Histoire liée à un passeport perdu
Mouettes, sable, vent, surfers, medina, cris des oiseaux, Jimi Hendrix et sa guitare à Diabat, vagues, chansons de Derroll Adams, Portland Town. Banjo. Harmonica. Vent de l'harmonica mêlé aux rafales d'Essaouira. Puis, achetant un journal aux pages du jour jaunies déjà par le soleil, le temps d'un instant le passeport s'est comme envolé. C'est plus tard, en buvant un café au lait que j'ai cherché en vain ce papier, la tête à l'envers, du coup.
A la police où Ayat m'a conduit le fonctionnaire a dit, "Pas la peine de trop y penser, attendez et s'il le faut, revenez". Deux jours plus tard, alors que ma tête était remplie du coton de l'appréhension, au ryad Watier, à Essaouira, Gabriel le propriétaire, est venu me montrer le message reçu sur son téléphone. Quelqu'un, à 100 bornes au nord disait qu'un passeport avec la tête d'un type venu de loin traînait dans la poussière.
C'est Mohammed, avec son taxi, qui m'a conduit rechercher le sésame vagabond. Poli, il a acheté d'abord une boîte de biscuits marocains, dont les plus beaux, ceux à la noix de coco, en forme de feuille de palmier. On a bu une tasse de café au lait à la station-service puis la route de la côte a déroulé ses rubans à travers les décors ocres de la campagne d'un côté et le bleu de l'océan de l'autre.
Dans le creux d'une baie des maisons longeaient la route. On est entrés dans un bâtiment à l'air officiel où l'on nous a accueillis comme des cousins lointains. Quelqu'un est arrivé avec le passeport resté dans sa pochette indienne et me l'a mis entre les mains en parlant d'un coup de chance. Si entre les pages la carte du ryad n'avait pas été glissée, personne n'aurait trouvé le gars à qui appartenait le document.
J'ai dit merci en général et demandé qui remercier en particulier. Comme une écolière avait fait la trouvaille j'ai demandé si les enfants de l'école avaient besoin de cahiers. J'ai pensé qu'un passager du bus de la côte, après avoir ramassé le passeport et deux billets de cent dirhams plus un peu de monnaie, aura voulu partager sa chance avec le Belge qui avait perdu ses papiers. Alors il l'aura balancé par la fenêtre et livré au hasard qui a envoyé la petite fille.
On a mangé les biscuits d'Essaouira. La secrétaire de la mairie a appelé et un monsieur a apporté un plateau avec du thé, un pain rond et plat et une soucoupe d'huile d'olives. C'était bon. On a parlé de la vie du village, de la pêche au large et de ses périls, de la culture des pois et des carottes, du prix du blé et des guerres lointaines vuês à la télé. De voyages et de Bruxelles où tant de gens du Maroc ont émigré et fondé des familles.
Le passeport en poche je me sentais soulagé en revenant avec Mohammed dans son taxi et en admirant les falaises et ressentant la puissance des vagues et du vent qui drape les vêtements sur les silhouettes des gens dans les champs. De retour dans la bibliothèque du ryad, près de la Skala, dans la médina, avec Gabriel on a parlé de livres et des gens d'ici. De cette maison qui serait comme un voilier avec ses terrasses. Gabriel a navigué.
Plus tard je me suis dit que, ce jour-là, dans le village, je n'étais pas l'étranger. Même sans papiers on m'aurait donné du thé.
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