À La Madeleine, Maxime faisait équipe avec Jacques, qui était l'ami de son grand-père

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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A Jumet-Heigne, le groupe des mineurs entoure Jacques Stichelbaut. De dos, à droite, Achille saisit ce moment. Maxime veille sur Jacques. Photo © M.Leroy

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Le ciel était entre le gris et le bleu, retenait la pluie, épargnait encore pour un moment les marcheurs de la Madeleine, à Jumet. C'était sur les hauteurs de Heigne, le vieux quartier à la lisière de la ville et des bois et le long des rues. En cette fin de juillet, les gens assistaient au cortège, avec ces uniformes chamarrés évocateurs de lointains rêvés et de la gloire claire-obscure des mineurs et des verriers. En haut de la rue du Gouverneur, assis dans un fauteuil roulant, Jacques Stichelbaut attendait que passe la statue de Notre-Dame de Heigne, portée par des copains de toujours, d'hier et des jours d'après. Jacques était en habit de mineur. Casque, lampe, veste bleue, foulard. Et ces 84 ans qu'il ne paraît pas porter, lui qui aura travaillé comme employé social dans un charbonnage et est un musicien capable de passer du violon à l'harmonica en ricochant par la trompette. Parfois, quand il est en forme, Jacques souffle un air d'Italie en souvenir du temps où les puits saint Quentin et saint Louis et les autres étaient en activité, avec leurs drames et leurs exploits, créant le décor de cette soif de vivre dont il reste des traces, quand on gratte un peu la surface des choses. Tu vois, cette manière de dire bonjour à l'étranger qui passe et essaie de comprendre, de l'inviter à manger de la tarte au sucre dans une pièce de devant en buvant un café noir très chaud versé du gros thermos, comme chez Pierre, à côté d'ici.  Loin, très loin, de ces parages où, quand tu salues quelqu'un que tu ne connais pas, on te regarde en se demandant d'où il sort celui-là. Donc, Jacques, planté dans son fauteuil bien qu'il marche encore d'un bon pas, mais qui voulait s'épargner trop de fatigue pour participer à la grande journée, disait sa fierté d'être poussé par Maxime, le petit-fils d'Augustin Emplit, ami disparu. Avant le tour de Jacques, Augustin avait présidé l'Association des Mineurs de Heigne. Une équipe dont Achille Goethals a écrit l'histoire, résumée sur deux feuillets où l'on découvre la force des liens humains qui unissent ces femmes et ces hommes, autour de Jacques. Tous viennent de trinquer dans le jardin  de sa maison et de s'installer dans la rue, pour saluer la statue. Elle date du XIXe siècle et a bravé maintes fois les intempéries mais passe toujours devant la tribune d'honneur, dressée à la rue Anseele, avant de revenir à la petite chapelle. Maxime, un grand jeune gars sympathique, ne lâchait pas les poignées du fauteuil. Il allait avec Jacques, et Achille faisait des images, et les uns et les autres discutaient le coup, parlaient des mois qui venaient de s'écouler et de l'allure de ces gaillards habillés en grands officiers d'opéra. À l'invitation de Jacques, les anciens mineurs qui se regroupent au charbonnage du Bois du Cazier renforçaient les rangs. Le 8 août, ils seront à la cérémonie qui scellera le 61e anniversaire de la catastrophe de Marcinelle. Et la veille, le 7, sur le coup de 17h30, à Marcinelle, ils feront la haie à l'inauguration de la plaque offferte par le Devoir de Mémoire du Fief de Lambrechies, qui regroupe les mineurs et sauveteurs du Borinage. Ainsi, à La Madeleine, Maxime poussait le fauteuil de Jacques Stichelbaut et  c'était beau de les voir, perdus dans la foule, témoignant de la solidarité qui, au fond, est le terreau de toutes les grandes marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse.  

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