Cachez ces beautés que je ne saurais voir !

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Une membre du personnel d'OCHA s'entretient avec des femmes déplacées dans la province orientale de Nangahar en Afghanistan. © UNOCHA/Charlotte Cans

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Lecture 7 min.

Les Talibans au pouvoir en Afghanistan ont démontré une fois de plus leur peur de l’indépendance, de l’autonomie et même de la beauté des femmes. Après l’interdiction des écoles et autres institutions d’enseignement pour petites et grandes, la défense de sortir de chez elles seules, l’obligation de porter la burqua qui les ensevelissent vivantes, voici l’interdiction des salons de beauté.

Pourtant, c’étaient les seuls endroits où, entre femmes, elles pouvaient potiner, se faire belles non pas pour leur mari mais pour elles-mêmes, pour leurs sœurs de lutte, pour leur fierté d’être femmes ce que leur dénie le régime islamique ultra radical au pouvoir.

C’était aussi l’occasion de pratiquer un métier, de gagner quelques sous bien nécessaires en cette période de grande pauvreté qui frappe le pays, après la longue, absurde et injuste guerre menée par les Etats-Unis et ses très soumis alliés occidentaux.

Je me souviens de ces salons de coiffure et de beauté qui fleurissaient au Liban pendant la très longue guerre civile qui a martyrisé ce pays de longues années. Les femmes y trouvaient la force d’être belles, leur manière à elles de résister, non pas à l’ennemi mais au désespoir. Ces lieux intimes sont parfois des havres de résistance féminine, d’entraide contre l’oppression des hommes. Y circulent des bons conseils, de petits secrets, des médisances aussi mais bon, cela reste entre nous.

Est-ce parce qu’ils ne savent pas contrôler jusqu’à l’intime de l’âme des femmes que les Talibans interdisent ces petits commerces ? La raison n’en sera donnée qu’après la fermeture, annonce le chef suprême de l’Afghanistan, Hibatullah Akhundzada, par le biais de son "ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu". On se croirait revenu au temps de l‘inquisition européenne, des procès en sorcellerie, des répressions des femmes par un clergé terrifié par ce sexe porteur de tous les dangers diaboliques.

Ces Talibans n’arriveront pas à leurs fins, à savoir enfermer et contrôler complètement les femmes et petites filles. La jeunesse iranienne a montré l’exemple d’une révolte inspirante. Cependant, la situation des femmes en Afghanistan est pire encore et sans l’aide internationale, des générations de femmes seront sacrifiées sur l’autel d’un islam rigoriste à l’extrême.

Le prix Henri La Fontaine à Lailuma Sadid

Des actions de résistance sont menées de l’extérieur afin de soutenir les rares et très discrètes initiatives visant à poursuivre l’enseignement aux petites filles et aux femmes afghanes. Au péril de leur vie, elles posent quelques jalons pour leur émancipation. Des réseaux d’assistance s’organisent puisque les Etats du soi-disant « monde libre » ne bougent pas, trop occupés à faire la guerre plutôt qu’à apporter la paix et le développement pour le bien de tous et surtout de toutes!

En Belgique, la Fondation Henri La Fontaine porte l’héritage de ce prix Nobel de la Paix en 1913 et qui fut aussi un ardent défenseur des droits des femmes qu’il considérait réellement comme ses égales. Les membres de cette Fondation ont décidé d’accorder le Prix international Henri La Fontaine pour l’Humanisme à ces « Les Femmes qui résistent », soit la mise en valeur du combat des femmes en Afghanistan, en Iran, et partout dans le monde. Elles sont représentées par la journaliste afghane exilée en Belgique, Lailuma Sadid qui poursuit son combat en faveur de l’éducation des filles de son pays.

Voici un bref résumé, par la Fondation, de l’histoire de cette femme engagée: “Lailuma Sadid a 16 ans quand, en 1996, les Talibans conquièrent le pouvoir et réduisent, voire suppriment, les droits des femmes, interdisant notamment la scolarisation des filles. Jeune étudiante, très vite, elle organise des cours qu'elle dispense en cachette aux petites filles interdites de fréquenter les écoles.

Aujourd’hui, comme les Talibans sont revenus au pouvoir, elle poursuit ce même combat depuis son exil en Belgique et gère des formations en toute discrétion. En effet, plus que jamais, elle est persuadée que la résistance à l’obscurantisme germe dans l'instruction et s'en nourrit.”

“Les engagements de Madame Sadid s’inscrivent pleinement dans ceux d’Henri La Fontaine qui militait activement pour les droits des femmes et l’éducation des filles, pour leur accession à une formation de qualité égale à celle des garçons. Rappelons-le, phénomène rare au début du vingtième siècle, il fut même Président d’une des premières écoles pour jeunes filles à Bruxelles!”, souligne la Fondation.

Lailuma Sadid est assistante à l’ULB et correspondante du Brussels Morning Newspaper. Elle s’est aussi impliquée dans l’association EnGaje qui accueille des journalistes exilés en Belgique et publie, avec la faculté de journalisme de l’ULB, le média numérique Latitudes. Découvrez ici son reportage sur les réfugiés dans les rues de la capitale de l’Europe:

https://medialatitudes.be/refugees-on-the-streets-in-the-capital-of-europe/

On le voit, outre son engagement féministe, cette journaliste défend les droits humains, la meilleure protection contre les obscurantismes modernes, de plus en plus menaçants.

- https://www.lesoir.be/523554/article/2023-07-04/afghanistan-les-talibans-ordonnent-la-fermeture-des-salons-de-beaute

- Tous les deux ans, la Fondation Henri La Fontaine remet le Prix international Henri La Fontaine pour l’Humanisme. Cette année, le prix sera décerné à Lailuma Sadid, journaliste afghane et un des soutiens aux femmes qui résistent en Afghanistan. Cette cérémonie, sera présidée par Françoise Tulkens, bien connue pour ses engagements en faveur des droits humains.

Une table ronde sur la thématique du Prix précède la remise de celui-ci. La cérémonie aura lieu le 21/09/2023, à 15 h, à l’hôtel de ville de Bruxelles.

- Une interview de Lailuma Sadid dans Espaces de Liberté : https://edl.laicite.be/lailuma-sadid-liberte-ce-si-joli-mot/

- Lire aussi cette analyse des Nations Unies : « Afghanistan: les interdictions imposées aux femmes perturbent le travail des Nations Unies mais aussi les chances des Taliban de sortir de leur isolement »: https://press.un.org/fr/2023/cs15330.doc.htm

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Lailuma Sadid, interviewée dans Espace de Libertés, du Centre d’Action Laïque. Photo © Sandra Evrard

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