais qui refuse son statut de puissance administrante et donc les obligations qui en découlent, alors qu’elle l’exerce bien sur l’espace aérien du S.O.

L’avocat ajoute que ces recours contre ces pays et ces entreprises qui pratiquent de méthodes criminelles et mafieuses ne visent pas le peuple marocain qui souffre lui aussi des accords économiques : la révolte des populations délaissées du Rif en est la preuve. Contre l’Espagne et certaines entreprises complices, il prend d’abord contact avec des syndicats espagnols.

Parallèlement, le combat politique se poursuit, explique Pierre Galand, président de l’EUCOCO, le réseau des comités de soutien au peuple sahraoui. « Ce qui a été dit par la loi doit être traduit par les parlementaires afin d’appliquer le droit. » En conséquence, une grande rencontre de parlementaires européens aura lieu le 22 mai à Bruxelles. « Il faut décoloniser dans les esprits », souligne Pierre Galand, sortir du système du « droit du plus fort ». Il se joint aux critiques fortes émises contre la prédominance du Conseil de sécurité des Nations Unies qui, par la pratique du véto de quelques grandes puissances, empêche tout fonctionnement démocratique des N.U.

« La situation du Sahara Occidental est un enjeu majeur de la sécurité de toute la région, analyse Pierre Galand. Le Maroc favorise le trafic de drogue et les migrations illégales comme moyen de chantage vis-à-vis de l’Europe. Et la haute représentante de l’UE, Mme Federica Mogherini, plie devant ces pressions. Un espoir cependant : la pression des mouvements sociaux et citoyens sur les Etats qui exploitent cette situation d’oppression et le travail de l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations Unies, Horst Kohler, chargé d’organiser un référendum d’autodétermination libre et transparent, ce qui permettrait au peuple sahraoui de choisir enfin son destin.  

(1) http://entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/ceci-n%E2%80%99est-pas-du-poisson-marocain%E2%80%A6

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