La tentation totalitaire du gilet jaune

Poing de vue

Par | Journaliste |
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La contagion française touche Bruxelles et la Belgique. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Nous nous dirigeons peut-être vers un monde totalitaire. Quand on examine le phénomène dit des gilets jaunes, qui n'en finit pas d'accaparer les ronds-points et les commentaires (dont les nôtres), la question est pertinente. On a dit beaucoup là-dessus. Sur la désaffection populaire des milieux politiques ou syndicaux, sur l'écologie, sur l'acceptation de l'impôt, sur la mort du modèle actuel, sur le caractère protéiforme ou spontané du phénomène et sur bien d'autres choses. Peu, en réalité, sur l'aspect psychologique du gilet jaune.

Dans ma petite ville occitane, les personnes qui, sur la route principale, occupaient le rond-point face à l'inévitable zone commerciale, ressortaient clairement de la catégorie des braves gens qui ne feraient pas de mal à une mouche. Mais là comme partout (ne parlons pas des casseurs qui s'infiltrent), un curieux sentiment les habitait, une sorte d'ivresse du pouvoir que l'on prend et que l'on exerce. On connaît le principe: pour passer, il faut montrer patte blanche, ou plutôt gilet jaune posé sous le pare-brise et accompagner son passage d'un vaste coup de klaxon en guise de soutien. Que certains passent de la sorte parce qu'ils appuient sans réserve le mouvement, d'accord. Mais beaucoup, en réalité, se résignent aux apparences du soutien. Peu importe qu'ils soient vingt ou soixante pour cent à se conformer à cette exigence implicite, elle est dangereuse en soi, pas du tout parce que les revendications (discutables et confuses) des gilets jaunes menacent directement nos libertés individuelles, mais parce que cette soumission exigée est le préalable à n'importe quel totalitarisme. Les exemples dans l'histoire ne manquent pas. Le monde se dualise et très vite, celles et ceux qui ne sont pas pour nous sont contre nous, donc nos ennemis, donc dangereux. L'instinct de survie pousse à éviter de se trouver dans cette posture désagréable. Or il n'y a pas de petit pas acceptable sur cette pente périlleuse. On en observe déjà la suite dans la méfiance haineuse que ces gilets jaunes manifestent souvent vis-à-vis des journalistes, jusqu'à les menacer physiquement, comme cela s'est vu en France et en Belgique. C'est que les médias sont accusés de ne pas faire correctement leur boulot et de donner une image qui ne serait pas obligatoirement positive, sans réserve aucune, d'un mouvement qui pose beaucoup de questions, certaines bonnes, d'autres moins voire pas du tout. Quand on doit être d'une opinion, d'une seule sensibilité et d'un seul comportement, qu'il n'y a pas de choix possible, que le contrôle social majoritaire est contraignant, moralement et physiquement, on vit en dictature.

Il y en a qui en rêvent. Mais bien sûr, parmi les gilets jaunes, la plupart ne veulent pas ça. Ils veulent juste que le plein coûte moins cher comme en 1922, les Italiens voulaient que les trains partent à l'heure.

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