« Allons au-devant de la vie »

"Allons au-devant de la vie" est le titre d’une chanson composée en 1932 par Chostakovitch et les paroles françaises sont dues à Paul Vaillant-Couturier. Cette injonction enthousiaste correspond parfaitement à l’idéal qui a soulevé des milliers de jeunes progressistes (communistes, socialistes, catholiques, syndicalistes, ouvriers, étudiants…) pendant l’entre-deux-guerres.

Cette période a été peu étudiée, tant elle a été éclipsée par le drame absolu qu’a représenté cette guerre terriblement meurtrière et surtout par le génocide incommensurable qui a frappé les Juifs, les tziganes, les homosexuels et les exécutions qui ont décimé les résistants à l’horreur nazie. L’historien José Gotovitch, lui-même ancien étudiant communiste et professeur honoraire à l’ULB, a voulu combler ce vide dans le récit historique sur les communistes belges. Avec « Allons au-devant de la vie », il effectue ainsi la liaison avec son livre remarquable : « Du Rouge au Tricolore : les communistes belges de 1939 à 1944 : un aspect de l’histoire de la Résistance en Belgique ». (1) Au travers de l’analyse des documents retrouvés par l’historien, on découvre l’extraordinaire enthousiasme de centaines de jeunes ouvriers et étudiants se mobilisant contre le fascisme, pour l’Espagne en lutte, pour la paix, pour soutenir les luttes ouvrières, les grandes grèves… Et surtout, la rivalité entre Parti Communiste et Parti Ouvrier Belge pour dominer l’esprit de ces jeunes.

L’affaire Trotsky

Adhésion et rejet de jeunes militants sont compliqués par l’affaire Trotsky, condamné à l’exil et puis à la mort par Staline. Pour illustrer cette « affaire », un roman du Cubain Leonardo Padura, « L’homme qui aimait les chiens » permet aux jeunes générations de mieux comprendre l’ampleur de ce schisme au sein du pouvoir soviétique et aussi la traque des déviants de toute sorte par les sbires de Staline. Ce roman traduit bien l’endoctrinement des militants communistes, mais aussi leur aveuglement et leur soumission complète aux mots d’ordre de la dictature stalinienne. (2)
Retournons à la rigueur de l’historien qui aligne les éléments tirés des rapports, tracts, publications diverses et qui nous décrit comment quelques jeunes trotskystes écartés par le PC et donc par les jeunes communistes entrent au POB, plus ou moins discrètement. La pensée marxiste reste donc diverse.

Unité dans la diversité

Cependant, l’unité des mouvements de jeunes est souhaitée par une grande partie d’entre eux et, malgré les rivalités entre partis, se réalise temporairement à l’occasion de la révolution espagnole et de la guerre fratricide qui s’ensuivit.
L’unité se recrée face à l’ennemi nazi et nombre de ces jeunes déjà conscientisés par les mobilisations pour la paix et la justice sociale, pour le socialisme ou le communisme entreront dans la Résistance, bénéficiant de leurs liens, leurs réseaux, leur sens de la justice et de la démocratie. Beaucoup le paieront de leur vie, et plus particulièrement les Juifs. « Les survivants n’ont pas raconté leur histoire de jeunesse, explique José Gotovitch, comme si tout ce qui s’était produit pendant la guerre avait effacé leurs souvenirs. Les membres de la direction des jeunesses communistes ont été liquidés largement pendant cette guerre, la mémoire est ainsi effacée. »
L’historien parvient, au cours de ce minutieux travail de recension d’archives et de rares témoignages, à nous captiver en décrivant l’enthousiasme, le courage et la fraternité de la plupart de ces jeunes qui ont consacré leur vie à leurs idéaux.

Où en est le communisme ?

Hasard de l’actualité, peu de temps après la sortie du livre de José Gotovitch, paraissait le numéro 122 de la revue Politique dont le thème principal est « L’avenir du communisme. Actualité d’une utopie » (3)
Dans l’article « Une idée périmée ? Parole à la jeunesse ! » , on retrouve le même élan que celui qui a animé les jeunes entre les deux guerres, un communisme toujours d’actualité avec comme doctrine le marxisme comme clef d’analyse bien actuelle, accompagné d’écologie et de combats pour l’émancipation. Sont interviewés les représentants de divers mouvements, Comac (PTB), Ecolo J, Etudiants de gauche en action (EGA-PSL), Jeunes anticapitalistes (JAC), Jeunes FGTB, Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS – PS). Et l’on retrouve le même débat – modernisé bien entendu – que celui qui a agité les jeunes de l’entre-deux-guerres : marxisme et combats du mouvement ouvrier contre un capitalisme qui a amplement démontré son caractère dévastateur, socialisme plutôt que la référence au système particratique stalinien, écosocialisme, lutte des classes, mais maintenant, lutte pour toutes les personnes opprimées : les femmes, les sans-papiers, les personnes LBGTQIA+. On parle de renforcement de la sécurité sociale (ce système magnifique mis au point par les résistants lors de la dernière guerre !), du système coopératif, des actions « Robin des Bois » …
L’héritage de nos jeunes des années 30 a bien été transmis !

(1) José Gotovitch. « Allons au-devant de la vie - Une histoire des jeunesses et Etudiants communistes en Belgique. 1921 -1945. » Ed. CarCob, 2023.

- José Gotovitch. « Du Rouge au Tricolore : les communistes belges de 1939 à 1944 : un aspect de l’histoire de la Résistance en Belgique ». Ed. CarCoB, 2018.

(2) Leonardo Padura. « L’homme qui aimait les chiens ». Traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis et Elena Zayas. Métailié, 672 p., 24 €. 2011.

(3)« L’avenir du communisme. Actualité d’une utopie ». Revue Politique n° 122. Mai 2023.

https://www.revuepolitique.be/revue/?politique_numero=122

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Un roman qui éclaire une histoire sombre et complexe.

L'avenir du communisme décrypté dans la revue Politique.